Fin des chaudières à gaz : les déboires de l’Allemagne poussent les décideurs français à la prudenceAlors que la Première ministre, Elisabeth Borne, a déjà esquissé un calendrier pour la fin des chaudières à gaz en France, les décideurs français se veulent prudents face au débat qui s’annonce, après les déboires provoqués par le dossier en Allemagne.
Afin de décarboner leurs économies, les États membres de l’UE vont massivement électrifier leur système énergétique. Dans le secteur du bâtiment, très émissif et très énergivore, cette démarche induit un passage du chauffage fossile, notamment au gaz, vers des systèmes de pompes à chaleur électriques.
En Allemagne, les récents débats sur la rénovation énergétique ont mené à une crise gouvernementale après que le ministre écologiste de l’Économie et du Climat, Robert Habeck, a proposé d’avancer le calendrier de fin de ventes de chaudières au gaz pour le bâti neuf à 2024. Le programme de la coalition au pouvoir (écologistes, sociaux-démocrates et libéraux) prévoyait une sortie en 2025, mais la guerre en Ukraine a accentué l’urgence de sortir rapidement du gaz Russe.
Les libéraux (FDP), soutenus par une partie des sociaux-démocrates (SDP) et les chrétiens-démocrates (CDU-CSU), premier parti d’opposition, ont finalement obtenu un recul de la fin de vente des chaudières à gaz en 2028.
« Le projet partait d’une bonne intention en termes de politique climatique, mais sur le plan économique et social, l’écho est dévastateur », justifiait début mars Christian Lindner, ministre des Finances et chef de file du FDP. Mais selon Andreas Rudinger, chercheur en transition énergétique pour l’IDDRI et observateur de la vie politique allemande, « la situation en Allemagne est plus due à un coup politique des libéraux contre les écologistes qu’à une réaction de la population aux mesures annoncées par la coalition », dit-il à EURACTIV France.
Contamination du débat français ?
En France, le débat s’amorce depuis que la Première ministre Elisabeth Borne a évoqué, en mai dernier, la date de 2026 pour mettre fin à la vente des chaudières à gaz dans le nouveau bâti.
Interrogé sur les conséquences en France du débat en Allemagne, le député Renaissance et membre du groupe d’amitié parlementaire franco-allemand, Antoine Armand, déclare à EURACTIV France que le débat « est encore prématuré en France ».
Il n’en demeure pas moins que depuis l’annonce de la Première ministre, les défenseurs d’un mix gaz-électricité se sont rangés en ordre de bataille, tandis que le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a marqué sa désapprobation à l’égard de l’interdiction des chaudières à gaz.
Il s’agirait d’ « une mauvaise idée, qui va susciter beaucoup d’inquiétude chez nos compatriotes les plus modestes », a-t-il avancé dimanche (9 juillet) sur LCI.
Dès lors, pour éviter un revers, M. Armand concède que « quelques leçons peuvent déjà être tirées du débat houleux en Allemagne », notamment en matière de justice sociale.
Le Green Brief : l’Allemagne est-elle toujours le champion du climat qu’elle prétend être ?
Bienvenue sur le Green Brief d’EURACTIV. Vous y trouverez les dernières actualités en matière d’énergie et d’environnement en provenance de toute l’Europe. Vous pouvez vous abonner à la newsletter hebdomadaire en cliquant ici.
Spectre des gilets jaunes ?
Qu’il s’agisse d’interdire ou non les chaudières à gaz, « nous ne devons pas nous caricaturer nous-mêmes, prévient le député. Nous devons être vigilants sur les conséquences que pourraient avoir des décisions hâtives, comme la fin trop rapide des chaudières à gaz, sur le quotidien des ménages et sur les prix de l’énergie ».
Celui qui pilote le groupe de travail en charge de la synthèse et du bouclage énergétique dans l’élaboration de la future loi de programmation énergie-climat de la France se rappelle les conséquences de la « taxe carbone » sur les carburants. En 2018, elle avait déclenché le mouvement des Gilets jaunes.
Un imaginaire également invoqué à droite et chez les écologistes, puisque brandi par les sénateurs Dominique Estrosi-Sassonne (Les républicains — droite) et Guillaume Gontard (écologiste), lors de la présentation de leur rapport sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, rendu le 5 juillet.
Les sénateurs demandent plus d’accompagnement et de moyens pour assurer la rénovation énergétique des bâtiments et assurent qu’un « consensus politique » se dégage sur cette question.
En réponse, la Première ministre a annoncé samedi (8 juillet), dans une interview accordée au Parisien, que l’État allait investir 7 milliards d’euros en plus par an pour assurer, notamment, l’accompagnement des ménages vers la rénovation énergétique complète de leurs logements.
200 000 rénovations énergétiques complètes sont visées chaque année dès 2024, contre 60 000 à 70 000 aujourd’hui, a assumé samedi Antoine Pellion, en charge de la planification écologique pour la Première ministre, dans une interview accordée à France Inter.
Dès lors, le gouvernement semble à l’abri d’une crise politique, malgré les injonctions contradictoires exprimés. Si certains s’opposent à une interdiction, les autres, comme la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, insistent sur le fait que, tôt ou tard, la sortie des chaudières à gaz se fera, mais « de manière progressive ». C’est en tout cas ce qu’elle a assuré fin juin, après l’inauguration de l’extension d’une usine de fabrication de pompes à chaleur dans le Pas-de-Calais. La ministre devait, le même jour, se rendre également dans une usine de méthanisation de la région.
La France est à la fois le premier fabricant de pompe à chaleur et le troisième producteur de biogaz en Europe, derrière l’Allemagne.
Rénovation énergétique : les politiques d'incitation sont insuffisantes, selon un rapport sénatorial
Les sénateurs ont rendu mercredi (5 juillet) un rapport sur la rénovation énergétique des bâtiments résidentiels. Leur constat est sans appel : les politiques publiques menées ne sont absolument pas à la hauteur des niveaux attendus et des moyens engagés, qu’il faut donc renforcer.
https://www.euractiv.fr/section/chaleur … -prudence/
jean luc 