Entre école à la maison et en présentiel : comment s'adaptent enfants et parents expats ?

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Publié le 2022-08-10 à 11:00 par Sophie Hoy
La pandémie de Covid-19 a bouleversé le monde entier. Personne n'aura été épargné par les vagues épidémiques qui se sont abattues sur la population mondiale. Tous les secteurs professionnels ont été touchés. Au-delà des problématiques rencontrées par les professionnels, un autre secteur a été marqué par des changements importants : le système scolaire.

En effet, parents et enfants ont dû s'adapter à l'école à distance afin de poursuivre leur scolarité et leur apprentissage depuis chez eux, puis tous ont dû se préparer à reprendre le chemin de l'école, après des semaines, des mois, voire des années. Mais comment se sont adaptés les petits expats et leurs parents durant ces confinements et comment s'est faite la transition « home-schooling – présentiel » au retour à l'école ?

S'adapter tant bien que mal à l'urgence mondiale

Chloé est Belge et vit en Hollande. Lors du premier confinement, sa fille de 7 ans a eu des cours à distance, mais son fils de 4 ans à l'époque n'avait rien. « Ce n'était pas facile de combiner le travail à temps plein avec les enfants à la maison. C'était la première fois que l'école a dû organiser du distanciel mais ils étaient très organisés. En Hollande les enfants travaillent déjà à l'ordinateur en classe donc ce n'était pas nouveau ». Durant le second confinement de 4 semaines, Chloé a déposé ses enfants chez leurs grands-parents en Belgique. Ainsi les parents avaient moins de stress et ne devaient pas combiner travail à la maison et scolarité. « Aujourd'hui, les enfants ont encore des cours distanciels de temps en temps mais ce n'est pas du tout un problème. Le retour à l'école a été facile. Les enfants étaient bien contents d'y retourner. Les masques étaient toujours obligatoires dans les couloirs pour les plus grands et les parents ne peuvent plus aller dans l'école, mais tout est devenu très vite une habitude et ils le vivent très bien. »

Florence vit en Allemagne depuis 1988. Suivant une organisation bien rodée, ils prenaient d'abord leur petit-déjeuner en famille avant de vaquer à leurs occupations. Pour Florence, travail à domicile, et pour ses enfants de 15 et 18 ans, des exercices planifiés par l'école. « Il y a eu quelques cours à distance mais très peu avec des élèves manquants régulièrement, les miens de même. L'école à distance était quelque chose d'inconnu, simplement organisée pour le temps du confinement. » Il y a eu beaucoup de disputes et d'incompréhension engendrées par cette situation. » Florence qui connaît bien le monde des cours distanciels (elle donne des cours d'allemand et de français à distance) a vu « des professeurs non formés, confrontés à des sites inconnus et le tout sans motivation de la part des professeurs et des écoles. « Quelques profs se sont investis, ceux de mon fils par exemple, la phase d'apprentissage s'est faite en même temps que celle des profs. Les profs et les élèves se sont entre-aidés et ont avancé en même temps, ensemble. » Concernant le retour à l'école en présentiel, Florence est catégorique : « Mes enfants étaient joyeux de retrouver ce monde de l'école et surtout de revoir leurs amis en vrai, ceux avec qui ils ont passé des soirées, voire des nuits sur le chat... Transition sans dommages. Aucunes difficultés. »

En Inde, Marie F. nous parle de son expérience de maman française dans la région de Pondichéry. Les confinements y ont été très longs et la durée des fermetures d'écoles en Inde a été parmi les plus longues au monde d'après l'Unesco. « Les enfants ne sont pas allés à l'école en présentiel pendant près de deux années entières », nous dit Marie F. Habituée à vivre à l'intérieur durant les périodes très chaudes, la famille a néanmoins dû trouver son rythme. Étant dans un lycée français, le suivi a été bien mis en place dès le début. Cette maman qui travaillait à domicile avant cela, a eu la chance de pouvoir s'organiser plus aisément que d'autres, alternant l'aide aux devoirs les matins, puis assistant sa fille aux cours en visio et trouvant des activités pour ne pas trop s'ennuyer. « Les premiers mois ont été difficiles car les parents se mettaient une forte pression par rapport à la réussite scolaire et le fait de devoir être professeur en plus de leur rôle de parent. » Marie F. imagine difficilement la situation pour les parents ne parlant pas ou peu le français, et dont l'enfant était scolarisé dans le même établissement que sa fille. Finalement, les mois passant, le rythme est devenu moins soutenu et les écoles ont rassuré les parents quant au rattrapage et à l'accompagnement qui se ferait par la suite. Marie F. nous raconte d'ailleurs une activité particulièrement réussie qui avait été mise en place lors du niveau CE1 de sa fille : « Un défi avec une école en France avait été organisé, mêlant exercices physiques et activités ludiques. » Sa fille avait beaucoup aimé, comme tous ses petits camarades en Inde et en France.

Concernant le retour à l'école, cela semble avoir été plus difficile encore, que l'adaptation à la maison. « Beaucoup de fatigue, rythme compliqué à reprendre, horaires difficiles…. Aussi bien les élèves que les professeurs ont eu du mal à reprendre un cours normal après ces 2 années sans école. » Marie F. évoque pourtant une reprise partielle avec des demi-journées pour ne pas aller trop vite, mais le souci rencontré par les enfants était de rester concentrés, de rester assis en classe. Quant aux professeurs, ils témoignent de difficultés à capter l'attention de leurs élèves et le risque qu'ils s'ennuient en classe. Un retour compliqué donc, pour des enfants qui pourtant étaient contents de retrouver leurs amis et avaient suivi une scolarité en distanciel durant les confinements. Malgré tout, selon elle, le mode de fermeture long qu'a opéré l'Inde aura probablement été moins déstabilisant pour les enfants que le système « on and off » qu'ont connu les enfants en France.

Les lycées indiens ont vécu des épisodes bien plus compliqués encore. Les cours avoisinant généralement les 50 à 100 élèves par classe en présentiel, les moyens ne permettaient pas de pratiquer des cours à distance. Beaucoup d'établissements ne pouvaient pas mettre en place de système distanciel car les familles n'ont pas de matériel informatique et les écoles n'ont pas non plus les ressources pour mettre en place un système adapté à cette situation inédite. Aussi, nombreux sont les enfants qui n'ont eu aucune scolarité durant ces 18 mois voire 2 ans de fermeture des écoles indiennes, selon les régions. Quel a bien pu être le retour à l'école pour ces élèves coupés de toute vie scolaire durant si longtemps ? Une transition probablement encore bien plus complexe à vivre pour eux, leurs parents et leurs professeurs.

Des épreuves qui ont entraîné des changements d'établissements ou de méthode d'enseignement pour certains

Carina est Suisse allemande. Elle habite en France avec son mari anglais depuis 2015. Leur fille était scolarisée à l'école publique du village, en primaire. L'école n'avait presque rien mis en place durant le premier confinement. Difficulté complémentaire : le peu qui était mis en place nécessitait l'assistance de parents parlant parfaitement français, ce qui n'est pas le cas dans cette famille. La petite aussi bien que les parents se sont sentis complètement abandonnés durant toute cette période. Le retour à l'école n'a d'ailleurs pas été salvateur pour la petite, puisqu'elle a dû redoubler sa classe. Refroidis par un système désorganisé et par si peu d'accompagnement individualisé, Carina et son mari ont donc choisi de changer leur fille d'école et l'ont inscrite dans un établissement privé international, à la rentrée suivante. Là, des cours à distance ont comblé les nouvelles périodes en distanciel, une assistance réelle a été constatée et leur fille elle aussi, a grandement apprécié ce changement. « Elle a d'ailleurs tout aimé pendant cette seconde phase à la maison, contrairement à la première fois. Sourire aux lèvres, elle en a un excellent souvenir. Quant au retour à l'école après le 2e confinement ? Elle a été très contente de retrouver ses amis et professeurs. Comme quoi, se sentir inclue au groupe, recevoir un vrai accompagnement même en distanciel, combiné à un accueil chaleureux en revenant dans la cour de récréation aura eu un réel impact pour les enfants qui ont vécu ces deux années marquées pas la pandémie. »

D'autres encore ont pris la décision de sortir leur enfant de l'école et de prendre en charge leur éducation. N. est Français et vit à l'île Maurice avec son épouse Aurélie. Ils ont été déçus du système éducatif distanciel mis en place dans l'école primaire que fréquentaient leurs enfants. À la suite des confinements et périodes de plusieurs mois avec des cours distanciels presque inexistants (quelques heures de visio par semaine avec l'institutrice et quelques exercices et leçons à visionner pour la semaine, encadrés par les parents uniquement), ils ont pris une décision radicale : retirer les enfants du système éducatif privé qu'ils devaient payer plein tarif malgré si peu d'accompagnement.

Aujourd'hui Aurélie a pris en charge l'accompagnement des enfants. Ils suivent leur scolarité par le biais d'un organisme de cours à distance de système français. « Au début, nous étions perdus et j'ai eu du mal à assumer mon rôle de maîtresse au détriment de mon rôle de mère pendant les heures d'école. De leur côté, les enfants ont eu du mal à s'adapter et leurs copains leur manquaient beaucoup. Petit à petit, nous avons trouvé notre place et nous nous sommes organisés pour que les enfants continuent à avoir une vie sociale… Et nous aussi. » Aurélie a instauré un rythme pour travailler les notions et suivre le programme. « Bien que les débuts aient été difficiles, nous finissons l'année scolaire. En plus d'être très investie dans leur éducation, nous partageons également beaucoup de moments de complicité. Nous évoluons ensemble et nous allons à notre propre rythme car il n'y a pas vraiment de calendrier imposé. C'est un choix que je ne regrette absolument pas. »

Que le home-schooling ait été une réussite ou non, il est clair que cela dépendait principalement des moyens mis en place. L'investissement des parents, des professeurs et des enfants a eu un rôle important dans l'adaptation de l'école à la maison.

Concernant la transition home-schooling et retour à l'école, là encore ce sont les établissements scolaires et leurs acteurs qui avaient le rôle principal dans la reprise d'une scolarité normale. Bonne ou mauvaise organisation, les enfants n'ont eu de cesse de faire de leur mieux pour poursuivre leur vie d'écolier. Et si les adultes qui les entouraient, qu'ils soient professionnels ou non, ont été présents et bienveillants dans la phase de transition, les enfants sont tous sortis grandis de ces deux années difficiles.

Il est néanmoins un point positif commun à tous et qui semble avoir été le point le plus important pour tous ceux auxquels je me suis adressée au sujet de cette transition : ce sont les retrouvailles avec leurs copains.