Afrique du Sud : Nouvelles lois pour réguler le recrutement des professionnels étrangers 

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  • Cape Town, Afrique du Sud
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Publié le 2022-08-01 à 10:00 par Asaël Häzaq
Que se passe-t-il en Afrique du Sud ? En 2021, l'exécutif se lance dans une vaste refonte de son programme de visas. D'un côté, il veut redonner du travail aux Sud-Africains, quitte à pénaliser les travailleurs étrangers. De l'autre, il veut profiter du business des nomades numériques, en créant de nouveaux visas pour attirer les travailleurs étrangers 3.0. Une chose est sûre : les expatriés devront s'attendre à de profonds changements dans les mois et les années à venir.

Visa de travail en Afrique du Sud : ce qui change

Nouvelles règles pour la délivrance de visas de travail en Afrique du Sud. Dans son annexe à la loi immigration, le ministère de l'Emploi et du Travail (DEL), précise sa nouvelle réglementation. Dorénavant, il examinera toutes les demandes de visas. Les demandes devront suivre un parcours bien précis et se soumettre à un « processus préliminaire obligatoire » avant d'atterrir aux services de facilitation des visas (VFS). Plus d'étapes, plus de procédure, à l'heure où les États veulent faciliter leurs procédures.

Délivrance des visas : l'ancien système

Avant la nouvelle réglementation, l'employeur sud-africain devait juste enregistrer le poste pour lequel il avait besoin de main d'œuvre auprès de le DEL. Le ministère lui fournissait une liste de candidats potentiels. L'employeur s'engageait à tous les recevoir. Mais avec la nouvelle loi, le DEL vérifiera chaque demande de visa.

Champ d'application de la nouvelle réglementation

L'annexe sera compétente pour les visas de travail général, leur renouvellement, leur modification, les visas d'entreprise, le permis de séjour d'étrangers ayant déjà un visa de travail valide, et qui reçoivent une nouvelle offre d'emploi.

Selon la nouvelle procédure, le DEL examine l'offre d'emploi soumise par l'employeur. Elle lui propose des candidats. L'employeur doit informer le DEL s'il en recrute un. L'employeur envoie un formulaire de visa à l'antenne locale du ministère (DEL), et transmet également ses coordonnées pour contrôle postérieur par le DEL. Le ministère demande un « certificat de recommandation » auprès du ministère de l'Intérieur. Une fois le document obtenu, le DEL envoie à l'employeur une « notification de finalisation de visa » par mail.

L'employeur ne pourra pas faire appel en cas de réponse négative du ministère de l'Emploi et du Travail. L'appel est uniquement possible auprès du ministère de l'Intérieur. Si la réponse est positive (réception de la notification), l'employeur a 30 jours pour soumettre sa demande de visa auprès du ministère de l'Intérieur. En pratique, les délais sont plus longs. Le DEL peine à boucler ses dossiers à temps et cumule les retards.

Plan de relance économique et loi immigration

C'est le casse-tête du gouvernement sud-africain. Attirer des professionnels étrangers tout en luttant contre l'immigration illégale. En début juillet, le président Ramaphosa a fait publier un « cadre pour un pacte social en Afrique du Sud », document censé établir la nouvelle vision économique et sociale du pays. Mais ce n'est pas le premier engagement que l'exécutif prend, et n'honore pas, rappellent les sceptiques, qui ne croient plus en la « volonté politique ». Ils rappellent que l'Afrique du Sud entre dans sa 14e année de crise de l'approvisionnement en électricité. Ramaphosa a promis de débloquer une enveloppe de 1200 milliards de rands pour investir dans l'électricité « avant 2030 ». Un investissement qui devrait reposer, en grande partie, sur le privé. 

Mais les opposants veulent des garanties. La corruption gangrène encore l'Afrique du Sud. Le projet de loi « appel à audits de style de vie » pour lutter contre la corruption n'est toujours pas mis en vigueur, alors que plus de 200 membres de l'ANC (Congrès national africain) sont impliqués dans des affaires de corruption. L'annexe de la loi immigration intervient dans un contexte tendu, et ce sont les plus pauvres qui en paient le prix.

Hausse des violences à l'encontre des expatriés illégaux

Pendant des années, des entreprises ont employé illégalement des expatriés. En mai 2022, le taux de chômage en Afrique du Sud a atteint 34,5 %. Un chiffre élevé, mais en baisse depuis la Covid. L'embellie toute relative ne calme pas l'exaspération de la population. Une partie d'elle a trouvé les coupables : les expatriés illégaux. Depuis plusieurs mois, des « justiciers » se substituent à la police et font régner la terreur. Les actes de violence se multiplient à leur encontre : intimidations, tortures… jusqu'aux meurtres. En avril, Diepsloot, une commune de Johannesburg, a été la cible de plusieurs attaques anti-étrangers. Shenilla Mohamed, directrice exécutive d'Amnesty international Afrique du Sud tire la sonnette d'alarme : « Les homicides survenus à Diepsloot […] ne sont pas des incidents isolés. Ces attaques s'inscrivent dans le cadre de la vague croissante de violences à l'égard des migrant·e·s en Afrique du Sud. » 

Loi immigration : les sanctions pour les entreprises

Que fait l'État ? Face aux accusations d'inaction de la police, le président Ramaphosa promet plus de moyens. Il exhorte également les entreprises à cesser de contourner la loi. Avec la nouvelle réglementation immigration, tout professionnel étranger devra avoir un titre valide pour pouvoir travailler en Afrique du Sud, même s'il est employé par un particulier. Les employeurs qui ne respectent pas la loi seront eux aussi sanctionnés. Le ministère de l'Intérieur a annoncé être en pleine investigation au sein des entreprises, pour arrêter les expatriés illégaux et leurs employeurs.

Quelles conséquences pour l'expatriation ? 

Qui sont les expatriés visés par la loi ? A priori, la loi immigration ne pointe que les expatriés illégaux. Mais certains craignent un système qui sanctionnerait plus facilement les étrangers pauvres. Les organisations internationales redoutent un amalgame. Les « justiciers » semblent déjà s'emparer de la nouvelle réglementation pour continuer leurs actes de barbarie. Les expatriés victimes en appellent à l'État. Ils rappellent que tous ne sont pas en situation irrégulière. Ils demandent une protection de leur statut et une prolongation de leur permis de séjour. Ils demandent le droit de vivre, simplement et dignement. Reste à voir si leur cri sera entendu par Ramaphosa.