Travailler à l'étranger : zoom sur l'interdiction aux expats d'occuper certains postes

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Publié le 2022-07-26 à 10:00 par Asaël Häzaq
Que ce soit dans le secteur public ou le privé, les expatriés ne peuvent pas exercer tous les métiers qu'ils souhaitent. Certaines activités entrent dans le cadre du secret-défense et/ou de la protection des intérêts de l'État. Chaque pays décide d'autoriser ou d'interdire des métiers aux étrangers. Le coup est souvent rude pour celles et ceux déjà en activité. Comment gérer ces situations ? Comment vivre dans un État qui semble tout faire pour pousser les expatriés hors de ses frontières ?

Quand Oman empêche les expatriés de travailler

Mahad Baween, ministre du Travail d'Oman, franchit un pas supplémentaire dans la politique d'omanisation des emplois. Désormais, 207 professions seront strictement réservées aux citoyens omanais. Plusieurs secteurs sont visés, essentiellement dans le tertiaire. Viennent ensuite les professions médicales et les transports. Côté tertiaire, les postes de ressources humaines, coordinateur, chargé recrutement, guide touristique ou assureur immobiliers sont désormais réservés aux Omanais. Même politique pour le secteur du commerce : caissier, épicier, vendeur de rue… Dans les transports, les conducteurs de bus et conducteurs d'engins agricoles ne pourront plus exercer s'ils sont d'origine étrangère. Côté sécurité, les agents de sécurité et superviseurs expatriés devront cesser le travail. Dans le médical, les ambulanciers étrangers sont dorénavant interdits d'exercer. D'autres métiers sont concernés, comme les parfumeurs, les conducteurs de camions de pompiers, les analystes data, les directeurs de relations publiques...

Omanisation, saoudisation, koweïtisation, qatarisation : les pays du Golfe surfent sur la préférence nationale

Le phénomène n'est pas nouveau. Oman met en pratique une politique vieille de plusieurs dizaines d'années. Dès les chocs pétroliers, les pays du Golfe ont dû faire appel à la main-d'œuvre étrangère pour soutenir leur effort de production. Et dès cette ouverture, des voix s'élevaient pour réclamer le départ des étrangers à moyen ou long terme, et pour promouvoir une « nationalisation » des emplois. Pour le sultanat, l'omanisation permettra de fournir 32 000 emplois aux citoyens.

Au Koweït, on veut mettre fin à la forte présence étrangère. Près de 70 % de la population est étrangère. C'est 80 % au Qatar et 90 % aux Émirats arabes unis. Pionnier de cette politique avec l'Arabie saoudite, le Koweït parie sur une « koweïtisation totale de la fonction publique d'ici à 2028 ». Le mouvement s'est accéléré depuis la Covid, de même que les pressions contre les étrangers.

Un État peut-il interdire à un étranger d'accéder à un emploi ?

Oui, un État peut interdire à un étranger l'accès à un emploi. En général, les emplois concernés sont ceux du secteur public : administration d'État, armée, collectivités publiques... Dans l'Union européenne (UE), on observe une différence entre les citoyens membres d'un pays de l'UE, et non membres d'un pays de l'UE. Les non-membres subissent plus de restrictions. La réglementation européenne oblige les États à ouvrir leurs concours de la fonction publique aux étrangers, mais seulement à ceux de l'UE. Les fonctionnaires (professeurs des écoles, médecins…) sont donc exclusivement européens. En France, par exemple, il faut un diplôme français pour s'établir comme chirurgien-dentiste, notaire, ou avocat. Il faut aussi un diplôme français pour exercer en tant que professeur des écoles, ouvrir son salon de coiffure ou gérer des transports de fonds.

Attention à ne pas confondre fonctionnaire et contractuel. Le fonctionnaire a passé et réussi le concours de la fonction publique. Le contractuel n'a pas passé de concours. Il n'est pas titulaire. Sa position est plus précaire que celle du fonctionnaire.

Autres pays qui empêchent les expatriés de travailler dans certains secteurs

  • Arabie saoudite

En février dernier, le ministère des Ressources humaines publie une nouvelle liste de métiers interdits pour les expatriés. Comme pour Oman, un grand nombre appartient au secteur tertiaire : manager, chargé de recrutement, réceptionniste, directeur de ressources humaines, trésorier, gestionnaire d'affaires…

  • Koweït

Le gouvernement du Koweït se félicite de sa politique, et montre l'exemple. Début juillet, il publie la nouvelle répartition de ses employés : 80 % sont Koweïtiens, pour à peine 20 % d'étrangers. Ça coince encore dans le milieu de l'enseignement et le milieu médical, où les Koweïtiens manquent encore à l'appel. Mais la koweïtisation se poursuit. Les sites de recherche d'emploi sont de plus en plus nombreux à préciser « uniquement pour les Koweïtiens » sur leurs annonces.

  • Thaïlande

Selon la législation thaïlandaise, 40 métiers sont interdits aux étrangers, en comptant 13 métiers soumis à conditions. Les métiers de l'artisanat sont les plus visés par ces interdictions (fabrication de parapluies en papier ou en tissus, fabrication d'ornements en or, argent ou alliage de cuivre, tissage, fabrication d'ustensiles…). Certains métiers de la vente (vente aux enchères, vente ambulante) sont également interdits aux étrangers. Interdiction aussi de travailler comme guide touristique, secrétaire ou employé juridique. Les professions soumises à conditions concernent aussi la fabrication (chaussures, chapeaux, matelas…). Viennent ensuite certains métiers de la comptabilité, de la construction et de l'ingénierie.

Quelles conséquences pour les expatriés ?

C'est un coup dur pour les expatriés. Le choc est parfois brutal, comme le 14 juillet dernier, où, en Arabie saoudite, des expatriés travaillant dans le secteur privé apprennent par SMS que leur profession avait changé. C'est encore une initiative du ministère des Ressources humaines visant à réguler le marché du travail, pour contraindre un peu plus la main-d'œuvre étrangère.

Les expatriés d'Arabie saoudite ou du Koweït dénoncent depuis des années un climat « anti-immigré » qui s'est accentué depuis la Covid. À Singapour aussi, la préférence nationale s'est invitée dans le débat politique.

Plus insidieux : il y a compétition entre les expatriés et les nationaux, et entre les expatriés eux-mêmes. Les plus précaires travaillent dans le bâtiment, la restauration, aux postes les plus précaires. Au Qatar, le mondial de football est déjà entaché par les révélations sur les conditions de travail de ces expatriés précaires, qui n'ont même pas le nom d'expatriés. Ce nom est plutôt réservé aux postes qualifiés, créant une division entre les étrangers privilégiés, et ceux dépourvus de droits.

Comment vivre lorsque l'État pousse vers la sortie ? Beaucoup quittent le territoire. Le Bureau des statistiques du Koweït se félicite du nombre toujours plus important d'étrangers quittant le pays. Près de 100 000 rien que pour le premier trimestre 2020.