Changer de carrière en tant que femme expat : est-ce possible ?

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Publié le 2022-03-11 à 10:00 par Ester Rodrigues
Même dans leur propre pays, les femmes sont déjà confrontées à un plafond de verre et à plusieurs obstacles pour décrocher des opportunités sur le marché du travail, en particulier pour accéder à des postes supérieurs. Parmi les raisons, on compte les stéréotypes en matière de genre et le sexisme. Selon le dernier Women in Work Index réalisé par PwC, 70 % des femmes dans les pays de l'OCDE font partie de la population active, contre 81 % des hommes. Par ailleurs, on compte moins de femmes dans des postes à temps plein (76%) contre 91% pour les hommes.

Pourtant, ce même rapport souligne un écart de rémunération de 15 % entre les hommes et les femmes. Depuis 2011, les pays de l'OCDE ont réalisé des progrès considérables en matière d'autonomisation économique des femmes. Cependant, des efforts supplémentaires sont requis pour parvenir à l'égalité des genres dans le monde du travail. Pour de nombreuses femmes expatriées, avoir un travail décent et formel semble être un rêve lointain. Même si elles sont souvent plus instruites que les hommes, les marchés du travail les orientent toujours vers des emplois considérés comme « traditionnellement acceptables pour les femmes », généralement liés à des rôles domestiques et de service. Il faut reconnaître qu'elles sont peu nombreuses, par rapport aux hommes, à atteindre des postes de niveau supérieur dans la gestion et le leadership.

Pourquoi les femmes ont-elles tendance à chercher des emplois à l'étranger ?

Les femmes immigrées sont des membres à part entière de toutes les nations, travaillent dans différentes industries et contribuent à la croissance économique. Selon l'Organisation internationale du travail, les femmes asiatiques constituent aujourd'hui la catégorie d'immigrants à croissance la plus rapide au monde : 35 millions. Selon les recherches faites par cette organisation, les femmes sont de plus en plus nombreuses à immigrer pour pouvoir subvenir aux besoins de leur famille, d'autant plus que la demande ne cesse d'augmenter dans les secteurs de la santé et des services aux personnes depuis le début de la pandémie de Covid.

Alors que l'impact de la pandémie se fait toujours ressentir sur les économies et continue d'affecter de manière disproportionnée les femmes actives dans leur pays d'origine, l'immigration pourrait reprendre son ampleur précédente à mesure que les frontières rouvrent autour du globe. Selon le rapport Gender and Migration du Migration Data Portal, en 2020, 48 % des immigrants étaient des femmes. Il ressort que ces dernières auraient choisi de déménager à l'étranger pour plusieurs raisons, notamment le manque d'opportunités professionnelles, la pression des attentes en matière de genre, l'ethnicité, la race, l'âge ainsi que les préjugés de classe dans leur propre pays.

« J'ai toujours eu une passion pour l'industrie créative. J'ai voulu m'expatrier au Royaume-Uni en raison des opportunités qui y sont disponibles. J'ai totalement changé de domaine, par rapport à mes études. C'est un domaine très compétitif », explique Livia Hartmann, une expatriée d'origine brésilienne et espagnole qui vit actuellement au Royaume-Uni. Elle estime toutefois qu'il existe aujourd'hui davantage d'opportunités pour les jeunes femmes. « Les entreprises essaient d'être plus inclusives et d'offrir plus d'opportunités aux minorités sociales, en particulier au Royaume-Uni. Ma race et mon genre ne sont pas un problème ici, mais je pense que cela compte énormément lorsque l'on décide de partir à l'étranger ou de changer de carrière. D'un autre côté, cela vaut toujours la peine d'essayer de trouver quelque chose qui nous permet de nous épanouir. »

Les métiers dits « féminins »

Il existe des postes liés à l'aspect « maternel » et aux notions stéréotypées du « féminin », comme les travaux ménagers et les services domestiques qui sont généralement « réservés » aux femmes. Une enquête réalisée dans un aéroport à Sri Lanka révèle que 84 % des travailleurs immigrants étaient des femmes, dont la grande majorité, 94 %, était des domestiques. D'autre part, parmi les industries qui alimentent la demande de femmes d'origine asiatique, on retrouve le « divertissement », un euphémisme fréquemment utilise pour désigner la prostitution.

Raquel Escalante est une fille au pair d'origine mexicaine et travaille actuellement en Allemagne. Elle est diplômée en marketing numérique et a travaillé pour des agences de publicité dans le département des médias sociaux. Cependant, elle a toujours rêvé de vivre à l'étranger. « J'aime mon pays, mais je suis consciente du manque d'opportunités pour les femmes dans mon domaine (et sans tenir compte du genre, il y a un manque d'opportunités dans le domaine en général). De plus, je me suis dit qu'en partant à l'étranger, j'aurais plus d'opportunités de faire quelque chose de plus significatif en quittant ma zone de confort. »

Raquel a toutefois fait l'expérience d'une tendance sexiste aux « emplois féminins » lorsqu'elle est allée en Allemagne : « Comme je suis une femme, je m'occupais des enfants et je fournissais de l'aide à domicile. Mais dans ce métier, il y a aussi les soi-disant « bro pairs » dont les tâches sont similaires à celles des femmes. Le terme « bro pair » souligne que la catégorie est inhabituelle pour les hommes et indique que même si le terme au pair n'est pas féminin, la fonction est généralement exercée par des femmes. » Selon Raquel, les offres dans différents domaines de travail pour toutes les personnes, indépendamment de leur sexe, selon ses propres mots, l'Allemagne en tant que pays européen a moins de « postes typiquement réservés aux femmes » que le Mexique.

Les meilleurs endroits et secteurs pour booster sa carrière en tant que femme expat

Raquel a principalement choisi l'Allemagne en raison du niveau de son système éducatif et du coût de la vie abordable. Elle estime également qu'il est plus facile d'obtenir un meilleur emploi et une meilleure rémunération dans une carrière en communication en Allemagne qu'au Mexique. En outre, l'Allemagne reconnaît la communication comme une partie importante des institutions et des organisations. Il existe en effet dans le pays de grandes innovations, des ressources pédagogiques et des avancées dans le domaine. Selon l'International Trade Administration, l'Allemagne possède l'un des plus grands marchés des technologies de l'information et des communications (TIC) au monde, avec une estimation de 1,03 million d'employés en 2021.

Une recherche intitulée Profile of Immigrant Women in the Workforce publiée l'année dernière indique les cinq industries les plus accueillantes pour les femmes expats dans la main-d'œuvre américaine, à savoir, les soins de santé et l'assistance sociale, services d'hébergement et de restauration, les services éducatifs, le commerce de détail et la fabrication. Les trois dernières options pourraient être un moyen pour toutes les femmes de remettre en question les normes en matière de genre. En se spécialisant dans ces domaines, elles ont toutes les chances de surmonter les barrières et les stéréotypes tout en progressant.

Selon l'indice d'égalité des femmes sur le lieu de travail publié par la Banque mondiale, les 10 pays listes ci-dessous sont pleinement engagés dans la protection des femmes contre la violence, offrent des incitations au travail et éliminent les obstacles à l'emploi. Même si aucun pays n'obtient un score parfait sur le plan de la parité des genres au dans le monde du travail, l'Australie s'en rapproche le plus, avec un score de 94,9 sur 100. Les meilleurs pays pour changer ou booster sa carrière en tant que femme expat sont donc :

  • Australie
  • Canada
  • Nouvelle-Zélande
  • Espagne
  • Mexique
  • Bosnie-Herzégovine
  • Royaume-Uni
  • Lituanie
  • Islande
  • Lettonie

Même si l'Allemagne ne figure pas sur cette liste, Rachel estime que son emploi en tant que fille au pair l'a aidé à atteindre ses objectifs. «Cela me permettra de faire des économies pour que je puisse enfin travailler dans un domaine lié à mes études universitaires : les médias sociaux. »

Changer de carrière en tant que femme expat : est-ce que ça vaut le coup ?

Partir vivre à l'étranger est synonyme de changement, avec plus de possibilités et d'opportunités. Pour Raquel, s'expatrier en Allemagne était un excellent choix. « Il y a une plus grande parité hommes-femmes ici que dans mon pays. Je pense donc que j'ai plus de chances ici, même si je fais des généralisations, de trouver le poste qu'il me faut avec moins de barrières de genre qu'en essayant dans mon pays d'origine ».

Changer de carrière en tant que femme expat n'est pas forcément une décision définitive, mais cela peut constituer un outil à court terme pour se battre et obtenir tout ce qu'il y a de meilleur sur le plan professionnel. « Aujourd'hui, heureusement, j'ai trouvé un travail qui est plus ou moins similaire à celui que j'avais auparavant. Cette étape me permettra donc d'étudier et décrocher un deuxième diplôme et d'améliorer mes compétences professionnelles et ainsi booster ma carrière. Je dois admettre que rien de tout cela n'aurait été possible si je n'avais pas quitté mon pays et ma carrière pour poursuivre mon rêve à l'étranger ».