Expatriation au Québec en pleine crise : le pari réussi d'une famille française

Interviews d'expatriés
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Publié le 2022-01-28 à 10:00 par Veedushi
La passion de Maëva pour le Québec remonte a une vingtaine d'années, mais ce n'est que récemment, au cœur de la pandémie, qu'elle a choisi de franchir le cap de l'expatriation. Elle y vit aujourd'hui avec son conjoint et leurs deux enfants. Maëva revient sur son parcours et nous parle des multiples opportunités disponibles dans cette province canadienne pour les expatriés.

Pouvez-vous vous présenter brièvement et nous parler de votre parcours ?

Je m'appelle Maëva, j'ai 36 ans. Je suis mariée depuis bientôt 10 ans et nous avons deux petits cocos (comme on dit au Québec) de 5 et 8 ans. Je suis originaire du nord de la France mais j'ai beaucoup déménagé. J'ai vécu à Lille, Troyes, Grenoble, en montagne. Mais, avant de venir au Québec, nous avons vécu 10 ans en Belgique. Donc oui j'ai la bougeotte ! Je suis une bonne vivante, j'aime la bonne bouffe, le bon vin.

Qu'est-ce qui vous a motivé à partir ?

Le projet de vivre au Québec existe depuis bientôt 20 ans… Tout a commencé parce que mon mari était venu en voyage ici et qu'il était tombé amoureux de la Belle Province. Il en parlait tellement bien avec des étoiles dans les yeux, qu'il m'a donné envie de découvrir cet endroit. Mais c'était hors de question de partir vivre à 5000km sans savoir à quoi je m'attendais. Alors j'ai profité d'un stage de fin d'études et je suis partie à Montréal 3 mois. C'était l'une de mes plus belles expériences. C'était la première fois que je partais aussi loin et je le faisais seule ! J'ai vécu dans une famille Montréalaise, je travaillais pour une entreprise canadienne, une vraie immersion ! C'était vraiment ce que je cherchais, je voulais voir comment on vivait vraiment, la mentalité, le monde du travail, etc. Je suis rentrée en France après mon stage et c'est là que je me suis dit « c'est là que je veux vivre ! ». Ensuite, j'ai fini mes études, on s'est marié, on a acheté une maison, on a eu nos enfants et la routine confortable s'est installée. Pour autant, nous avions toujours eu le Québec dans un coin de notre tête et on en reparlait très régulièrement. Puis la Covid est arrivée. On a eu le temps de penser à ce que l'on voulait vraiment pour notre petite famille et on s'est dit qu'on devait se bouger maintenant. Nous avons donc commencé les démarches pour trouver un emploi ici. On s'est inscrit dans des salons de recrutement, on a postulé via des sites internet et aussi des cabinets de recrutement spécialisés dans l'international. Nous avons pu venir ici avec tous les deux un travail, ce qui est très rassurant pour nous mais aussi pour nos proches.

Depuis combien de temps vivez-vous au Canada ? Qu'est-ce qui vous y a attiré ?

Nous vivons au Canada depuis presque 9 mois. J'ai un permis de travail ouvert, ce qui me permet de changer d'emploi si je le souhaite et mon mari a un permis fermé. Il est « marié » à l'entreprise pour la durée déterminée par l'immigration. Nous nous sommes rapprochés de la ville de Québec car pour nous elle est juste parfaite. C'est une grande ville avec toutes les activités que l'on souhaite. Après le travail on peut prendre les skis et faire quelques petites descentes, ou alors se faire un bon resto, boire un verre, aller au cinéma. Il y a l'embarras du choix. Mais il y a aussi ce côté proche de la nature, des sentiers de randonnée à quelques minutes. Et puis l'architecture de la ville est incroyable avec les petites rues en pavé, les maisons en pierre. Pendant les fêtes de Noël c'est tellement féerique, on se croirait dans un film.

Comment s'est passée votre installation ? Avec un peu de recul, pouvez-vous dire que vous vous y êtes intégrée facilement ?

Pour venir, nous avons décidé de prendre un container avec les souvenirs, jouets des enfants, skis, instruments de musique, bref pas de meubles. On avait pris environ 5m3. Et nous avions 12 valises dans l'avion (pas très pratique à trimbaler !). Nous avions déjà trouvé notre maison avant d'arriver. Nous sommes arrivés dans la période où il fallait prendre 3 jours d'hôtel et une quarantaine. Ça a créé du stress et des frais supplémentaires… Mais à notre arrivée on a reçu un super accueil. Les gens venaient nous rencontrer et nous souhaiter la bienvenue avec des bières, notre voisin nous a aidés pour monter le module de jeu dans le jardin. On s'est senti très bien accueilli malgré les circonstances. Nous nous étions dit avant de partir que nous voulions éviter les Français et ne rencontrer que des Québécois. La réalité est qu'on a fait l'inverse. Je ne sais pas si c'est la Covid, mais on a encore du mal à avoir de vraies amitiés avec les Québécois. Mais apparemment il faut plusieurs années pour construire des relations, donc ça viendra.

Parlez-nous de votre carrière. Dans quel domaine exercez-vous et a-t-il été affecté par la crise ?

J'ai fait un Master dans une École de Commerce et avant de partir j'étais Contrôleuse de Gestion dans une société de crédit. J'ai trouvé un travail avant d'arriver grâce à un cabinet de recrutement. Aujourd'hui, je suis Analyste Performance dans une grande société d'assurance. Ça a été une opportunité pour moi de changer de secteur et de job. Quelque chose que l'on ose moins quand on est dans sa zone de confort. Le seul impact de la crise est que je suis en télétravail à 100%, et pour une intégration ce n'est vraiment pas top ! Je n'ai qu'une hâte, c'est de rencontrer mes collègues en vrai et de retrouver une vie sociale. Pour moi c'est le gros point négatif et dur car on se sent isolé.

Comment se porte le marché du travail québécois actuellement ? La province attire-t-elle toujours autant qu'avant ?

Ici le marché du travail est un autre monde ! Il y a des panneaux partout d'entreprises qui recherchent du monde. On se retrouve avec des situations assez drôles comme des entreprises qui offrent des poutines aux nouvelles recrues, des grosses primes à l'embauche pour le candidat mais aussi de cooptation. Les gens démissionnent puis reviennent quelques mois plus tard et ça ne dérange pas. Les entreprises essaient de retenir leurs employés face à la concurrence et ça permet de négocier ou d'avoir de beaux avantages. Dans mon entreprise, par exemple, tous les salaires ont été revus à la hausse pour garder un maximum de collaborateurs difficiles à trouver.

Qu'en est-il de votre vie sociale ? Quelles sont les restrictions en place et comment vous y prenez-vous ?

Pour le moment je suis surtout en contact avec des Français et des Belges. La situation sanitaire est compliquée et ça n'arrange pas les contacts humains. On n'a pas le droit de recevoir chez soi, le télétravail est obligatoire. Les restaurants, bars, cinémas sont fermés. C'est assez difficile. Alors on profite de la saison pour aller faire du ski, des glissades et créer des souvenirs avec les enfants. C'est parfois dur moralement.

À quoi ressemble votre quotidien d'expatriée au Québec ?

Une journée typique de maman ! La différence est la préparation des lunchs. Il n'y a pas de cantines comme on connaît. Il y a des traiteurs qui peuvent livrer dans les écoles mais là on perd un bras. Alors je me suis inscrite sur des sites pour donner des idées, maintenant c'est devenu une routine, et de temps en temps on utilise le traiteur pour faire plaisir (surtout à moi). Sinon le gros point positif c'est le temps que j'ai avec mes enfants. Avant j'étais souvent la dernière à chercher les enfants à la garderie vers 18h, en courant. Le temps de rentrer il était déjà temps de faire la douche/lecture/repas et hop c'est l'heure du coucher. Là je vais chercher mes enfants à 16h30 – 17h ou mon mari à 16h. Le soir on a le temps de faire plein d'activités sans courir, quel bonheur. Au Québec on commence le travail plus tôt (souvent vers 8h-8h30), on mange en 1h grand max, ça permet de finir tôt. Il faut savoir que vers 17h30-18h, c'est l'heure du souper ! (pour le moment ce n'est toujours pas possible pour nous).

La vie d'expat avec des enfants, ça s'organise. Parlez-nous en, particulièrement en termes de scolarité et d'intégration.

Les enfants étaient notre grande inquiétude dans ce projet, surtout pour l'aîné qui avait 7 ans quand on est arrivés. Il est très sensible et aime être dans sa zone de confort. On les avait préparés à notre nouvelle vie. On regardait des vidéos ensemble, on leur expliquait ce qu'on allait faire comme activités et ils réagissaient très bien. Mon grand a commencé l'école quasiment tout de suite car on voulait qu'il reprenne un rythme rapidement. En le déposant le premier jour, mon cœur de maman a craqué. J'étais tellement stressée, j'avais hâte qu'il revienne pour savoir comment ça s'était passé. Et le soir il est arrivé dans son bus jaune, tout content, et il s'était déjà arrangé avec des copains de classe pour jouer à la maison. Ouf ! Pour la petite c'était très différent. Elle avait 4 ans à ce moment-là et l'école commence ici à 5 ans (possibilité de préscolaire à 4 ans mais très peu de places). Donc retour chez la nounou, chose qu'elle n'a pas bien prise du tout ! Elle avait commencé l'école à 2 ans et demi, était dans une classe avancée. Donc elle ne comprenait pas qu'elle doive retourner chez les « bébés ». Mais heureusement la gardienne s'est adaptée et elle a pu faire des activités liées à son âge. Aujourd'hui ils sont tous les deux à l'école, ce qui a été un gros soulagement ! Ils commencent l'école tôt, à 7h50 (chaque école à ses propres horaires) et finissent à 15h05. Il y a bien sur des services de garde (payants). L'école est toute neuve, le matériel aussi. Ils font un mélange de travail cahier/Ipad/ordinateur. Il y a un comité robotique pour les plus grands. Je trouve que c'est bien de voir que l'école suit le mouvement, car concrètement le digital est omniprésent. L'approche des enseignants est très différente. C'est surtout basé sur la bienveillance, l'encouragement, on leur dit qu'ils sont capables de tout faire pour leur donner confiance en eux. C'est déroutant au début car on n'avait pas l'habitude, on se disait « ils en font un peu trop là ». Mais les enfants sont poussés vers le haut, sans pression et c'est une chance pour eux. Et je vois aussi ce comportement dans le monde du travail où l'on félicite, on met en lumière nos réussites. Il n'y a pas de « tu as mal fait ça », mais « je l'aurais fait autrement ». Vous voyez un peu la différence !

Y a-t-il une chose qui vous manque de votre pays d'origine, particulièrement dans le contexte pandémique ?

Le manque de la famille et amis ! Ce n'est pas très original, je sais. Mais oui ce n'est pas facile tout le temps, surtout quand il y a un anniversaire, des fêtes de famille, des décès. Il y a quelques moments de blues. La situation sanitaire n'aide vraiment pas. Heureusement on a les visio, on sait qu'on peut s'appeler quand on veut. Mais ce n'est pas pareil. De mon côté j'aurais besoin de retourner régulièrement en France pour prendre une bonne dose d'amour, de câlins et de revenir avec un bon stock ! Il faut trouver son équilibre. Certains n'en ressentent pas le besoin, d'autres oui, le plus important est de s'écouter.

Quels sont vos projets d'avenir ?

Notre projet initial est de vivre ici à long terme, mais on ne veut pas se mettre la pression. Alors on a décidé de se laisser porter. On va essayer de stabiliser notre vie, de retrouver une routine. On profite de vivre notre rêve, de partager ces moments avec nos enfants, de créer des souvenirs en famille. Tant qu'on est heureux on reste et tant mieux, et si on ne sent plus bien, alors on va ailleurs et tant mieux aussi. Ce ne sera pas un échec mais une superbe expérience !

Y a-t-il des conseils que vous souhaiteriez donner aux personnes qui considèrent une installation au Canada ?

Un mot qui me vient tout de suite : patience. C'est un projet qui prend du temps, que ce soit le fait de trouver un travail, de faire les papiers, s'installer et trouver ses repères. Il faut prendre aussi cela dans le bon sens. Ça permet de bien réfléchir, se préparer et préparer ses proches. Il y a tellement de choses à faire et penser qu'au final tout s'accélère d'un coup. Il faut prendre conscience également que ce n'est pas le monde des bisounours, que tout n'est pas parfait. Beaucoup sont déçus car ils s'attendaient à un monde idéal, il y a des choses meilleures et pires, le tout est de connaitre ses envies et priorités. N'hésitez pas aussi à vous inscrire sur des sites d'expatriés où vous trouverez plein d'info sur la vie de tous les jours, les démarches. Personnellement je me suis créée un compte Instagram sur lequel je parle de tout cela et je réponds aux interrogations et au stress des personnes. Les expatriés sont très solidaires car on sait par quoi on est passés et on veut aider à notre tour. Le plus important : écoutez-vous. Faites-vous confiance, vivez votre propre rêve et n'ayez pas de regrets.

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