Comment faire face à la crise de COVID-19 quand on est un artiste vivant à l'étranger ?

Vie pratique
Publié le 2020-04-08 à 11:08
En pleine crise de COVID-19, l'Allemagne vient de voter une aide de 500 millions de dollars pour les artistes du pays. En effet, en confinement partiel ou total, certains pays voient leurs rues désertes, les bars, restaurants, cinémas, cabarets, théâtre et musées fermés laissant les artistes professionnels  en coulisses. Comment les musiciens, acteurs, danseurs, humoristes... expatriés font-ils face à la crise de COVID-19 ? Nous avons interrogé un musicien français vivant aux Etats-Unis et un acteur originaire de Roumanie installé au Canada.

Eric John Kaiser est un artiste né à Paris vivant à Portland, dans l'Oregon. Il se définit lui-même comme “French troubadour”. Son dernier album “Made in Gaspésie” est disponible en ligne. 

D'où êtes vous et depuis combien de temps vivez-vous dans l'Oregon, aux Etats-Unis ? Qu'est-ce qui vous a amené par ici ? 

Je suis un chanteur, compositeur français originaire de Paris. Je vis a Portland, en Oregon, depuis 2006. J'ai suivi une Américaine rencontrée à Paris jusque dans l'Oregon. Après quelques mois, notre relation n'a plus fonctionné mais j'ai décidé de rester quand même. J'adore la musique américaine comme la folk, le blues, le rock indépendant et je pensais que j'avais beaucoup à apprendre en restant ici. Depuis, j'ai sorti 5 albums et fait des tournées principalement sur la côte ouest , en Louisiane, au Québec et en France. C'est une super aventure musicale jusqu'à maintenant. 

Comment un chanteur franco-américain gagne sa vie aux Etats-Unis ? 

Principalement en faisant beaucoup de concerts. Je suis musicien indépendant et je n'ai pas de label pour me soutenir. C'est grâce à l'aide de mes fans, à travers des levées de fonds sur Kickstarter que j'arrive à produire et sortir mes titres.  Je ne pourrais pas le faire sans eux. 

Malheureusement je ne vend pas assez d'albums, ou ne reçoit pas assez de royalties de mes streaming pour en vivre. Donc je dois faire le plus de concerts possible. En même temps, cela m'aide beaucoup à améliorer mon son et mon écriture. C'est toujours un travail en cours, un moyen de découvrir de nouveaux sons mais également de rencontrer plein de gens sur la route. Lorsque je ne suis pas en tournée pour présenter un nouveau CD, je joue dans l'Oregon et dans l'Etat de Washington. La plupart du temps, je chante des chansons françaises. Beaucoup de gens aiment la musique française ici. Je fais aussi des mélanges avec des rythmes et des sons américains (du blues, rock et folk). 

 A côté, je propose aussi des programmes éducatifs pour les professeurs de français, en utilisant des chansons françaises pour enseigner la langue aux étudiants. J'ai récemment fait une présentation sur le Hip Hop français dans 5 lycées la région de Portland. C'est toujours amusant de partager la musique française avec les étudiants. 

De quelle façon la crise du coronavirus change-t-elle votre vie d'artiste ? 

La crise m'a frappé assez fort et c'est arrivé très vite. Je vis grace a mes concerts et j'ai perdu toutes mes dates et tous mes revenus. Je travaille a mon compte donc à ce stade, je ne peux pas toucher de chômage. Je comprend totalement que le confinement est la meilleure chose à faire pour notre communauté mais cela rend les choses très stressantes jour après jour.  

Néanmoins, pour rester positif, mon rythme de vie a ralenti. Je ne suis plus tout le temps sur la route, j'ai l'occasion de me consacrer à l'écriture et de partager mes nouvelles chansons en ligne. C'est assez génial. Cela passera. J'espère seulement que les gens restent en bonne santé et que nous pourrons reprendre notre vie bientôt. Mais est-ce que les choses resteront les même qu'avant ? Je n'en suis pas certain. Je me pose la question tous les jours. Tout est si global maintenant, même les épidémies… 

Comment pensez-vous que cela va impacter l'industrie musicale ? 

C'est une très bonne question. Je ne suis pas certain d'avoir la réponse. Je ne suis pas sûr que quiconque ait déjà une réponse. Dans ces temps un peu étranges où tout est figé ( à l'exception   de la vie du personnel hospitalier et de tous les services indispensables), tout le monde est en ligne. Les gens ont besoin de se divertir pour se changer les idées et de se détacher des informations. Peut-être qu'après tout cela, on trouvera de plus en plus de concerts et de musique en ligne… les habitudes des gens ont déjà beaucoup changé avec les services de streaming, on ira peut-être davantage dans cette direction. Mais je pense encore que rien ne remplacera les interactions humaines. Nous verrons. 

Auriez-vous un conseil à donner à d'autres artistes qui font face à cette crise ? 

Prenez du temps pour apprendre des choses en ligne, lancez des projets que vous aviez mis de côté depuis longtemps, écrivez et composez des chansons si vous êtes compositeur, appelez un ami avec qui vous n'avez pas parlé depuis longtemps et dites à vos proches que vous les aimez. La vie est fragile et courte. 

Raresh Dimofte est un acteur et producteur professionnel de cinéma, télévision et théâtre. Originaire de Roumanie, Raresh vit aujourd'hui avec son épouse à Vancouver en Colombie Britannique. 

D'où venez-vous et depuis combien de temps vivez-vous à Vancouver, au Canada ? Qu'est-ce qui vous y a amené? 

Mon pays de naissance est la Roumanie et je vis aujourd'hui entre le Canada et la Roumanie avec ma femme et notre fille. Nous avons déménagé à Vancouver il y a exactement 10 ans, juste après les Jeux Olympiques d'hiver. Nous sommes venus à Vancouver pour travailler dans l'industrie du film et de la télévision. 

Est-ce un avantage d'être un acteur étranger au Canada ?

Je ne vois aucun désavantage d'être étranger et de travailler dans l'industrie du cinéma. Au contraire, je met à profit ma présence “étrangère” pour construire ma niche. Je ne dis pas c'est facile mais cela fait partie de mon travail de trouver des moyens de trouver des contrats, de créer des opportunités où je peux mettre en valeur mes compétences etc.

Vous êtes de retour en Roumanie, en quarantaine. Comment la crise de COVID-19 change votre quotidien ?

Ma femme et moi somme également producteurs. Nous sommes venus en Roumanie chercher de nouveaux collaborateurs et trouver des moyens pour tourner une série ici. Nous serons de retour à Vancouver dès que ce bazar sera fini. Nous sommes en train de vivre une période imprévisible et sans précédent, il est trop tôt pour donner des conclusions. Mais je pense que de nombreuses choses vont changer, le comportement des gens va s'adapter et notre industrie sera différente.

Comment pensez-vous que cela va impacter l'industrie du cinéma ? 

L'industrie va survivre c'est certain et tout va redémarrer avec un boom parce que le gens ont hâte de retourner travailler. Mais nous allons attendre et voir comment nous allons avancer dans cette nouvelle ère.

Quel conseil donneriez-vous à d'autres acteurs dans la même situation ?  

D'être préparé comme toujours et de commencer à considérer l'écriture et la production de leurs propres projets. Ils s'aident eux-mêmes, notre communauté et l'industrie.