
« Bon pour nos emplois, notre argent et nos frontières ». C'est ainsi que le Premier ministre britannique Keir Starmer salue l'accord historique conclu le 19 mai avec l'Union européenne. Retour sur les points clés de l'accord. L'accord aura-t-il des conséquences pour les expats et futurs expats au Royaume-Uni ? Pour les Britanniques expatriés ?
UE/UK : un accord post-Brexit « historique »
Après de longs mois de négociations parfois tendues, le Royaume-Uni et l'Union européenne (UE) ouvrent un « nouveau chapitre » de leur partenariat, pour reprendre les mots de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Pour le gouvernement Starmer, l'accord représente une avancée majeure pour les Britanniques. De leur côté, les Européens se félicitent d'une réinitialisation des relations avec le Royaume-Uni, dans un contexte post-Brexit marqué par l'incertitude et les tensions géopolitiques.
Mais si l'accord marque le début d'un nouveau « partenariat stratégique », il n'acte aucune décision ferme. Il s'agit davantage d'un accord qui annonce le lancement (ou la relance) des négociations, notamment concernant la mobilité, la sécurité, l'énergie ou la circulation des marchandises.
Voyages facilités pour les Britanniques
Bientôt terminées, les longues files d'attente dans les aéroports européens ? L'accord post-Brexit s'est penché sur l'utilisation des portiques électroniques. Depuis le Brexit, nombre de Britanniques ne pouvaient plus utiliser ces portiques. L'accord prévoit de leur rétablir l'accès. Problème : pour certains, cette ouverture remettrait en cause l'un des principes du Brexit, et créerait une « concurrence déloyale » avec les autres voyageurs des pays tiers, qui, eux, doivent toujours suivre la longue procédure habituelle.
L'accord prévoit également de lancer un « passeport pour animaux de compagnie » (chiens et chats), qui remplacera le certificat sanitaire jusqu'alors exigé pour chaque voyage. Ce passeport facilitera les voyages avec des animaux de compagnie.
Vers le retour du programme de mobilité des jeunes ?
L'accord rouvre les négociations concernant le retour du programme de mobilité des jeunes en Europe (Youth mobility scheme (YMS)). Le nouveau modèle pourrait s'inspirer des programmes britanniques développés avec la Nouvelle-Zélande, ou encore l'Australie. Pour rappel, le YMS est, en principe, un visa de 2 ans permettant aux 18-30 ans (18-35 ans pour certains pays) de séjourner et travailler au Royaume-Uni. Le YMS a subi les conséquences du Brexit. Après plusieurs refus catégoriques (en 2024, le gouvernement Sunak rejette fermement la proposition européenne ; le gouvernement Starmer indique que le YMS n'est pas une priorité), le Royaume-Uni rouvre donc le dossier YMS. Dossier qui reste néanmoins sensible, notamment à cause de la percée des discours anti-UE/anti-immigration. De son côté, l'UE envisage un retour du Royaume-Uni au sein du programme de mobilité ERASMUS.
Moins de formalités pour les entreprises
Les entreprises britanniques et européennes pourront plus facilement importer et exporter leur marchandise (produits alimentaires et boissons). En revanche, il faut bien parler d'une « concession » du Royaume-Uni sur les accords de pêche. L'UE allonge de 12 ans l'accès des eaux britanniques à ses pêcheurs (jusqu'à 2038, au lieu de 2026). Depuis le Brexit, le sujet provoque de lourdes tensions entre les deux blocs ; dans l'UE, c'est surtout la France qui a fait entendre sa voix.
Plus de mobilité pour les travailleurs expatriés ?
L'UE et le Royaume-Uni se sont également penchés sur la mobilité des travailleurs étrangers. Les entreprises britanniques sont les premières à réclamer plus de souplesse. Pour elles, le durcissement de la politique migratoire (de nouvelles restrictions sont applicables depuis avril) rend le pays moins attractif. Même constat des entreprises européennes, qui appellent à une simplification des processus d'immigration pour améliorer la mobilité des travailleurs. L'accord annonce la tenue de discussions sur le sujet. Il prévoit aussi de futures négociations concernant une reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles des travailleurs européens et britanniques. Là encore, le sujet est sensible. Les expats et candidats à l'expatriation espèrent une avancée positive sur la question. La reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles serait un nouveau pas vers la simplification des démarches de visa et vers la mobilité des travailleurs.
Renforcement de la sécurité européenne
Le partenariat entérine un accord de principe sur la nécessaire coopération entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Ce renforcement du partenariat s'inscrit dans un contexte géopolitique incertain (guerre en Ukraine, désengagement des États-Unis vis-à-vis de l'UE). Côté britannique, on y voit un bon moyen de créer des emplois et de soutenir la croissance, tout en renforçant les frontières et en luttant contre l'immigration illégale. Côté européen, on souligne qu'il s'agit d'un « premier pas » : les négociations continuent concernant la participation du Royaume-Uni au programme de réarmement (Action de sécurité pour l'Europe).
Accord UE/Royaume-Uni : quelle signification pour les expatriés ?
Quelle signification cet accord « historique » a-t-il pour les étrangers vivant au Royaume-Uni, les candidats à l'expatriation et les Britanniques résidant à l'étranger ?
Les attentes des expatriés ou futurs expatriés au Royaume-Uni
Les expatriés espèrent un « retour progressif à la normale ». Les professionnels étrangers et les étudiants évoquent les nombreuses difficultés post-Brexit ; difficulté impactant directement leur travail : en première ligne figurent les expats contraints d'effectuer des voyages professionnels, et/ou dont le travail est en lien avec le Royaume-Uni. Les artistes rappellent aussi les contraintes découlant du Brexit. Obtenir un visa est devenu plus difficile. Ils espèrent que l'accord trouvé facilitera la mobilité des travailleurs étrangers.
Même espoir chez les futurs expatriés. Pour eux, les annonces relatives à la mobilité (notamment le possible retour du YMS) vont dans le bon sens. Le Premier ministre Starmer a cependant prévenu : pas question de revenir à une libre circulation des Européens. La baisse de l'immigration nette reste l'un de ces principaux objectifs. Des politiques britanniques ajoutent qu'un « plafond de candidats » devrait être instauré. Pas de quoi inquiéter les candidats à l'expatriation. Le Royaume-Uni a déjà conclu des accords sur la mobilité des jeunes avec plusieurs pays, dont le Canada et l'Australie. Le retour des négociations avec l'UE est un premier pas encourageant.
Pour Nasra, jeune graphiste française, « l'accord post-Brexit UK/EU aura des répercussions très positives » sur son projet d'expatriation en Angleterre. « Je suis actuellement en recherche de mon premier emploi en tant que Graphiste, métier inscrit dans la liste des métiers sous tension au Royaume-Uni recensé par le Home Office et éligible au Skilled Worker visa (£30,960 GBP minimum requis). »
Problème : les hésitations des entreprises britanniques, en lien direct avec la politique restrictive sur l'immigration. Nasra sent bien les « réticences des entreprises britanniques à l'idée de sponsoriser un travailleur étranger », malgré (dans son cas) « un niveau de salaire faible par rapport à d'autres métiers. »
La candidate à l'expatriation obtient des entretiens, mais se voit concurrencée par les locaux. « En deux ans de recherche d'emploi, j'ai obtenu 7 entretiens avec des entreprises britanniques ayant une licence de parrainage (sponsor licence). Au bout de la seconde phase de l'entretien, j'ai été rejetée non par rapport à mes compétences ou ma performance lors de l'entretien (bien au contraire!), mais bien parce qu'il y avait environ 7 à 10 candidats en lice et j'étais la seule candidate internationale. Ils ont donc préféré embaucher un travailleur local, qui certes ne leur garantit pas une fidélité sur le long terme contrairement à un travailleur étranger (3 ans minimum), mais qui a permis d'éviter des tâches administratives et des dépenses supplémentaires. »
L'accord entre le Royaume-Uni et l'UE a justement relancé les négociations concernant la mobilité des travailleurs étrangers. Nasra y voit un signal positif. « Voici ce que l'accord post-Brexit UK/EU peut m'apporter : la possibilité de vivre et travailler au Royaume-Uni pendant maximum 2 ans sans un visa. Ceci signifie que je serai en mesure de faire mes preuves pendant 2 ans au sein d'une entreprise possédant une licence de parrainage, avant qu'elle accepte (potentiellement) de sponsoriser un visa de travail pour continuer l'aventure. Cela me permettrait aussi de démontrer mon intérêt pour le marché britannique et mon envie d'y contribuer pour d'autres entreprises possédant une licence de parrainage. »
Les attentes des expatriés britanniques
Nombre de Britanniques voient cet accord comme une manière de tourner la « page Brexit » et d'aller de l'avant. Une marche qu'ils jugent nécessaire pour l'avenir du pays. Les voyageurs espèrent pouvoir utiliser les portiques électroniques dans tous les aéroports européens pour éviter les longues files d'attente. Actuellement, certains aéroports européens le permettent. Mais il ne faudrait pas compter sur une généralisation de la pratique à tous les pays de l'UE. La décision revient plutôt à chaque État. De plus, l'UE précise que cette mesure n'impacte pas le système européen de contrôle aux frontières, système qui devrait entrer en vigueur en octobre. Les voyageurs britanniques pourraient donc toujours devoir « subir » les longues files d'attente (selon leur destination).
Les travailleurs britanniques attendent du « concret ». C'est le cas des professionnels de la musique, dont les coûts de leurs tournées européennes ont bondi depuis le Brexit. S'ils saluent l'effort des deux parties pour reconnaître l'importance des activités artistiques, ils attendent des mesures plus précises.
Royaume-Uni/UE : un accord nécessaire
Peut-on voir, dans cet accord, les prémices d'un retour du Royaume-Uni dans l'UE ? Pour les deux parties, la réponse est « non » : bien qu'Europhile, Starmer n'entend pas du tout revenir dans l'UE. Manière pour lui de répondre aux conservateurs et à l'extrême droite, qui l'accusent d'avoir « capitulé » face aux Européens. De leur côté, la Commission européenne et le Conseil européen rappellent que la porte de l'Union n'a jamais été fermée. Il faudra néanmoins beaucoup de temps pour espérer un rapprochement plus profond. Au moins « une génération », estiment les analystes. Tous saluent cependant l'effort du gouvernement travailliste, qui a réussi à réinstaurer rapidement le dialogue, après 5 ans de tensions. Pour les experts, il était temps. Ils rappellent que l'important volume des échanges commerciaux entre l'UE et le Royaume-Uni implique nécessairement un partenariat solide entre les deux parties.
Sources :
- PM secures new agreement with EU to benefit British people
- UK secures new agreement with the European Union to support British businesses, back British jobs, and put more money in people's pockets.
- The new UK-EU deal at a glance
- From backlash to boarding pass: What the UK-EU Deal means for Mallorca
- Défense, pêche, mobilité... Ce que contient l'accord entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, cinq ans après le Brexit
- L'Union européenne et le Royaume-Uni signent un accord post-Brexit sur la défense, la pêche et l'énergie
- What does the UK-EU deal mean for holidays and jobs? Your questions answered
- What does UK-EU 'reset' deal really mean for Brits in France?