Retour inquiétant du charbon à l'heure de l'énergie verte : quels en seront les impacts ?

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Publié le 2022-07-05 à 10:00 par Asaël Häzaq
Le « Green New Deal » porté par la Commission européenne prend quelques coups. Le charbon, l'énergie la plus polluante au monde, fait son grand retour. Un signal inquiétant, selon les ONG, alors même que la COP26 avait déjà déçu. Guerre en Ukraine, transition énergétique, crise économique... Qu'est-ce qui justifie ce retour au charbon ? Est-ce vraiment un mal nécessaire ? 

Face à ce qu'ils considèrent comme des incohérences, de plus en plus d'expatriés font le choix de pays « verts ». Du moins, de pays qui prennent au sérieux les questions environnementales.

Ces pays qui reviennent au charbon

Le 19 juin, l'Allemagne et l'Autriche annoncent qu'ils reviennent au charbon. Les Pays-Bas leur emboîtent le pas le lendemain. Rob Jetten, ministre néerlandais de l'Environnement, estime ce mal indispensable. Il faut faire une croix temporaire sur les objectifs de réduction des émissions de CO2. Les centrales de charbon néerlandaises sont remises à leur fonctionnement maximal, alors qu'elles étaient bridées à 35 % pour remplir les objectifs écologiques. Le gouvernement allemand table sur ses centrales « de réserve ». Il insiste sur le caractère exceptionnel de la décision et sur l'obligation d'assurer la sécurité énergétique de la population. C'est une « mesure à court terme » rassure Berlin, pour qui la sortie du charbon en 2030 reste d'actualité.

Le gouvernement autrichien fait redémarrer la dernière centrale du pays, fermée en 2020 « pour  qu'elle puisse à nouveau produire de l'électricité à partir du charbon, en cas d'urgence », explique le ministère de l'Environnement. Pour la Chine, pas de situation d'urgence, mais une dépendance au charbon qui inquiète, alors même que le pays investit massivement dans les énergies vertes. Le 20 avril, le Conseil des affaires de l'État s'est accordé pour une nouvelle hausse de la production de charbon : +300 millions de tonnes.

Pourquoi un tel retour en grâce du charbon ?

La décision de l'Allemagne, de l'Autriche et des Pays-Bas intervient en réaction à l'ultime pression de Moscou. Le 14 juin, Gazprom, géant énergétique russe, baisse ses livraisons de gaz de 40 % pour l'Europe (ce sera même, au final, 60% pour l'Allemagne). Officiellement, c'est un simple problème technique. Mais la Russie a déjà coupé le robinet de plusieurs États (Finlande, Danemark, Belgique…). La Russie utilise l'énergie comme moyen de pression et oblige les États à revoir leur copie. L'Allemagne, dépendante du gaz russe à 55 % avant la guerre, a déjà baissé ses importations à 35 %. L'Autriche est encore plus dépendante du gaz russe (80%) ; les Pays-Bas s'en sortent mieux (15%). En moyenne, les pays de l'UE dépendent à 40 % de l'énergie russe. D'où l'urgence à agir pour ne pas financer indirectement une guerre contre laquelle ils luttent.

« [...] Nous sommes dans une épreuve de force avec Poutine », commente le ministre allemand de l'Économie et du Climat Robert Habeck. L'écologiste a pris la décision « amère, mais indispensable » de revenir au charbon pour limiter la consommation de gaz. En parallèle, il présente, le 22 mai, un paquet de lois pour tripler le parc éolien allemand d'ici 2032. Le ministre écologique prévoit aussi que les exploitants éoliens s'engagent dans la protection de la nature et des espèces menacées.

De son côté, la Chine justifie le « toujours plus de charbon » par l'impératif économique et social. Plus question, pour Pékin, de subir les coupures de courant comme en 2021. Ces coupures avaient freiné l'activité de nombre d'entreprises, et conduit au ralentissement de la croissance chinoise.

Quels sont les pays qui font le plus d'efforts en matière écologique ?

Green Futur Index classe les pays les plus écolos du monde. Une solution appréciable pour les grands voyageurs qui veulent rester fidèles à leurs valeurs. Mais peut-on se fier totalement à cet index ? L'édition 2021 commence, sans surprise, par les pays scandinaves. L'Islande, le Danemark et la Norvège arrivent respectivement 1ers 2e et 3e. Surprise : la France est 4e. Viennent ensuite l'Irlande, la Finlande et le Costa Rica. Le bon classement de la France interroge, alors qu'elle a été condamnée quelque mois plus tôt pour ses « manquements » dans la « lutte contre le réchauffement climatique ». En réalité, le Green Futur Index évalue davantage les engagements des pays, sans se demander s'ils seront tenus. Des promesses, donc, sans les faits.

Un autre index, publié tous les deux ans par l'université américaine Yale, prend en compte 24 critères regroupés en 6 catégories : le niveau des ressources naturelles, l'eau, la pollution de l'air, la biodiversité, la santé environnementale, et le changement climatique dans le pays. L'édition 2021 de cette étude classe l'Islande premier pays « écolo », en raison des efforts concrets et mesurables du gouvernement et des citoyens. Vient ensuite la Suisse, bien classé grâce (notamment) à son grand nombre d'espaces verts. Le Costa Rica, fermement engagé en matière de biodiversité, ferme le podium. Viennent ensuite la Norvège et l'Ile Maurice. La France arrive 7e . Dans ses conclusions, l'université rappelle ses limites. Aucun pays n'est totalement vert. Les études rapportent plutôt les engagements concrets pris par les États. Elles ne sauraient constituer le seul critère de choix du pays d'expatriation.

Les expatriés de plus en plus nombreux à se tourner vers des pays écolos

Les expatriés sont de plus en plus nombreux à faire entendre leur voix sur la question. L'Australie, pays phare de l'expatriation, est aussi l'un des plus gros exportateurs de charbon au monde. Scott Morrison, l'ancien Premier ministre climatosceptique, entretenait des liens ambigus avec l'industrie du charbon. Une position critiquée tant par les locaux que par les expatriés, surtout face aux incendies meurtriers survenus dans le pays. Le nouveau Premier ministre Anthony Albanese s'est engagé à réduire de 43 % les émissions de CO2 du pays. Le pays rentrera-t-il un jour dans les classements des pays les plus verts du monde ?

Peut-on s'expatrier écolo ? Oui, affirment les intéressés, à condition de se poser les bonnes questions. Le pays valorise-t-il la production locale ou la vraie agriculture biologique ? Les sachets plastiques ont-ils été bannis des commerces ? L'urbanisation est-elle « verte » ? Quelle est la place accordée aux moyens de transport verts (chemins piétons, vélo, trottinette…), aux espaces verts, aux jardins partagés ? Que fait le pays pour lutter contre la pollution atmosphérique, la surconsommation, la surpêche, l'utilisation intensive d'engrais chimiques… ? C'est en répondant à ces questions concrètes que l'on pourra déterminer dans quel pays une expatriation verte est possible. L'on comprend mieux pourquoi les pays scandinaves sont régulièrement cités pour leurs avancées environnementales.