Règles sur l'immigration : ce qui change aux États-Unis, au Canada, en Europe et plus

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Publié le 2024-04-29 à 10:00 par Asaël Häzaq
Les pénuries de main-d'œuvre et les crises toujours en vigueur (notamment la crise du logement) soufflent le chaud et le froid sur les politiques d'immigration. Faut-il étendre les permis de travail ou au contraire plafonner le nombre de ressortissants étrangers ? Équation difficile pour les États. Chacun tente d'insuffler une nouvelle politique pour attirer les expatriés tout en luttant contre la hausse du coût de la vie. Décryptage.

États-Unis 

Extension du permis de travail pour 800 000 expatriés

Bonne nouvelle pour des milliers de travailleurs étrangers qui attendent le renouvellement de leur permis. Le 8 avril, U.S. Citizenship and Immigration Services (USCIS), les services américains de l'immigration, ont entériné une nouvelle règle pour étendre le permis de travail des étrangers. La précédente règle permettait une extension automatique pouvant aller jusqu'à 180 jours. La nouvelle mesure allonge la période à 540 jours. 

Si cette nouvelle règle est temporaire, les employeurs se disent soulagés. Malgré leur engagement à réduire les délais de traitement des dossiers, les services de l'immigration accusent toujours des retards. Les pénuries de main-d'œuvre chroniques se poursuivent et freinent le dynamisme économique. La nouvelle règle est aussi bonne pour les caisses de l'État fédéral. D'après USCIS, l'État devrait engranger 3,1 milliards de dollars d'impôts (payés par les travailleurs étrangers) sur 5 ans. Les services de l'immigration soulignent une autre avancée : en décembre 2023, 93 % des demandes d'autorisation de travail (EAD) ont été traitées dans les délais requis. 

Mais les EAD sont également en hausse régulière depuis la réouverture des frontières : +50 % entre 2022 et 2023, en lien avec la hausse des demandes de permis de travail sur la base des demandes d'asile. Pour bénéficier de la prolongation automatique de 540 jours, les EAD doivent être déposées le 30 septembre 2025 au plus tard.

Un permis de travail pour les travailleurs sans papiers ?

C'est la question que se posent les autorités de Chicago. Plusieurs autres villes la rejoignent. Leur point commun : une augmentation régulière du nombre d'étrangers sans papiers. Alors que des immigrants arrivés fin 2023 ont reçu un permis de travail (en septembre, l'administration Biden a régularisé près de 500 000 expatriés vénézuéliens, selon les dispositions du Programme de statut de protection temporaire (TPS)), les partisans de la régularisation des sans-papiers en appellent à Joe Biden. Pourquoi ne pas délivrer de permis de travail aux autres expatriés présents depuis plus longtemps sur le sol américain ? Pour certains, l'attente dure depuis plus de 20 ans. 

À Chicago, la contestation s'organise. De plus en plus de travailleurs sans papier demandaient à bénéficier du TPS, au même titre que les Vénézuéliens. Mais la question divise, alors que la bataille pour les prochaines élections américaines fait rage. Les sans-papiers seraient un peu plus de 10 millions. Les opposants à la régularisation de toutes les personnes en situation irrégulière craignent une hausse exponentielle de l'immigration. A contrario, les défenseurs de la mesure mettent en avant la lutte contre les pénuries de main-d'œuvre et la hausse démographique. L'État recevrait plus d'impôts, tout en faisant couler les stratégies des passeurs. 

La Norvège change l'exigence d'aide financière pour la résidence permanente

Pour améliorer le traitement des dossiers, la Direction norvégienne de l'immigration opte pour la simplification. Depuis le 18 avril, l'administration norvégienne a ainsi supprimé l'exigence d'après laquelle les candidats à la résidence permanente devaient prouver ne pas avoir reçu d'aide financière au cours des 12 derniers mois suivant la demande de résidence. Désormais, les postulants doivent prouver qu'ils ont gagné au moins 26 900 dollars durant l'année précédente (exceptions prévues pour certains étrangers en cas d'emprunt ou de soutien financier reçu). D'autres exonérations sont prévues, notamment les étudiants et les personnes en situation de handicap. La Direction norvégienne de l'immigration compte sur cette simplification pour accorder la résidence à des étrangers jusqu'alors inéligibles pour candidater.

Zone Schengen : bientôt des visas à entrées multiples pour les ressortissants d'Oman, du Bahreïn et d'Arabie saoudite

Josep Borrell, haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a profité du Forum de haut niveau sur la sécurité et la coopération régionales (le 22 avril) pour annoncer la mesure bientôt en vigueur dans les pays de la zone Schengen. Josep Borrell a assuré la présidence du Forum aux côtés du Cheikh Mohammed bin Abdul Rahman Al Thani, Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar ; le Qatar assurant actuellement la présidence tournante du Conseil de coopération du Golfe (CCG). 

Si le Forum visait à renforcer « le dialogue politique » et « la coordination » concernant la sécurité, il n'a pas omis d'évoquer le volet économique. Renforcer le dialogue passe aussi par des procédures de visa plus simples. Le plan de la Commission européenne comporte plusieurs phases. Tout d'abord, des visas à entrées multiples de 5 ans pourront être délivrés aux Omanais, Bahreïniens et Saoudiens. À terme, l'Union européenne (UE) entend harmoniser sa politique de visa avec l'ensemble des pays du Golfe. Pour l'instant, seuls les ressortissants des Émirats arabes unis (EAU) peuvent entrer dans l'espace Schengen sans visa.

L'annonce n'a pas encore fait l'objet d'une déclaration officielle de la part de l'UE. On estime néanmoins que ce visa à entrées multiples suivra les règles déjà émises : 90 jours de séjour maximum dans les pays Schengen, sur une période de 180 jours. 

Canada : vers un plafonnement du nombre de résidents temporaires

Le ministre de l'Immigration Marc Miller continue de soutenir l'immigration. Il martèle aussi sa volonté d'accueillir les étrangers dans les meilleures conditions possibles. D'où, selon lui, le nécessaire recours au plafond. Annonce faite courant mars : le plafond serait réduit pour les 3 prochaines années, avec un premier palier dès septembre. Les étrangers concernés seraient les étudiants, les travailleurs et les demandeurs d'asile. Marc Miller prévoit une légère baisse du nombre de résidents temporaires : 5 % contre 6,2 % actuellement. 

D'après les statistiques officielles (Statistique Canada), le Canada compte 2,4 millions de résidents temporaires en 2024. C'est près d'un million de plus qu'en 2021. Environ 54 % des résidents temporaires possèdent un permis de travail (en 2021). 22 % des résidents temporaires sont étudiants, 12 % sont demandeurs d'asile. Opposition ferme des défenseurs des travailleurs étrangers temporaires, qui regrettent que ces expatriés soient pris comme « boucs émissaires de la crise du logement ». Ils voient un changement de politique dangereux, Miller ayant déjà limité le nombre d'étudiants étrangers en début d'année. 

Est-ce la fin de la politique d'immigration ouverte, politique historique du Canada ? Non, répond Miller, qui rappelle la nécessité d'accueillir plus efficacement les nouveaux immigrants. Deux exceptions à la nouvelle règle sont prévues : les secteurs de la santé et de la construction, confrontés à de graves pénuries de main-d'œuvre, ne seront pas touchés par les plafonds.

Impact du budget 2024 sur l'immigration canadienne

Présenté mi-avril par la ministre canadienne des Finances Chrystia Freeland, le budget canadien 2024 se concentre sur la lutte contre la pénurie de logements. 53 milliards de dollars canadiens serviront à améliorer l'abordabilité des logements et à soutenir la productivité de la main-d'œuvre. Si le budget immigration ne constitue pas une priorité, certaines dépenses sont prévues pour aider les immigrants à trouver un logement abordable. Le nouveau budget alignera la politique migratoire à celle sur le logement. Les nouveaux objectifs du gouvernement sont rappelés : baisser le nombre de résidents temporaires (étudiants et travailleurs étrangers). L'exécutif attend jusqu'à 600 000 étrangers en moins. 

Le budget n'oublie cependant pas l'objectif de renforcement de l'accueil et de la protection des immigrants. 50 millions de dollars canadiens seront alloués au Programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers, en plus des 115 millions de dollars canadiens prévus dans le budget 2022. Une moitié du budget sera réservée à la santé ; l'autre servira à financer la construction de résidences pour aider les travailleurs étrangers à s'installer. Le gouvernement canadien souligne néanmoins que les nouveaux arrivants « gagnent généralement moins » que les ressortissants canadiens. Ces 10 dernières années, les ressortissants étrangers ont dû attendre 6 ans pour atteindre le revenu médian canadien. Mais à la fin de la période de 10 ans, les étrangers dépassent ce revenu médian de 10 %.

Indonésie

Lancement d'un « visa transitoire » pour les étrangers

Pour attirer et retenir plus de talents étrangers, la Direction générale de l'immigration indonésienne a lancé le visa transitoire (ou visa de transition). Il vise les titulaires d'un permis de séjour en attente de renouvellement ou en changement de statut. Grâce au visa de transition, ils n'auront plus à quitter le territoire durant le processus de transition (renouvellement de visa ou changement de statut).

Plus précisément, les ressortissants concernés par la mesure sont les détenteurs d'un permis de séjour limité (ITAS), d'un permis de séjour permanent (ITAP) ou d'un visa de visite (VOA) déjà présents sur le territoire. Le directeur général de l'immigration Silmy Karim salue cette avancée : les étrangers gagneront en temps et en argent ; les services de l'immigration gagneront en réactivité et en efficacité. Disponible depuis le 1er avril, le visa transitoire est valable 60 jours. Il devient automatiquement invalide si l'étranger quitte l'Indonésie. La demande de visa se fait en ligne.

Lancement du visa de travailleur à distance

On l'appelle le « visa de travail à distance E33G ». Lancé le 1er avril 2024, ce nouveau visa est, comme son nom l'indique, réservé aux salariés étrangers qui continuent de travailler pour leur entreprise, mais depuis l'Indonésie.  Ils pourront rester 1 an maximum en Indonésie (renouvelable 1 an). Pourront postuler les salariés étrangers travaillant pour une entreprise étrangère, gagnant au moins 60 000 dollars par an. Ils devront également détenir un minimum de 2 000 dollars (ou devise équivalente) sur leur compte bancaire. En revanche, interdiction de travailler pour un employeur indonésien. D'autres conditions d'éligibilité seront précisées ultérieurement. 

Koweït : modification de la loi sur la résidence des expatriés

Le 20 avril, le vice-premier ministre, ministre de la Défense et ministre de l'Intérieur par intérim, Cheikh Fahad Yousef Al-Sabah a annoncé une modification de la résolution ministérielle 957/2019 concernant l'application de la loi sur la résidence des expatriés. Désormais, les expatriés éligibles peuvent séjourner sur le territoire sans permis de résidence pour une durée de 2 mois maximum à compter de sa date d'arrivée. Ils doivent cependant engager les démarches pour obtenir leur permis de résidence temporaire ou permanente dans ces 2 mois.

D'autres modifications concernent le permis de travail. L'employeur devra au préalable obtenir l'accord de l'Autorité publique pour la main-d'œuvre (PAM) pour proposer un permis de travail. Des frais supplémentaires de 150 dinars koweïtiens (environ 488 dollars) sont à prévoir pour chaque permis de travail. Exonération faite pour plusieurs institutions : entreprises détenues par l'État, hôpitaux, établissements scolaires et universitaires privés, clubs sportifs et associations d'utilité publique, etc.

Arabie saoudite : vers une révision des frais pour les détenteurs du visa pour personne à charge 

Pour attirer davantage de travailleurs étrangers, l'Arabie saoudite envisage de réviser le coût du visa pour personne à charge (dependent visa). Depuis 2020, un travailleur expatrié doit payer 400 riyals saoudiens (environ 106 dollars) pour chaque personne à charge. Défenseur de la mesure, le ministre des Finances Mohammed Al-Jadaan rappelle qu'en 2017, le coût d'un visa pour personne à charge n'était que de 100 riyals saoudiens. Or, les revenus générés par les expatriés augmentent, contribuant au dynamisme économique du pays. D'où, pour le ministre, une révision nécessaire des frais payés par les travailleurs étrangers. Surfant sur son mégaprojet The Line (nouvelle ville futuriste) et sa politique de diversification économique (sortir du tout pétrole), l'Arabie saoudite continue de s'ouvrir aux expatriés.

Expatriés à Amsterdam : des cours pour « devenir un Amstellodamois » ?

C'est la proposition très sérieuse de la branche municipale du parti travailliste des Pays-Bas (PvdA). Elle dit constater « une modification » de la « composition des habitants de la ville ». On compte aujourd'hui 16 % d'expatriés à Amsterdam. La branche locale du PvdA y voit une « menace pour la cohésion sociale ». D'où sa proposition de cours pour « devenir un Amstellodamois ».

Ces cours comprendraient des leçons de langue, d'histoire, de culture, et des échanges avec des Amstellodamois vivant sur place « depuis longtemps ». Le programme serait financé par les entreprises qui embauchent des expatriés. Pour les défenseurs du projet, les étrangers, qui contribuent à l'économie locale, doivent aussi adopter la mentalité locale. 

Lian Heinhuis, le dirigeant local du PvdA, retourne même la situation : les étrangers ont un salaire grâce aux entreprises d'Amsterdam. Ils doivent donc « apporter leur contribution », et pas seulement au niveau des impôts. Comme au Canada, les étrangers sont accusés d'aggraver la crise du logement. En avril 2023, la maire d'Amerdan Femke Halsema pressait déjà les expatriés à cesser de « vivre dans leur bulle » et à « devenir Amstellodamois ».

Faux, rétorquent les opposants au projet : nombre d'étrangers sont déjà parfaitement intégrés. Ils parlent néerlandais, sont engagés dans les associations, etc. Ils rappellent l'étude de l'agence nationale des statistiques néerlandaise parue en mars 2024 : selon l'étude, les personnes d'origine néerlandaise aux hauts revenus seraient « les moins susceptibles » d'avoir des amis, collègues ou voisins d'origine étrangère. 

L'Afrique du Sud a lancé son visa nomade numérique

Un de plus. Début avril, l'Afrique du Sud rejoint la longue liste de pays délivrant le visa nomade numérique. L'exécutif espère dynamiser le tourisme et l'économie grâce aux nomades numériques. Pour postuler, les étrangers devront au moins gagner un million de rands par an(environ 53 000 dollars). Mais la mesure divise. En février, le gouvernement propose aux citoyens de se prononcer sur le projet de loi. Les réactions sont très mitigées. Certains Sud-Africains y voient effectivement une bonne nouvelle pour l'économie du pays et son positionnement international. Mais ils redoutent également une augmentation du coût de la vie et des inégalités. Les précédents au Mexique ou au Portugal ont fait le tour de la presse internationale. 

Le visa nomade numérique entraînerait une modification de plusieurs législations, notamment sur l'impôt. Le projet de loi prévoit une exonération d'impôts pour les étrangers travaillant en Afrique du Sud pendant moins de 6 mois. D'autres lois sud-africaines pourraient contrarier les nomades numériques, comme le projet de réforme du droit d'auteur : les institutions (dont les universités) pourraient reproduire des logiciels sans payer leur créateur. Le plus inquiétant, selon les nombreux réfractaires, reste la non-prise en compte des interrogations de la population. La consultation pourtant initiée par le gouvernement n'a débouché sur rien. Le projet de loi a ignoré les propositions et questions des habitants. Reste à voir comment le visa nomade numérique sera accueilli par les expatriés, et quel sera son impact sur l'économie sud-africaine.

Nouvelle-Zélande

Nouvelles restrictions en matière de visa

Depuis que le Premier ministre Christopher Luxon a pris les rênes du pays (en novembre 2023), la Nouvelle-Zélande vire nettement à droite. Un virage assumé par Luxon, qui cherche à faire oublier les années progressistes de sa prédécesseure, Jacinda Ardern. Confère la dernière sortie de la ministre de l'Immigration Erica Stanford, qui, dans un communiqué publié le dimanche 7 avril, a annoncé mettre en place de « bons paramètres d'immigration […] pour reconstruire l'économie. » Dans son viseur : la langue. L'État imposera la maîtrise de la langue anglaise aux demandeurs de visa de travail, qu'ils soient qualifiés ou non. La durée de séjour sera réduite de 5 à 3 ans.

Le gouvernement néo-zélandais s'alarme d'une immigration qu'il qualifie d'« insoutenable ». D'après ses derniers chiffres, 173 000 étrangers sont arrivés sur le territoire en 2023. C'est bien plus que les pronostics du gouvernement : 85 500 immigrants, pour 5,3 millions de citoyens néo-zélandais. Mais l'État se défend de prendre un virage restrictif. Il présente plutôt l'exigence du niveau d'anglais comme un moyen de protéger les ressortissants étrangers. Comprendre la langue leur permettra de mieux comprendre leurs droits. À contrario, des règles de visa trop souples exposeraient les expatriés à être davantage exploités par des entreprises peu scrupuleuses. Pour l'exécutif, priorité à l'emploi des nationaux, surtout dans les secteurs épargnés par la pénurie de main-d'œuvre. En revanche, les étrangers très qualifiés restent recherchés dans les secteurs en pénurie.

Bientôt un visa nomade numérique ?

La ministre de l'Immigration Erica Stanford a déclaré que le pays envisageait de créer un visa pour les nomades numériques. Mais l'État prend son temps. Il ne s'agit pas d'une « priorité immédiate », pour reprendre les mots de la ministre. 

Pour l'instant, les nomades numériques rêvant de Nouvelle-Zélande passent par le visa vacances-travail (PVT). Problème : PVT comporte de sérieuses limitations selon la nationalité (âge limite, durée du visa, etc.). Il permet de travailler à la marge, mais son but n'est pas le travail. Le PVT vise à découvrir le pays. Le visa de visiteur ne permet pas de travailler.

Pour l'instant, le gouvernement néo-zélandais se concentre sur la réforme de sa loi immigration, pour accueillir davantage de talents étrangers. D'après l'exécutif, le visa nomade numérique pourrait, dans un premier temps, être limité à un échantillon d'environ 250 étrangers. Les partisans du visa insistent sur le fait qu'il ne menacera pas les emplois locaux, mais contribuera au contraire à dynamiser l'économie. Pour eux, ce visa s'inscrit dans la réforme de l'immigration. 

Royaume-Uni 

Suppression du service d'assistance pour les médecins généralistes

C'est encore un coup dur pour les expatriés et les candidats à l'expatriation au Royaume-Uni. Le NHS a fermé son service d'assistance en matière de visa pour les médecins généralistes. Ce tour de vis viserait à rendre plus difficiles l'entrée et le séjour des médecins étrangers sur le sol britannique. Le service de mise en relation entre les médecins généralistes et cabinet de parrainage de visa a aussi fermé. Ces cabinets pourront continuer d'aider les médecins, mais seulement à titre provisoire. Le Royal College of General Practitioners (RCGP) s'indigne.

Depuis le 31 mars, les étrangers titulaires d'un diplôme en médecine doivent traiter directement avec le ministère de l'Intérieur pour obtenir leur visa de longue durée. Une procédure jugée plus longue et plus complexe par le RCGP. Le NHS se défend de toute stratégie contre l'immigration, et invoque des restrictions de personnel. Il assure qu'une assistance sera toujours disponible au sein des services du ministère de l'Intérieur.

Mais la situation des médecins généralistes internationaux peut vite devenir précaire. Le RCGP rappelle qu'ils ne peuvent demander un congé à durée indéterminée après leur formation (contrairement aux autres spécialistes). D'où le recours au parrainage à court terme. Le gouvernement a accordé aux généralistes un délai de grâce de 4 mois. Très insuffisant, selon le RCGP, qui presse le gouvernement d'accorder aux généralistes étrangers un congé à durée indéterminée ou un visa de 5 ans au début de leur formation (les autres spécialistes bénéficient d'un programme de 5 ans, contre 3 pour les généralistes).

Hausse du seuil de salaire pour le visa familial

C'est le nouveau tour de vis du gouvernement Sunak pour réduire les niveaux d'immigration. Le 11 avril, l'exécutif annonce que le seuil de salaire exigé pour demander un visa familial passe de 18 600 livres à 29 000 livres : soit une hausse de 55 %. L'État prévient déjà qu'une nouvelle augmentation de 38 700 livres est prévue pour début 2025. La mesure est à effet immédiat. Si le gouvernement Sunak reste dans la ligne droite de son plan pour réduire les niveaux d'immigration, il espère aussi redorer une image écornée. 

Alors que les élections générales britanniques approchent (début 2025 au plus tard), le gouvernement est en difficulté. D'après les sondages, il pourrait subir une lourde défaite. D'où la volonté de muscler son discours et d'appliquer sa politique, quitte à heurter. Le ministre de l'Intérieur James Cleverly justifie le nouveau tour de vis. D'après lui, le Royaume-Uni a « atteint un point critique avec la migration massive ». Il est impératif de ramener les chiffres migratoires à un niveau « acceptable » pour les Britanniques. Priorité « au peuple britannique ». Mais le gouvernement dit aussi penser aux ressortissants étrangers. Le contexte inflationniste justifie selon lui la hausse du seuil de salaire exigé pour le visa familial. Il faut s'assurer que les expatriés ont les moyens de subvenir à leurs besoins.

La Grèce durcit les conditions d'obtention du Golden Visa

Pour contrer la crise du logement, la Grèce augmente encore le coût du visa doré. Décision votée par le Parlement le 2 avril. Désormais, les ressortissants des pays tiers devront payer 800 000 euros (prix minimal de l'investissement immobilier) pour obtenir un permis de résidence de 5 ans. La mesure concerne les zones les plus prisées par les touristes et les expatriés : les régions de l'Attique, de Thessalonique, les îles de Mykonos, Santorin et toutes les îles de plus de 3100 habitants. Dans les autres régions, l'investissement minimum requis est de 400 000 euros.

En août 2023, l'exécutif avait déjà augmenté le coût du visa doré de 250 000 à 500 000 euros pour un achat immobilier dans les zones les plus cotées. Les expatriés ne pourront plus louer leur bien sur de courtes périodes, mais à l'année. La nouvelle hausse vise à satisfaire toutes les parties : réduire la pression sur les locaux, tout en augmentant l'offre locative de long terme et en attirant davantage d'investisseurs étrangers. Un jeu d'équilibriste à haut risque, alors que la Grèce s'enfonce dans une sévère crise du logement. Mis en place en 2013, le Golden Visa est, pour ses détracteurs, responsable d'une flambée des prix : +14,5 % pour les prix des maisons en 2023, selon la Banque centrale de Grèce (et même + 60 % sur 5 ans). En 2023, la Grèce a enregistré des demandes de visa doré record, avec 10 214 demandes.

Espagne : clap de fin pour le Golden Visa

Après de longues années d'hésitation, l'Espagne a franchi le pas. Début avril, le Premier ministre Pedro Sánchez a annoncé la fin du programme du Golden Visa. Lancé en 2013 pour relancer l'économie espagnole, secouée par la crise immobilière et la crise de l'euro, le Golden Visa n'a cessé de susciter la polémique. 

Pensé pour attirer les investisseurs étrangers, il aurait, selon ses détracteurs, facilité les blanchiments d'argent. D'autres soulignent un programme éthiquement contestable, responsable de l'inflation. La présence des riches expatriés aurait entraîné des hausses de coûts dans d'autres secteurs, poussant les habitants hors de leur quartier. Un phénomène d'embourgeoisement des quartiers dénoncé par les opposants au Golden Visa. 

Depuis 2020, l'Union européenne (UE) accentue la pression pour mettre fin aux programmes de visas dorés. Le Portugal, Chypre, les Pays-Bas et l'Irlande ont mis fin à leur programme. Malte, l'Italie, la Grèce et l'Autriche résistent. D'après le ministère du Logement, 14 000 visas dorés ont été délivrés entre 2013 et 2023. En 2023, 15 % des transactions immobilières ont concerné les étrangers. Les professionnels du secteur se montrent néanmoins rassurants : pas de risque de voir partir les riches investisseurs. Car l'Espagne a d'autres atouts (qualité de vie, cadre de vie…). Nombre d'étrangers achètent d'ailleurs sans passer par le Golden Visa. Pour les experts, il ne faut pas s'attendre à un fort impact sur les prix de l'immobilier.

Belgique : nouvelles règles pour les travailleurs étrangers

La région Flandres (nord de la Belgique) a dévoilé ses ajustements en matière d'immigration économique. À compter du 1er mai, priorité aux locaux et aux étrangers européens. 

L'expansion du permis de travail sera étendue : l'expatrié pourra effectuer une activité liée au tourisme, à la traduction, participer à des conférences, des formations, ou négocier un accord commercial avec un simple statut de visiteur professionnel. Le permis de travail ne sera plus requis, sous réserve que l'employeur s'assure que le travailleur respecte la règle de 90 jours de séjour sur une période de 180 jours. 

L'autre grand changement concerne les professions en « pénurie moyenne » de main-d'œuvre. Les employeurs voulant recruter des étrangers devront présenter au ministère régional de l'Emploi des documents détaillant leurs compétences, expériences et qualifications. Les demandes d'examens du marché du travail seront encadrées plus strictement. Les offres auront été préalablement diffusées sur le site du Service flamand de l'emploi (VDAB) et sur le portail européen de la recherche d'emploi. L'État ne validera que les demandes déclarées en pénurie par le VDAB. La mesure pourrait réduire les offres disponibles pour les travailleurs étrangers.

En revanche, la Flandre s'ouvre aux professionnels des technologies de l'information (IT) postulant pour une carte bleue européenne. À partir du 1er mai, 3 ans d'expérience professionnelle sur les 7 dernières années pourront se substituer aux diplômes universitaires. Changer d'employeur deviendra également plus simple. Passée la première notification au ministère régional de l'emploi pour un changement dans les 12 premiers mois, plus aucune notification ne sera demandée, sous réserve que le talent étranger remplisse les conditions de salaire exigées. Il devra gagner 130 % du salaire moyen annuel, conter 120 % avant la réforme.

L'Italie lance son visa nomade numérique

Après 2 ans de négociations, l'Italie rejoint la liste des « digital nomad friendly countries ». En effet, la loi introduisant le visa nomade numérique est effective depuis le 28 mars 2022. Mais le décret d'application n'a été publié que le 4 avril 2024. Le visa nomade numérique italien cible avant tout les talents étrangers. Pour postuler, les candidats devront avoir une licence ou tout autre diplôme d'enseignement supérieur, posséder une qualification professionnelle avec au moins 5 ans d'expérience, ou détenir une qualification professionnelle dans le secteur informatique et à un poste clé, avec au moins 3 ans d'expérience dans les 7 dernières années. 

Outre ces exigences concernant les qualifications, le candidat au visa nomade numérique italien devra percevoir au moins 28 000 euros bruts par an, avoir une couverture santé privée pour toute la durée de leur séjour, et un logement stable en Italie (achat immobilier, location en résidence…). Si le candidat est salarié, il devra apporter son contrat de travail, ainsi qu'un casier judiciaire vierge. S'il est indépendant, il devra obtenir un numéro de TVA italien. Le candidat apportera les autres documents traditionnellement demandés pour une demande de visa (passeport valide, photos d'identité, formulaire de visa…). 

Le coût du visa n'est pas encore connu. Le consulat italien contrôlera les documents envoyés et effectuera une vérification auprès de l'employeur, le cas échéant. Après l'obtention du visa et l'arrivée en Italie, l'expatrié a 8 jours pour présenter au bureau de l'immigration italien les mêmes documents envoyés au consulat. Il obtiendra son permis de séjour d'un an, renouvelable chaque année.  

Hongrie : une réforme qui durcit les règles de l'immigration

Lancée le 1er janvier 2024, la réforme de la loi Immigration durcit le ton. Les travailleurs étrangers titulaires d'un permis de séjour pour trouver un emploi, exercer une mission saisonnière, étudier, effectuer un stage ou encore exercer une activité bénévole ne pourront pas demander un regroupement familial. La nouvelle loi rend également plus difficile l'obtention d'un permis de séjour permanent. Avoir obtenu au préalable un permis de séjour temporaire ne permettra pas de déposer une demande de permis de séjour permanent. Seuls les créateurs d'entreprise, les grands investisseurs et les travailleurs étrangers extrêmement qualifiés bénéficient d'aménagements positifs. La réforme lance le visa doré : à partir du 1er juillet 2024, les investisseurs (au moins 250 000 euros dans l'immobilier) pourront obtenir un permis de résidence de 10 ans (visa investisseur de 10 ans, titre de séjour de 10 ans).

La réforme détaille 24 types de permis de séjour, dont 8 réservés à l'emploi, contre 18 types de permis de séjour avant la loi. Une nette séparation est opérée entre les travailleurs très qualifiés et peu qualifiés. Les investisseurs bénéficient d'un nouveau permis de travail. Mais le permis de séjour pour travailleur invité sera limité à certains travailleurs d'entreprises spécifiques, occupant des postes eux aussi spécifiques. Le travailleur invité ne pourra pas prolonger son permis plus de 3 ans. Il ne pourra pas non plus demander un regroupement familial. Reste à attendre la mise en pratique de la loi. Prévue pour le 1er mars 2024, l'application de la réforme est retardée, faute de décret d'application.