Bonjour,
N'ayant rien trouvé d'approchant sur ce blog et suite à une remarque intéressante d'Odeclas81 je vous fait part ici d'une excellente étude du sujet faite par une consoeur qui est créditée à la fin.
Pour ceux que cela intéresse, il faut savoir, que le fait qu'un blog soit hébergé à un endroit, que des propos sont tenu dans un pays différent de l'hébergement du blog et que le tiers incriminé réside dans un troisième pays n'a pas d'incidence et ne les mets pas à l'abri, le concept de loi universelle peut s'appliquer ce qui de fait rend tout un chacun justiciable, où qu'il se trouve.
Je précise à toutes fins utiles, que cet article ne vise personne et n'est délivré qu'a titre pédagogique.
La lecture de cet article devrait vous permettre de :
. Savoir comment différencier la simple critique, de linjure, des atteintes à la vie privée, et des propos diffamatoires, afin déviter de risquer, un jour, de devenir lauteur dun acte de diffamation,
. Connaître la procédure à suivre, en tant que victime de diffamation,
.Savoir comment se défendre contre une action en diffamation engagée à votre encontre.
Internet, un réel progrès pour la liberté dexpression
Internet est un outil de communication libre et accessible à tous, quels que soient votre nationalité et votre lieu de résidence.
Il vous offre lopportunité dexercer une « liberté dexpression universelle », dans le cadre dune « conversation mondiale sans fin », selon lexpression utilisée par la Cour suprême des Etats Unis.
La législation applicable aux acteurs dInternet
La liberté dexpression, bien quelle fasse partie des libertés fondamentales, au même titre que la liberté dinformation, ne vous permet PAS de tout dire et de tout publier sur votre blog, sans risquer davoir à en répondre devant la justice.
Le web nest PAS une zone de non-droit.
Pour le Conseil dEtat, « il nexiste pas et il nest nul besoin dun droit spécifique de lInternet et des réseaux () lensemble de la législation existante sapplique aux acteurs dInternet » (Rapport « Internet et les réseaux numériques » du Conseil dEtat).
La loi LCEN et la loi sur la Liberté de la presse du 29 juillet 1881 étant applicables aux acteurs dInternet, il est important pour vous, amis Blogueurs, de bien connaître les limites de votre liberté dexpression.
Les risques juridiques encourus
Les publications effectuées sur le web, assimilées aux publications de la presse, par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans léconomie numérique (loi LCEN), sont régies par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.
De nos jours, les médias (presse écrite, journal télévisé), ne détiennent plus le monopole de linformation.
Sur la toile, chacun peut exprimer son opinion, comme on le ferait entre amis autour dun café : critiquer le restaurant dans lequel on est allée dîner, recommander ou au contraire déconseiller telle ou telle marque, donner son avis sur une formation en ligne, etc.
Le journaliste professionnel, soumis à un code de déontologie, est tenu de vérifier ses sources avant toute publication de ses écrits. Le Blogueur, quant à lui, rédige et publie des articles sur son Blog, sans avoir pleinement conscience des risques juridiques éventuellement encourus.
La responsabilité civile et/ou pénale du Blogueur
Tout Blogueur engage sa responsabilité civile et/ou pénale, au titre de Directeur de la publication du Blog. Cette responsabilité est la contrepartie de son devoir de contrôle du contenu de la publication.
En cette qualité, le blogueur est la personne responsable du contenu du blog. La loi sur la liberté de la presse de 1881 prévoit, en son article 42, une « responsabilité en cascade » :
la responsabilité du directeur de publication
la responsabilité de léditeur en ligne
la responsabilité des codirecteurs de publication.
Le véritable auteur de larticle incriminé peut être poursuivi comme complice (article 43 loi 1881) « lorsque les directeurs ou codirecteurs de la publication ou les éditeurs seront en cause, les auteurs seront poursuivis comme complices ».
Bien souvent, une seule et même personne cumule ces différentes qualités : le blogueur est à la fois lauteur de larticle contenant les propos litigieux, le directeur de la publication et léditeur en ligne (au sens de la loi LCEN).
Les risques juridiques encourus pour le blogueur sont des infractions dites « infractions de presse ». Il sagit principalement de la diffamation, de linjure et des atteintes à la vie privée.
Le risque de diffamation
La diffamation est visée par larticle 29 de la Loi du 29 juillet 1881 et par la loi 21 juin 2004 LCEN :
« Toute allégation ou imputation dun fait qui porte atteinte à lhonneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont lidentification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. »
Les « infractions de presse » ont pour objectif de sanctionner latteinte à lhonneur ou à la considération dune personne.
Par le mot « honneur », il faut entendre le sentiment personnel dagir conformément aux exigences de la morale.
Dans la « considération » il y a renvoi à lestime que les tiers accordent à celui dont ils jugent la vie professionnelle.
Pour que linfraction soit constituée, 5 conditions sont à réunir :
1. Un acte dallégation ou dimputation portant sur un fait précis
Il sagit daffirmer lexistence dun fait, soit en rapportant les propos dautrui (allégation) soit en le reprenant à son compte (imputation). La tenue de propos dubitatifs ou insidieux est assimilée par les juridictions à un reproche condamnable.
2. Ce fait précis doit être attentatoire à lhonneur ou à la considération
3. Le fait imputé ou allégué doit être assez précis pour quil puisse être lobjet de vérification
4. Il est émis à lencontre dune personne ou dun groupe de personnes, quelle soit une personne physique ou une personne morale (entreprise)
5. Il sagit dune infraction intentionnelle
Lauteur doit avoir eu la volonté et la conscience de porter atteinte à lhonneur ou à la considération de la personne visée. Cet élément moral (intention de diffamer) est présumé dès le moment où lélément matériel a pu être rapporté.
Comment différencier l'injure de la diffamation ?
Il y a diffamation quand derrière la critique, cest la personne même qui est visée.
On peut dire, par exemple, quune formation au blogging professionnel nest pas de qualité, mais il y a risque de diffamation à affirmer que le formateur serait un « arnaqueur ».
Linjure est aussi une atteinte à lhonneur, mais en dehors de toute référence à un fait précis.
Linjure est « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme limputation daucun fait est une injure. » (Article 30 de la loi de 1881).
Linjure prononcée en privé est punissable devant le tribunal de Police (contravention), alors que linjure prononcée en public est punissable devant le tribunal correctionnel (lauteur de linjure risque une amende de 12 000 euros maximum).
Est considéré comme un lieu public, un lieu accessible à tous, sans condition et à tout moment.
Une injure laissée au blogueur dans un commentaire est une injure publique (délit), une injure envoyée par email est une injure non publique (contravention).
Voici deux exemples dinjure
Le fait de traiter une personne de « sale pédé ». Dernièrement, jai reçu comme commentaire sous lune de mes vidéos diffusées sur youtube : « tes kune conne ! ». Une vidéo pourtant très sérieuse puisquil sagit de linterview dune personne atteinte dune forme sévère de sclérose en plaques. Donc, je nai pas voulu laisser ce délit impuni : jai opté pour un signalement auprès de youtube, après avoir constaté que lauteur était habitué du fait.
Dans une affaire tirée de la jurisprudence, un blogueur a été condamné pour injure publique, pour avoir publié un article dans lequel il comparait Mathieu KASSOVITZ au ministre de linformation et de la propagande dAdolf HITLER.
Bon à savoir : si lauteur de linjure peut prouver quil a été provoqué par la personne quil a insultée, il bénéficie alors dune excuse de provocation. Linjure ne sera pas sanctionnée.
Comment différencier une atteinte à la vie privée de la diffamation
Les atteintes à la vie privée sont visées par larticle 9 du code civil et par les articles 226-1 et 226-7 du code pénal.
Les faits litigieux, poursuivis au titre dacte de diffamation, ont été requalifiés par le juge en une atteinte à la vie privée.
La cour dappel de Paris a condamné un blogueur au versement de dommages-intérêts, pour avoir publié un article sur son blog, dans lequel il insinuait que Martine AUBRY serait homosexuelle.
Les moyens de défense pour la victime de la diffamation
Comment la victime peut-elle se défendre contre des propos diffamatoires à son encontre ?
Trois actions lui sont ouvertes :
. Faire une demande de droit de réponse à lauteur des écrits
. Intenter une action en référé
. Exercer laction en diffamation
Explications :
1. Demander un droit de réponse aux propos jugés infondés
Lintérêt de ce droit de réponse est de limiter le préjudice de la victime causé par les propos diffamatoires.
Il sagit dune particularité du droit de la presse : le lecteur insatisfait dun article peut demander au journal une rectification ou une réponse.
Une personne mise en cause dans un article publié sur un blog peut solliciter un droit de réponse.
La procédure à suivre est décrite par la loi de 1881, la loi LCEN (article 6 IV), et le décret dapplication du 24 octobre 2007 :
Envoi dune lettre recommandée avec accusé de réception à lauteur présumé de la diffamation
Dans un délai de 3 mois à compter de la mise à disposition des propos incriminés.
Réponse écrite de 50 à 200 lignes
Le Directeur de la publication du blog a 3 jours pour publier la réponse sur son blog
Le refus du droit dinsertion est un délit de presse (article 13 alinéa 7 de la loi de 1881) : la victime a 10 jours pour saisir le tribunal correctionnel afin dobliger le blogueur à publier une réponse.
2. Intenter une action en référé devant le tribunal de grande instance
Il sagit dune procédure durgence, dont lobjectif est de faire retirer le message litigieux et de faire condamner lauteur à loctroi de dommages-intérêts. La procédure de référé se distingue de laction au fond (action en diffamation).
3. Laction en diffamation répond à un formalisme important
Le délai de prescription est court : il est de 3 mois, à partir de la date de la 1ère publication des propos litigieux.
La victime doit rapporter la preuve de la date de diffusion des propos litigieux dans ce court laps de temps. Elle a tout intérêt à faire appel à un huissier de justice, qui procédera à un constat dhuissier afin déviter la disparition des propos litigieux. La juridiction compétente est au choix de la victime entre :
Le tribunal du lieu de résidence du défendeur
Le tribunal du lieu du fait dommageable
Le tribunal dans le ressort duquel le dommage a été subi
Laction peut être intentée devant le tribunal de grande instance, compétent en matière de diffamation et dinjure, ou bien devant les juridictions pénales (plainte pénale, plainte avec constitution de partie civile, déposée auprès du Doyen des juges dinstruction ou bien citation directe devant le tribunal correctionnel).
Les moyens de défense pour lauteur présumé de diffamation
La loi de 1881 a prévu 2 moyens de défense pour lauteur des faits diffamatoires.
Le blogueur poursuivi pour diffamation peut être relaxé sil parvient à démontrer la vérité des faits diffamatoires ou bien à plaider sa bonne foi.
Le délai pour agir est très court : il a 10 jours suivant la signification de la citation pour invoquer lun de ces moyens de défense (article 55 loi de 1881).
Lexception de vérité
Lexception de vérité est un moyen de défense qui répond à une procédure très stricte (larticle 35 de la loi 1881 vise les conditions de fond ; les articles 55 et 56, les conditions de procédure)
Lauteur accusé de diffamation doit apporter la preuve de la vérité des faits diffamatoires.
La bonne foi
La présomption dinnocence ne sapplique pas ici : toute personne soupçonnée davoir commis une diffamation est considérée comme coupable. Autrement dit, cest au prévenu de démontrer sa bonne foi, de faire la preuve devant le tribunal de son innocence.
La jurisprudence pose 4 conditions pour que la bonne foi puisse être retenue :
Le prévenu doit avoir visé la poursuite dun but légitime. Linformation diffamatoire doit être objectivement utile à linformation du public,
Le prévenu doit avoir été sincère, cest-à-dire quil croyait vrai le fait diffamatoire,
La proportionnalité du but poursuivi et du dommage causé,
Lauteur des propos doit avoir fait preuve de prudence et dobjectivité.
Si cette preuve est rapportée, les poursuites sont irrecevables.
A linverse, si lauteur est condamné, il risque une amende de 12 000 euros pour une diffamation publique (article 32 loi sur la liberté de la presse), et une amende prévue pour une contravention de la 1ère classe (38 euros au plus), dans le cas dune diffamation non publique (article R. 621-1 code pénal) :
« La diffamation non publique envers une personne est punie de lamende prévue pour les contraventions de la 1re classe. La vérité des faits diffamatoires peut être établie conformément aux dispositions législatives relatives à la liberté de la presse. »
Conclusion
En guise de conclusion, voici des conseils à suivre avant de publier un article sur son Blog :
Tenir des propos toujours mesurés
Citer ses sources
Présenter des éléments de preuve de ce que vous prétendez être vrai
Permettre à la personne visée de se défendre, en donnant son avis
Surveiller avec régularité les commentaires publiés sur votre blog
À retenir
Un petit quiz pour vérifier vos connaissances
Que penser de la phrase ci-après : simple critique, injure, atteinte à la vie privée ou diffamation ?
« encore une bouze pondue par un vendeur de rêves coutumier du fait () je pèse mes mots pour dénoncer les pratiques de la tribu des vendeurs de rêve, dont [blogueur] est un exemple de choix. »
Article rédigé par Chrystèle BOURELY, juriste et auteure du blog Mon Blog Juridique que je remercie infiniment.