De la fiscalité nulle à une fiscalité faible : la transformation économique des pays du Golfe

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Publié le 2023-06-14 à 09:00 par Ameerah Arjanee
Les pays du Golfe ont longtemps attiré les expatriés parce qu'ils ne prélevaient aucun impôt. Cependant, ces pays cherchent désormais à diversifier leur économie en dehors du secteur pétrolier, ce qui nécessite de tirer des revenus grâce aux impôts. Les six pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont progressivement mis en place des impôts réduits, en commençant par la TVA, les droits d'accises, la taxe immobilière et l'impôt sur les sociétés. Ils n'ont pas encore introduit l'impôt sur le revenu personnel, du moins pas encore.

Certains impôts semblent nécessaires pour la stabilité économique des pays du Golfe 

Depuis les années 1970, les six pays du CCG, à savoir l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar, le Koweït, Bahreïn et Oman, se sont appuyés sur leur secteur pétrolier pour assurer leur prospérité. Un succès qui a attiré de nombreux expatriés dans leur secteur privé, au point que ces entreprises dépendent à 70-90 % d'une main-d'œuvre expatriée malgré les efforts pour nationaliser leur main-d'œuvre.

Les pays du Golfe ont, en partie, attiré cette forte main-d'œuvre expatriée grâce à un régime fiscal attrayant, notamment l'absence d'impôt sur le revenu personnel et celui des sociétés. Les droits d'accises et la TVA étaient également non existants. Les expatriés, qu'ils soient des cadres ou des ouvriers, ont constaté que l'absence d'impôt sur le revenu personnel leur permettait d'économiser de l'argent pour l'envoyer à leurs familles restées au pays. Les expatriés les plus aisés y ont trouvé un refuge pour leur fortune contre les lourds taux d'imposition de leur pays d'origine.

Toutefois, depuis 2017, certains types d'impôts ont lentement commencé à être introduits. Pourquoi ? Le cabinet de conseil en gestion américain Oliver Wyman considère qu'un certain niveau d'imposition est désormais nécessaire pour maintenir la « stabilité fiscale » des pays du Golfe. Les prix mondiaux du pétrole chutent depuis 2015, et les pays du Golfe connaissent une augmentation de la dette publique et des déficits budgétaires. De plus, ils ont commencé à prendre conscience de l'importance d'une transition énergétique écologique. Le choc économique de la pandémie de Covid-19 a également tiré la sonnette d'alarme sur l'imprudence d'une dépendance exclusive au pétrole.

Quels types d'impôts les pays du Golfe ont-ils introduits ? 

Les expatriés qui travaillent peuvent respirer librement : les pays du Golfe n'appliquent pas encore l'impôt sur le revenu personnel. L'Arabie saoudite prélève un impôt forfaitaire de 20 % sur les bénéfices ajustés en l'impôt des expatriés, mais cet impôt ne s'applique pas vraiment aux salariés. En effet, le pays se concentre davantage sur l'imposition des revenus des entreprises détenues par les expatriés (c'est-à-dire l'impôt sur les sociétés), ainsi que sur d'autres formes d'impôts comme la TVA, les droits d'accise et la taxe sur les transactions immobilières. 

Droits d'accises 

En 2017, le Bahreïn a introduit des droits d'accises allant de 50 % à 100 % du prix de certains produits. Le tabac et les boissons énergisantes sont imposés à un taux de 100 % à l'achat, ce qui double leur prix, tandis que les boissons non alcoolisées sont imposées à un taux de 50 %. Les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite ont mis en œuvre la même mesure la même année, avec un taux similaire de 50 à 100 %. Les autorités fiscales des Émirats arabes unis ont élargi la liste des produits assujettis aux droits d'accises en 2019. La taxe est désormais prélevée sur la vente de boissons gazeuses, de boissons énergisantes, de boissons sucrées non gazeuses, de tabac et de dispositifs de vapotage électronique.  

Oman et le Qatar ont été les derniers pays en date à appliquer une telle taxe (en 2019). Le Koweït est le seul pays du CCG à ne pas encore avoir de droits d'accises, mais le gouvernement envisage de légiférer dans un avenir proche. Cette taxe devrait s'appliquer non seulement au tabac et aux boissons, mais aussi aux produits de luxe.

TVA 

En 2018, les Émirats arabes unis ont commencé à prélever 5 % de TVA sur la plupart des biens et services. L'Arabie saoudite a fait de même en 2018, mais elle a ensuite augmenté ce taux de TVA à 15 % en 2020 pour lutter contre l'impact de la pandémie de Covid-19. Bahreïn a mis en place un taux de TVA de 5 % en 2019. Cependant, la pandémie de Covid-19 l'a également contraint à augmenter ce taux à 10 % en 2022. Oman a été le dernier pays du CCG à appliquer la TVA. Ce n'est qu'en 2021 qu'il a légiféré sur un taux de TVA de 5 %. La TVA n'existe pas à l'heure actuelle au Koweït et au Qatar, mais cela pourrait changer à l'avenir. 

Impôt sur les sociétés 

Depuis juin 2023, les entreprises des Émirats arabes unis sont soumises à un impôt sur les sociétés de 9 % sur leur bénéfice net. Quatre des cinq autres pays du CCG ont déjà des taux d'imposition plus élevés sur les sociétés. L'Arabie saoudite prélève 20 %, le Koweït 15 %, Oman 15 % et le Qatar 10 % sur les bénéfices des entreprises détenues par des étrangers.  

Le Bahreïn n'a pas encore d'impôt sur les sociétés, mais son ministre des Finances et de l'Economie nationale a indiqué son intention d'adopter l'impôt minimum effectif mondial sur les sociétés dont l'OCDE discute actuellement. Les pays du CCG ont souvent été inscrits sur les listes des juridictions fiscales non-coopératives en raison de l'absence ou de la faiblesse de l'impôt sur les sociétés. Ils se sont ainsi efforcés d'améliorer leur réputation en matière de conformité aux normes fiscales mondiales.  

Taxe sur les transactions immobilières 

En 2020, l'Arabie saoudite a introduit la taxe sur les transactions immobilières. Celle-ci est assortie d'un taux spécial de 5 % au lieu du taux habituel de 15 % de la TVA. Les autres pays du CCG n'ont pas encore de taxe spéciale sur l'immobilier. 

Même si les pays du Golfe ne sont plus des juridictions totalement exemptes d'impôts, les taxes dans cette région restent moins élevées que dans d'autres parties du monde. Les États ont mis en place ces taxes progressivement et de manière prudente afin de ne pas effaroucher les expatriés et les investisseurs étrangers. Ils ont conservé des zones économiques libres où certaines entreprises à capitaux étrangers dans des secteurs clés paient encore moins impôts sur les sociétés. L'Arabie saoudite, par exemple, vient de lancer quatre nouvelles Zones économiques spéciales en 2023. Les entreprises qui y sont implantées ne paient qu'un taux d'imposition de 5 % pendant les 20 premières années de leur opération.