Hausse des impôts : nouveau coup dur pour les expatriés russes

Vie pratique
  • impots russes
    Shutterstock.com
Publié le 2023-05-17 à 09:19 par Natallia Slimani
Le gouvernement russe a franchi une étape décisive en présentant au Parlement un projet de loi visant à augmenter les impôts des Russes travaillant à l'étranger. Ce projet de loi, qui a été soumis à la Douma, la Chambre basse du Parlement russe, propose une augmentation notable du taux d'imposition pour les Russes résidant à l'étranger, qui risquent de perdre leur statut de contribuable dans le pays. Le taux d'imposition devrait ainsi passer de 13 % à 30 % pour cette catégorie de citoyens. 

La modification proposée de la politique fiscale russe est étroitement liée à la réaction de Moscou au conflit en cours entre la Russie et l'Ukraine, qui a éclaté le 24 février 2022. Dans le cadre de cette mobilisation militaire, un nombre considérable de citoyens russes ont choisi de s'installer à l'étranger, à la recherche de nouvelles opportunités, mais aussi d'un refuge, compte tenu de la situation actuelle dans leur pays d'origine.

Plus d'un demi-million de Russes se sont installés à l'étranger depuis le début de la guerre 

Selon des données récentes, au moins 500 000 Russes (potentiellement un million) ont fui le pays depuis le début de la guerre. Contrairement à l'accueil reçu par les réfugiés ukrainiens en Occident, les Russes fuyant leur pays ont été confrontés à une réaction différente. De nombreux pays ont fait preuve d'hésitation, ne sachant pas si l'on peut faire confiance à ces personnes en tant qu'amis ou si elles portent la responsabilité de la situation dans son ensemble. En conséquence, plusieurs pays ont imposé des restrictions d'entrée ou refusé catégoriquement les nouvelles demandes de visa, créant une atmosphère d'incertitude et d'anxiété parmi les nouveaux immigrants russes et ceux qui vivent déjà à l'étranger. 

Les pays qui ont accueilli le plus grand nombre de réfugiés russes en 2022 sont la Géorgie, le Kazakhstan, la Serbie, la Turquie, l'Arménie, Israël, le Kirghizistan, les États-Unis et la Mongolie. 

Les expatriés russes pas prêts à rentrer

Cela fait maintenant plus d'un an que la Fédération de Russie, dirigée par Vladimir Poutine, déclenché la guerre en Ukraine. Plusieurs vagues d'immigration en provenance de Russie ont eu lieu au cours des premières semaines de la guerre et à la suite de l'annonce des procédures de mobilisation. 

À ce jour, beaucoup de ceux qui ont fui la Russie ont trouvé un foyer temporaire et stable. Toutefois, les nouvelles impositions fiscales et les nouveaux projets de loi continuent de rendre les choses difficiles pour ceux qui se construisent une nouvelle vie à l'étranger. 

Turquie 

La Turquie s'est imposée comme une destination connue et appréciée des Russes et des Ukrainiens. En 2019, avant la pandémie de Covid-19, la Turquie a réussi à attirer un nombre grandissant de voyageurs, attirant jusqu'à 7 millions de visiteurs russes. Entre janvier et septembre 2022, près de quatre millions de Russes sont entrés en Turquie. 

Maria et Dima ont quitté la Russie le 25 février. Tous deux ont de la famille en Ukraine. Ils ont pris leur décision immédiatement après avoir appris la nouvelle la veille au matin. Ils se sont d'abord rendus en Géorgie, puis à Antalya, en Turquie, avec des amis et leurs trois animaux de compagnie. Ils vivent maintenant à Antalya depuis plus d'un an et prévoient de s'y installer définitivement, après avoir vendu leur propriété à Moscou. « Je n'avais jamais pensé que je vivrais un jour dans un pays étranger », déclare Maria. « J'ai tout abandonné, ma vie et tout ce qui m'était familier, du jour au lendemain. C'était effrayant à l'époque, mais à présent je pense que le choc s'est dissipé. Il se pourrait même que je ne rentre plus jamais en Russie ». Dimitri, son conjoint, envisage lui aussi l'éventualité de ne jamais rentrer. Cependant, il est également préoccupé par les implications d'une vie à long terme à l'étranger. « Nous avons eu la chance d'avoir suffisamment d'économies et d'avoir un emploi qui nous permettait de nous installer ailleurs. Mais pour être honnête, les nouvelles du pays sont rarement positives et nous nous attendons à davantage de complications et de restrictions chaque jour qui passe. » 

Karolina est arrivée à Fethiye (une ville de l'ouest de la Turquie) en mai 2022. Elle envisageait de poursuivre sa route jusqu'en Thaïlande, mais a rapidement décidé de demeurer sur place. « Je n'avais pas l'intention de rester longtemps en Turquie, mais j'aime beaucoup la ville où je vis aujourd'hui. Elle possède tout ce dont j'ai besoin pour mener une vie confortable loin de chez moi. Mais j'ai bien évidemment des inquiétudes. Elles ont beaucoup à voir avec l'augmentation du coût de la vie, les changements de politique en matière de visas et les ‘promesses' constantes du gouvernement russe de rendre les choses plus difficiles pour ceux qui ont choisi de partir ». 

Maksim vit en Turquie depuis plus d'un an et demi, ayant déménagé dans le pays avant la guerre. Cependant, avec l'afflux de nombreux nouveaux arrivants, les prix dans le pays se sont envolés et il s'interroge maintenant sur sa capacité à rester dans le pays plus longtemps. « L'année dernière, mon loyer a presque doublé. De plus, il est devenu difficile de trouver un logement en raison du grand nombre de personnes qui s'installent ici pour louer ou même acheter des appartements. Les dépenses quotidiennes sont également beaucoup plus élevées et, compte tenu de l'instabilité du rouble, je ne suis pas sûr de pouvoir me permettre de rester en Turquie, avec ou sans la charge des impôts ». 

Géorgie 

Selon diverses sources, plus de 100 000 Russes vivent aujourd'hui en Géorgie. Plus de 1,3 million de Russes auraient franchi la frontière géorgienne depuis le début de la guerre. 

Alexey s'est installé à Tbilissi en septembre, après l'annonce de la mobilisation partielle en Russie ; il a obtenu un billet d'avion le lendemain. Sa famille (mère, père et sœur) est toujours à Moscou. « J'ai entendu parler de la nouvelle loi fiscale qui semble viser les personnes qui ont quitté la Russie. Honnêtement, je ne sais pas si cela me préoccupe pour l'instant, car j'ai l'impression de devoir me préoccuper de choses bien plus importantes. Mais pour beaucoup d'immigrés russes ici, en Géorgie, il semble que nous nous dirigions vers un « point de non-retour ».  

Kazakhstan 

Selon le ministre kazakh de l'Intérieur, Marat Akhmetzhanov, plus de 200 000 Russes sont entrés dans le pays depuis le début de la guerre.  

Karina est née au Kazakhstan mais a passé les dix dernières années à vivre et à travailler à Saint-Pétersbourg. Depuis la guerre, elle est retournée au Kazakhstan et tente de reconstruire sa vie dans la capitale, Astana. « Après plus de dix ans passés à construire ma vie en Russie, revenir au Kazakhstan n'a pas été facile, mais c'était le seul choix qui paraissait logique. J'essaie maintenant de décider de ma prochaine étape et je vais peut-être essayer de déménager en Roumanie avec un groupe de collègues. Honnêtement, je ne prête plus trop attention aux annonces de nouvelles lois. Je sais que les choses ne vont pas s'améliorer, mais je ne compte pas sur les officiels pour faire revenir les citoyens russes au pays. 

Arménie 

Parmi les anciennes nations soviétiques, l'Arménie est l'un des rares pays qui permet aux Russes d'entrer avec une simple carte d'identité nationale, ce qui en fait un choix attrayant pour les personnes à la recherche d'une évasion rapide. Elle est donc devenue une destination populaire pour un large éventail d'individus, dont d'anciens militaires, des militants politiques et d'autres personnes à la recherche d'un refuge ou d'un nouveau départ. 

Olga et Andrey sont à Erevan depuis près de six mois. Selon eux, les choses se dégradent de jour en jour dans leur pays et ils ont très peu confiance dans les décisions prises par le gouvernement local. « J'entends parler de nouvelles lois presque tous les jours », explique Andrey. « La plupart d'entre elles ne sont pas destinées à nous faciliter la vie. Mais cette année nous a appris à nous adapter rapidement et à ne compter que sur nous-mêmes ».