États-Unis : que signifie la crise du secteur de la Tech pour les expats ?

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Publié le 2023-02-01 à 10:00 par Asaël Häzaq
Après des années d'euphorie et de fortes embauches dans les premiers temps de la Covid, l'heure est à la prudence. Les vagues de licenciements dans le monde ont laissé des milliers d'employés sous le choc. Une situation particulièrement critique aux États-Unis, avec des étrangers contraints par leur visa de vite retrouver un emploi. Pourquoi une telle vague de licenciements ? Quel avenir pour la Tech, et quel impact pour les professionnels étrangers aux États-Unis ?

2023 : nouvelle année noire pour la Tech ?

2022 marque un tournant dans le monde de la Tech. Après des embauches massives durant la Covid, les géants des nouvelles technologies multiplient les plans de licenciements à travers le monde. Amazon licencie 18 000 employés. Microsoft annonce se séparer de 10 000 collaborateurs. Meta, en perte de vitesse depuis son changement de nom et de stratégie (la firme investit massivement dans la réalité virtuelle), licencie 11 000 employés. En tout, 130 000 postes ont été supprimés, dont près de 100 000 aux États-Unis. Un nouveau coup dur pour des milliers de salariés, qui ajoute à la morosité économique mondiale. Aux États-Unis, on annonce déjà 134 000 nouvelles suppressions de poste cette année.

Faut-il comparer l'année 2022 à l'éclatement de la bulle Internet dans les années 2000 ? Les analystes se montrent prudents. Malgré la forte hausse des licenciements, la Tech continue de recruter, et aux États-Unis, et dans le monde. Aux États-Unis, la Tech est même le deuxième à enregistrer le moins de suppressions d'emplois depuis 20 ans. Il est cependant clair que l'euphorie des années précédentes est terminée. Les acteurs du secteur sont plus frileux à embaucher. Les prévisions de la Banque mondiale, qui annonce une récession cette année, incitent à la prudence. Les États-Unis espèrent encore échapper à la récession grâce à ses 2,1 % de croissance en 2022, son faible niveau de chômage (3,5%) et son taux d'inflation en baisse. Mais une partie des économistes estime que l'économie américaine connaîtra un ralentissement cette année.

Les postes concernés par les licenciements

De nombreux emplois sont potentiellement menacés, avec des variantes selon les entreprises et leurs stratégies. Beaucoup se sont lancées dans la course à l'IA ; une garantie pour les professionnels du secteur de conserver leur poste. D'autres, qui se pensaient à l'abri, ont vite déchanté, comme les professionnels de la communication, de la finance ou du commerce électronique.

Chez Google, peu de précisions. Vendredi 20 janvier, Sundar Pichai, le PDG de Google et d'Alphabet, annonce, dans un mail envoyé à tous les employés, et sur un blog post, se séparer de 12 000 salariés dans le monde. « [...]Tout Alphabet, tous les produits, fonctions, niveaux et géographies » sont concernés par ces licenciements, sans précisions sur les postes visés. Les métiers concernant l'Intelligence Artificielle (IA) et « les plus hautes priorités de l'entreprise » seront conservés.

Chez Twitter, Elon Musk, le nouveau dirigeant, s'est séparé de près de la moitié des salariés. Des équipes entières ont presque été supprimées dans la communication, le marketing, et le respect des droits de l'homme et de la diversité. Amazon sabre tout d'abord dans ses employés de magasins physiques. Ils sont les premiers, avec les employés en charge des appareils électroniques de la marque, à être visés par le plan de licenciement. La firme a également gelé les recrutements dans les bureaux. Microsoft licencie un peu moins que ses concurrents. Les suppressions de postes concernent essentiellement le pôle juridique, le département Xbox, le centre d'expérience produits. D'autres postes stratégiques sont également ciblés.

Pourquoi une telle vague de licenciements ?

Par essence, le monde de la Tech est parfois instable, et pas toujours rentable. En cause : son interconnexion avec d'autres acteurs du marché. La période actuelle est néanmoins inédite. La pandémie, notamment les confinements, a induit de nouveaux comportements. Plus de temps passé à la maison, télétravail et commerces fermés. La demande a explosé dans de multiples domaines : commandes en ligne, livraisons à domicile, applications de jeux, jeux vidéo, streaming… Partout dans le monde, on assiste au même phénomène. Les habitants redécorent leur intérieur, s'équipent en ordinateurs, bureaux, s'abonnent à diverses plateformes de streaming, font du sport et prennent des cours de cuisine en ligne.

Pour répondre à cette demande, les entreprises de la Tech ont massivement embauché. Peut-être trop. C'est ce qu'ils reconnaissent. Ils ont cru à un changement durable des comportements. Mais lorsque les frontières rouvrent et que la vie reprend son cours, les comportements sont également revenus à leur niveau d'avant pandémie. La demande baisse, le chiffre d'affaires des géants de la Tech aussi. La vague de licenciements est enclenchée.

Il faut aussi rappeler que ces licenciements interviennent dans un contexte de crise mondiale. 2022 est aussi l'année de la guerre en Ukraine et de l'inflation. Plutôt que d'une « crise de la Tech », certains économistes préfèrent parler d'une « panne de la croissance ». D'autres soulignent le rôle des grands actionnaires. Face aux pertes, les actionnaires des géants de la Tech ont attendu une réponse rapide. Or, l'un des leviers les plus rapides reste le licenciement. Ceci est surtout vrai aux États-Unis, où la loi autorise des licenciements quasi express. Licenciements qui ont impacté des milliers d'expatriés titulaires du visa H-1B.

Licenciements dans la Tech : implications pour les titulaires du visa H-1B

Pour les expatriés, c'est une double peine. La vague de licenciements qui sévit dans le monde de la Tech touche des milliers d'étrangers titulaires du visa H-1B. Porte d'entrée la plus connue pour obtenir la Green card (carte de résident permanent), le visa H-1B est un visa de travail dédié aux étrangers qualifiés : ingénieurs, experts informatiques, chercheurs, etc. C'est le visa par lequel nombre d'entreprises américaines passent pour recruter des talents étrangers. Les géants de la Tech ne font pas exception.

Pour prétendre au visa H-1B, le talent étranger doit (notamment) être sponsorisé par son employeur. La validité du visa dépend donc, en pratique, de la relation avec l'employeur. Si l'expatrié perd son emploi, il risque de perdre son visa, et donc, de devoir quitter le territoire. C'est tout le drame des milliers d'expatriés licenciés dans la Tech. Beaucoup se sont retrouvés brusquement au chômage, avec un délai très court pour retrouver du travail. En effet, l'administration américaine laisse un sursis de 60 jours aux étrangers licenciés pour retrouver un emploi ou changer de catégorie de visa. S'ils n'y arrivent pas, ils devront quitter le territoire.

Or, les talents étrangers représenteraient 20 à 30 % des effectifs des entreprises de la Tech. Entreprises souvent fondées par une personne immigrée, arrivée avec un visa H-1B et/ou ayant créé sa start-up aux États-Unis avant de gravir l'ascenseur social. Or, si la Tech embauche toujours, les économistes estiment que les talents étrangers victimes des suppressions de postes ne retrouveront pas tous un emploi. Car le contexte a changé. Retrouver vite un travail était plus aisé en 2021.

Outre retrouver rapidement du travail, les expatriés licenciés ont peu d'alternatives pour rester sur le sol américain. Ils peuvent demander un visa étudiant, postuler pour une carte verte, ou créer leur entreprise. Des démarches très coûteuses qui ne débouchent pas toujours sur une réponse positive. D'aucuns proposent de revoir la limite de 60 jours, jugée bien trop courte pour retrouver un travail, surtout en période de crise.

Chicago, nouveau hub de la Tech 

Et si Chicago tenait la solution ? La ville compte sur les immigrés qualifiés pour se hisser au rang de nouvelle place forte de l'innovation et de la technologie. Chicago se donne les moyens de ses ambitions et opère en étroite relation avec les entreprises. Plus de 35 entreprises de Chicago disent vouloir recruter des titulaires de visas H-1B. C'est, pour elles, l'occasion de recruter des talents et de retrouver un nouveau souffle économique. Plus de 400 000 postes seraient à pourvoir dans l'Illinois.

À Chicago, la ville et les entreprises se mobilisent pour faire passer le message : Chicago a besoin de talents. Chicago innove. Chicago est vivante, accueillante et dynamique. Chicago est le nouveau hub de la Tech. Mais Chicago ne compte pas tout investir dans la Tech. Consciente que la diversification des activités est la clé d'une économie prospère, elle met en valeur son bon positionnement dans l'industrie, la fabrication, la finance, les soins de santé, les énergies renouvelables ou l'alimentation. Un équilibre qui lui permet de mieux tenir en période de crise. Une raison supplémentaire, pour la ville, de promouvoir son modèle économique.

Liens utiles :

Go Tech Chicago

US Citizenship and Immigration and Services

H-1B visa process