Mid-terms : pas de raz-de-marée républicain

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Publié le 2022-11-10 à 05:55 par Asaël Häzaq
Bataille serrée entre les démocrates et les républicains. Mardi 8 novembre, les électeurs américains ont été appelés aux urnes pour les élections de mi-mandat. Ils ont eu à voter pour le renouvellement de l'ensemble de la Chambre des représentants, d'un tiers du Sénat, d'une série de postes d'élus locaux ; ils ont également eu à se prononcer sur des référendums. Les résultats commencent à tomber ce 9 novembre. Pas de vague rouge, mais une lutte acharnée entre les deux camps. Il faudra encore attendre de longues heures, voir plusieurs jours, avant la proclamation des résultats définitifs. Que peut-on déjà retenir de ces élections ?

Pas de vague rouge

Les républicains devancent les démocrates d'une courte tête à la Chambre des représentants, avec 199 sièges contre 172. Suspens au Sénat : républicains et démocrates sont à égalité. Mais les bulletins ne sont pas encore tous dépouillés. C'est déjà une première victoire des démocrates, et un sérieux revers pour Donald Trump, ex-président omniprésent dans les derniers temps de cette campagne, en course à peine masquée pour un nouveau mandat présidentiel. Il n'y a pas de vague rouge sur l'Amérique. Les républicains semblent cependant bien partis pour être majoritaires à la Chambre des représentants, et compliquer la tâche de Joe Biden. Ils pourraient bloquer des projets de loi et peser sur la politique internationale du chef de l'État pour les deux années restantes.

Les républicains ont gagné des États clés. Marjorie Taylor Greene est réélue en Géorgie malgré un premier mandat controversé. La républicaine est connue pour ses propos racistes, complotistes et antisémites. Elle dérange jusque dans son parti, mais est adulée par les fans de Trump. Proche de l'extrême droite, elle a apporté son soutien au mouvement Qanon (groupe conspirationniste d'extrême droite). Autre poulain de Trump, James David Vance (J. D. Vance) emporte le très disputé État de l'Ohio, fief industriel et agricole du pays. J. D. Vance a surfé sur l'inflation et l'exaspération des électeurs pour gagner des voix. En Floride, Ron DeSantis surclasse son rival démocrate. Même victoire facile pour Greg Abott, gouverneur du Texas. Si Greg Abott est un trumpiste convaincu, Ron DeSantis, ancien poulain de Trump, veut désormais faire cavalier seul à la course à la présidentielle. La Floride, traditionnellement vue comme un État hésitant entre démocrates et républicains, a largement voté pour DeSantis. Et ça ne fait pas forcément les affaires de Donald Trump. Car s'il se présente aux prochaines présidentielles, DeSantis pourrait être un sérieux rival.

Victoires symboliques côté démocrate

Le camp démocrate aussi gagne d'importantes victoires. Il conserve New York, non sans quelques frayeurs. Les républicains croyaient pouvoir déloger Kathy Hochul. Mais la gouverneure gagne avec 52,7% des voix, contre 47,3% pour le républicain Lee Zeldin. Le Maryland et le Massachusetts basculent côté démocrate. Les deux États, pourtant bastions républicains, écrivent une nouvelle page de leur histoire et de l'histoire des États-Unis. Dans le Maryland, Wes Moore devient le premier gouverneur africain-américain. Il l'emporte sur son rival républicain Dan Cox, à 59,8% des voix contre 37,1%. Déjà au travail, le nouveau gouverneur Moore écrit sur son compte Twitter : « Le vrai patriotisme signifie rassembler les gens. Cela signifie s'élever mutuellement et améliorer la vie de chacun. Le patriotisme, c'est savoir que notre pays est grand et que si nous faisons le travail, il sera encore plus grand. » Dans le Massachusetts, Maura Healey devient la première gouverneure ouvertement lesbienne. La gouverneure bat largement le républicain Geoff Diehl (63,2 % des voix, contre 35,2%).

La victoire qui symbolise la résistance des démocrates a lieu en Pennsylvanie. En l'emportant contre le républicain et chirurgien star de la TV Mehmet Oz, John Fetterman offre un siège au Sénat capital pour les démocrates. Fetterman revient de loin. Victime d'un AVC en mai dernier, il a dû combattre le scepticisme rampant. Serait-il capable de gouverner ? Les doutes augmentent lorsqu'il est contraint d'utiliser un téléprompteur pour lire les questions qu'on lui posait, à cause de problèmes auditifs. Sa campagne patine après avoir commencé sur les chapeaux de roues. Les sondages se resserrent et le suspense augmente. Le siège de Pennsylvanie était jusque-là sous contrôle républicain. Il devient donc démocrate. Une victoire de taille pour les républicains et pour Fetterman, surnommé maire « le plus cool », lorsqu'il était en fonction dans l'ancienne vielle industrielle de Braddock, entre 2006 et 2019. Ronald Klein, chef de cabinet de la Maison-Blanche, se félicite de ces bons résultats démocrates. « Ne jamais sous-estimer à quel point la Team Biden est sous-estimée », écrit-il sur son compte Twitter.

Que retenir de ces premiers résultats ?

L'incertitude plane sur le Sénat. On attend encore les résultats de 4 États : le Winsconsin, la Géorgie, l'Arizona et le Nevada. Le comptage des voix pourrait prendre plusieurs jours. La tension est à son comble et révèle des États-Unis plus désunis que jamais.

C'est le premier constat de ces élections. La démocratie américaine semble à bout de souffle. Des milliers d'électeurs ont déjà fait savoir qu'ils ne reconnaîtraient pas la victoire de l'autre camp. Encouragés par certains politiques (surtout côté républicain, il faut le dire), ils promettent le black-out total jusqu'à leur victoire. Mais est-ce toujours de la démocratie ?

Les élections de mi-mandat sont traditionnellement défavorables au parti en place. Si le clan démocrate n'a pas essuyé de grand revers, les premiers résultats en disent long sur les fractures qui divisent le pays. Joe Biden n'a pas convaincu, et certaines voix dissonantes proviennent de son propre camp. On lui reconnaît des aides sociales de grande ampleur, notamment durant la crise sanitaire. Mais la poussée inflationniste a considérablement freiné ses réformes économiques. Les inégalités de revenus, déjà importantes avant la crise sanitaire, se sont depuis transformées en gouffres. Elles n'ont en fait jamais cessé d'augmenter depuis les années 80.

Et c'est bien sur les questions économiques que Biden a trébuché. Du moins, aux yeux des électeurs et de ses détracteurs. Aucun débat n'a porté sur la Covid-19, mais « l'aura » de la pandémie a joué son rôle chez les électeurs républicains influencés par les discours complotistes. Ce qu'on reproche surtout aux démocrates, c'est d'avoir minimisé l'ampleur de la crise inflationniste. L'avaient-ils vu seulement venir ? Jerome Powell, patron de la FED (Réserve fédérale américaine) a longtemps parié sur une inflation de court terme. Un optimisme qui ne convainquait pas les marchés et qui n'a pas convaincu des milliers d'Américains aux finances amoindries et aux fins de mois difficiles.

Avec une inflation qui ne faiblit pas (8,2 % sur un an) des prix de l'énergie qui flambent, et une crise immobilière, difficile de garder le sourire. Biden espérait convaincre l'OPEP+ (Organisation des pays producteurs de pétrole). Durant des mois, il tracte pour que les pays fournisseurs augmentent leur production de pétrole, jusqu'à se rendre en Arabie saoudite en juillet dernier. La visite est très controversée. Celui que l'on surnomme MBS (le prince héritier Mohammed ben Salmane) est accusé par les services de renseignements américains d'avoir commandité l'assassinat journaliste saoudien Jamal Kashoggi en 2018. Pour les critiques, Biden s'assied sur sa fermeté d'alors (il promettait de faire de MBS un « paria ») et échange un check contre quelques barils de pétrole. Si encore, l'entreprise avait marché. Mais début octobre, l'OPEP+, menée par l'Arabie saoudite, et ses partenaires, conduits par la Russie, décident de réduire drastiquement la production de carburant (une baisse de 2 millions de barils par jour). Les prix à la pompe grimpent. Nouvelle surchauffe aux États-Unis. C'est un sérieux revers pour le président américain, à quelques semaines des mid-terms.

Biden paie-t-il une conjoncture défavorable ? La crise sanitaire, la guerre en Ukraine, la crise énergétique ont-elles eu raison de sa politique ? Certainement, le contexte mondial a joué un rôle dans la crispation des tensions. Un vent de droite, voire d'extrême droite se lève partout dans le monde. Le repli sur soi et la crainte de l'autre semblent motiver bien des intentions de vote, excités par les discours alarmistes aux accents trumpistes. Reste un président Biden qui incarne le rassemblement mieux que son prédécesseur. Les États-Unis sont redevenus audibles et crédibles sur la scène internationale. Mais à l'intérieur des terres, plus personne ne se comprend. La fracture du pays dépasse le simple clivage gauche/droite. Les jours s'annoncent encore longs, avant de découvrir le nouveau visage politique de l'Amérique.