L'Australie augmente son plafond de résidence permanente de 35 000

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Publié le 2022-09-07 à 09:00 par Ameerah Arjanee
Le 3 septembre, l'Australie a augmenté son plafond d'immigration permanente pour la première fois en 10 ans. Pour l'exercice financier ayant débuté en juin 2022 et qui se terminera en juin 2023, le pays accueillera 195 000 au lieu de 160 000 nouveaux résidents permanents. Cette mesure vise à résoudre la grave pénurie de main-d'œuvre et de compétences à laquelle l'Australie est confrontée depuis la fermeture de ses frontières pendant la pandémie de Covid.

La pénurie de main-d'œuvre et de compétences en Australie

Le Bureau australien des statistiques, l'Australian Bureau of Statistics, fait état de près de 500 000 postes vacants dans le pays à la mi-2022. Et ce, malgré le fait que le taux de chômage est à un niveau record de 3,4 %, le plus bas en 50 ans. Il n'y a tout simplement pas suffisamment de travailleurs. Des pays comme l'Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande ont longtemps compté structurellement sur un afflux constant d'immigrants pour faire tourner leurs économies.

En effet, plus de la moitié de la population australienne est née à l'étranger ou a un parent né à l'étranger. Avec la fermeture brutale et prolongée de la frontière au plus fort de la pandémie, en 2020 et 2021, la main-d'œuvre étrangère ne pouvait plus entrer dans le pays. Les PVTistes (les migrants à court terme dans le cadre du programme vacances-travail) et les étudiants internationaux (en particulier de Chine et d'Inde) n'ont pas pu entrer non plus, ou sont partis en grand nombre. Résultat final : l'Australie et ces autres pays sont maintenant confrontés à une pénurie aiguë de main-d'œuvre et de compétences.

Certains secteurs en Australie sont les plus durement touchés. Il s'agit du tourisme et de l'hôtellerie, de la santé, de l'agriculture et des métiers spécialisés. Une liste de priorités en matière de compétences pour diverses professions actuellement en pénurie et qui seront en « forte demande future » est disponible sur le site web de la Commission nationale des compétences d'Australie, la National Skills Commission of Australia. Elle comprend notamment des agronomes, des aides-soignants, des arboriculteurs, des auditeurs, des bouchers, des consultants agricoles, des électriciens, des infirmiers, des ingénieurs, des opérateurs d'installations mobiles, des optométristes, des serruriers, des pharmaciens, des professionnels de l'informatique, et des soudeurs.

Les infirmiers de la Nouvelle-Galles du Sud, la New South Wales, l'État australien le plus peuplé (dont Sydney est la capitale), se sont manifestés à quatre reprises en 2022. Ces derniers protestent notamment contre le manque de personnel et la surcharge de travail. Ils exigent ainsi un ratio infirmiers-patient de 4 : 1 dans les services et de 3 : 1 dans les services d'urgence pour éviter l'épuisement professionnel, soit le burn-out. Ils réclament également une augmentation de salaire de 2,5 % après les deux ans et demi de sacrifices qu'ils ont consenti pendant la pandémie. Mais il est difficile d'améliorer le ratio infirmiers-patients sans l'immigration d'infirmiers expérimentés de l'étranger ou de nouveaux diplômés étrangers issus des universités australiennes qui intègrent le monde du travail.

La pénurie de main-d'œuvre dans les exploitations agricoles et les entreprises d'emballage en zones rurales a affecté la chaîne d'approvisionnement alimentaire du pays. L'Australian Fresh Produce Alliance affirme que le secteur a connu entre 20 et 50 % de manque de personnel au cours des différentes périodes de 2022. Cette situation a engendré des problèmes logistiques, notamment au niveau de l'acheminement de fruits, de légumes, de produits laitiers et de la viande frais en provenance des exploitations agricoles en milieu rural vers les supermarchés urbains. En 2021, des tomates, des citrouilles, des légumes verts, des piments, des bananes, entre autres, ont pourri aux champs en l'absence de travailleurs saisonniers des îles du Pacifique pour la récolte. Cela a contribué à des pertes évaluées à 38 millions de dollars australiens en 2021.

Au début de 2022, Coles Supermarket a même introduit des limitations d'achat pour la viande et les œufs. En août 2022, les clients de Coles ne sont toujours autorisés à acheter que deux cartons d'œufs par visite, car le pays fait face à une crise dans l'approvisionnement en œufs. La réduction par les agriculteurs de leurs troupeaux de poules pendant la pandémie, le froid et la pénurie de main-d'œuvre ont tous contribué à cette crise.

La concurrence internationale pour la main-d'œuvre qualifiée

D'autres pays développés tentent actuellement d'attirer une main-d'œuvre hautement qualifiée pour combler leurs propres pénuries. Le Canada traverse une crise encore plus aiguë que l'Australie, de même que l'Allemagne, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni qui ont également introduit de nouveaux visas pour attirer la main-d'œuvre étrangère. L'Australie doit donc rester compétitive pour ne pas perdre de main-d'œuvre hautement qualifiée au profit de ces pays. La décision d'augmenter le plafond de la migration permanente fait partie intégrante de cette stratégie.

À l'occasion d'un sommet sur l'emploi et les compétences animé par l'Australia National University (ANU) en septembre, la ministre de l'Intérieur, Clare O'Neil, a souligné l'urgence de rester une destination compétitive : « Pour la première fois de notre histoire, l'Australie n'est pas la destination de choix pour nombre d'immigrants qualifiés. Ces esprits les plus brillants qui se déplacent dans le monde entier cherchent à s'installer dans des pays comme le Canada, l'Allemagne et le Royaume-Uni, et ces pays leur déploient le tapis rouge pour les accueillir. »

Elle est même allée jusqu'à qualifier la situation actuelle de « guerre mondiale pour les talents ». Lors du sommet, le ministre O'Neil a également déclaré que de nombreux postes vacants en Australie nécessitent des candidats ayant 10 à 15 ans d'expérience, et non de jeunes diplômés. Ces postes ne peuvent donc être pourvus que par des immigrants hautement qualifiés ayant occupé des postes de milieu de carrière ou de direction dans leur pays d'origine ou ailleurs.

Entre 2013 et 2019, le plafond d'immigration permanente était de 190 000. Il a été réduit de 15% un an avant la pandémie (mars 2019). Le gouvernement précédent, qui avait une position moins favorable à la migration que le gouvernement actuel, avait soutenu que cette réduction visait à désengorger les villes. Le nouveau gouvernement travailliste, élu à la mi-2022, a quant à lui réintroduit des politiques pro migratoires. Il a de nouveau relevé le plafond, à un niveau légèrement supérieur au plafond de 2013-2019 (190 000 v/s 195 000). Le nouveau Premier ministre Anthony Albanese a souligné que « la migration fait partie de notre histoire [australienne] ».

Accélérer l'octroi des visas

L'une des principales raisons pour lesquelles l'Australie éprouve des difficultés dans cette course mondiale aux talents est la durée excessivement longue dans le traitement des visas l'arriéré de visas. Cela dissuade les migrants potentiels de postuler ou les incite à accepter d'autres offres d'emploi pendant que leur visa australien est encore en cours de traitement. Certains visas de travail ou d'études à long terme prennent même deux à trois ans pour être approuvés, même lorsque le demandeur répond à tous les critères et dispose d'un parcours de travail sans tâche, tout comme un casier judiciaire vierge.

Par exemple, dans un témoignage à ABC News, un ingénieur chinois spécialisé dans les énergies renouvelables, Zhang Wenjun, 35 ans, a indiqué qu'il était en attente de son visa de travail depuis 2019. Il est déjà en contact avec des entreprises australiennes désireuses de l'embaucher, mais elles ne peuvent rien officialiser tant qu'il n'a pas obtenu de visa. Il a plus d'une décennie d'expérience dans les secteurs de pointe de l'énergie éolienne et de l'énergie solaire en Chine, ce qui fait de lui un candidat parfait pour une immigration permanente, mais le système de visa ne joue pas en sa faveur. Il exprime sa frustration de n'avoir même pas été contacté par un agent chargé du dossier.

En réponse à ce problème d'arriéré, le ministre de l'Immigration Andrew Giles s'est engagé à recruter plus de 500 nouvelles têtes au ministère de l'Intérieur au cours des neuf prochains mois, ainsi et d'injecter 36,1 millions de dollars australiens dans le ministère, afin d'accélérer le traitement des visas. Cependant, certains craignent que l'augmentation du plafond n'aggrave l'arriéré de visa préexistant et n'élimine de fait toute efficacité que l'augmentation du personnel et du financement pourrait apporter.