Retraite à l'étranger : quand les choses ne se passent pas comme prévu

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Publié le 2022-06-08 à 10:00 par Asaël Häzaq
Avoir un meilleur niveau de vie, une meilleure qualité de vie, profiter de la nature, changer d'air, réaliser un rêve, se lancer de nouveaux défis, rejoindre ses proches… Les raisons de passer sa retraite à l'étranger sont nombreuses. En 2022, le Maroc, la Thaïlande, le Portugal ou la Grèce restent les meilleures destinations pour passer sa retraite à l'étranger. 

En théorie, aucun problème. Il est tout à fait possible de percevoir sa retraite tout en résidant à l'étranger, sous réserve de respecter les formalités de son régime de base et complémentaire. Mais que faire en cas de retard ou d'interruption de paiement ?  Attestation d'existence, pression fiscale, complications administratives… Que faire quand rien ne se passe comme prévu ?

Retraite à l'étranger : quand la Covid contraint le projet de vie

Retraités en Équateur, Cynthia et Edd Staton témoignent le 6 mars 2020 pour CNBC. La Covid-19 vient de paralyser le monde entier, et plonge nombre de retraités dans l'incertitude. Comment envisager les soins ? Pour le couple, ne considérer que le faible coût des soins sans s'assurer, ni de leur qualité, ni de l'emplacement des structures de soin, ni des dépenses supplémentaires à éventuellement prévoir est une « grosse erreur ». « Surtout en cas d'urgence », précise Edd. L'évolution de la crise sanitaire lui donne raison. Cynthia ajoute : « Nous connaissons des expats qui paient de leur poche ou participent à des régimes privés ou locaux. » Le couple a investi dans une complémentaire pour pouvoir faire face aux éventuelles difficultés de santé qu'ils pourraient rencontrer. Un choix que partage Howard Pressman, planificateur financier et partenaire de la compagnie américaine Egan, Berger & Weiner à Vienne, en Virginie. « C'est [justement] le moment dans la vie où la santé revient vraiment importante. […] Je recommande de bien prendre en compte les soins que vous [retraité à l'étranger] recevrez… Pas seulement le coût, mais aussi l'accès aux soins et leur qualité. »

De nombreux retraités expatriés se sont retrouvés en grande difficulté à cause de la pandémie. Problème d'accès, non seulement aux vaccins, mais aux soins en général, médicaments difficilement disponibles, hôpitaux saturés, etc. Bloqués à l'étranger, beaucoup de retraités ont dû faire face à des dépenses de santé imprévues, avec tous les frais annexes engendrés par les confinements. L'aide des États n'a pas toujours suffi à combler la perte des revenus. Les professionnels ont d'ailleurs vite déconseillé de passer sa retraite à l'étranger, surtout au plus fort de la crise. La Covid change tous les pronostics, et force les retraités à repenser leur projet de vie à l'étranger. Certains y ont renoncé. D'autres se sont tournés vers des États considérés comme plus sûrs, notamment en termes de système de santé et d'accès aux soins, comme le Portugal.

Quand le certificat de vie n'arrive pas aux administrations

« Notre problème est que ces documents transitent par des systèmes postaux étrangers que nous ne maîtrisons pas et qui ne sont pas toujours d'une totale fiabilité. Il arrive parfois que ces certificats n'arrivent pas à leur destinataire ce qui entraîne sans préavis la suspension du paiement des retraites avec toutes les conséquences que cela peut avoir pour certaines personnes disposant de faibles ressources. » En 2016, Bernard Garnavault lance sa pétition en ligne pour inciter l'administration française à opter pour une procédure plus simple, et dématérialisée. En cause : le certificat de vie que la Caisse d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat) envoie chaque année au domicile retraité résidant à l'étranger. Le certificat de vie (certificat d'existence, ou attestation d'existence) est un document attestant de la vie d'une personne à un moment donné. Il est indispensable pour pouvoir continuer de percevoir sa retraite, quelle que soit sa nationalité. Les retraités à l'étranger doivent faire authentifier leur certificat de vie par les services locaux compétents en la matière.

À l'époque, Bernard vit en Thaïlande, et communique aux services son adresse provisoire. Le certificat de vie ne lui parviendra jamais. Sans justificatif, l'administration applique la procédure. Elle le considère mort et suspend le versement de sa pension. À l'époque, la procédure s'effectue seulement par courrier : « Si la procédure était dématérialisée, je n'aurais pas eu de problème », confie Bernard à la journaliste Aurélie Blondel, de l'Express, en septembre 2016. En France, le changement arrive le 1er novembre 2019. Les retraités à l'étranger ne doivent plus fournir un certificat de vie à chacune de leurs caisses de retraite, mais n'envoient qu'un certificat unique pour l'ensemble de leurs caisses. Autre évolution : toutes les démarches s'effectuent désormais sur Internet. Mais, tout comme pour l'accès aux soins, la pandémie a relancé la question du certificat de vie. Confinés, les retraités n'ont pas pu faire authentifier leur certificat de vie auprès des autorités locales compétentes. Les organismes de retraite ont pris en compte l'impact de la crise sanitaire, et ont rallongé de deux mois les délais pour renvoyer leur certificat de vie. Malgré tout, des retraités expatriés à l'étranger se sont retrouvés en difficulté financière. 

D'autres expatriés soulèvent des dysfonctionnements : problèmes lors de l'envoi/réception des documents sur le site des retraites, retard dans le paiement des pensions alors que le dossier est en règle… Le 9 novembre 2021, Paula Forteza, députée des Français d'Amérique latine et des Caraïbes, alerte Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État des Retraites et de la Santé au travail. « Ces retards de versements ont des conséquences économiques majeures sur la vie du quotidien des retraités dont la principale source de revenus est la retraite. Aucun système de compensation de ces retards n'est prévu. Pourtant ces importantes variations de revenus, avec parfois plusieurs mois sans versement des pensions, entraînent des modulations majeures des taux d'imposition, sans compter celles et ceux qui se retrouvent ainsi dans l'obligation d'emprunter. » Pour gérer ce problème, le ministère a mis en place un service d'assistance téléphonique pour les retraités vivant à l'étranger.

La Covid a joué un rôle indéniable dans les complications qu'ont pu vivre les retraités à l'étranger. D'autres paramètres sont également à prendre en compte. L'on recommande, dans la mesure du possible, de résider quelques mois dans le pays étranger (de préférence hors période estivale) pour voir si l'on pourrait y vivre de manière permanente. Mieux vaut ne pas miser sur les destinations dites « à bas coût ». Certes, le coût de la vie de certains pays augmente mécaniquement le pouvoir d'achat, mais des obligations médicales et le mode de vie sur place peuvent vite relativiser le gain d'argent. Même raisonnement concernant la fiscalité, qui, en prenant en compte les autres coûts de la vie dans le pays d'accueil, n'est pas forcément plus avantageuse. Prendre connaissance des conventions signées entre son pays et le futur pays d'accueil (notamment en termes d'imposition) permettra de penser son voyage dans de meilleures conditions. Le paramètre Covid et le système de soin restant, bien entendu en toile de fond du projet d'expatriation.