Crise économique : L'innovation et l'entrepreneuriat la solution pour les expats ?

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Publié le 2021-02-03 à 06:58 par Maria Iotova
En juin de l'année dernière, le FMI prédisait une décroissance économique de 4,9% pour 2020. Ce chiffre a toutefois été révisé à 4,4% en octobre. Nous sommes en février 2021 et il n'y a aucun signe d'amélioration avant les troisième et quatrième trimestres de cette année. Fort heureusement, la crise de COVID-19 n'a pas eu d'impact négatif sur l'innovation et l'esprit d'entreprise, accompagnés d'aspiration, de découverte et d'évolution.

Il est intéressant de noter que quelques-unes des solutions les plus résilientes aujourd'hui, comme Airbnb, Uber, Slack, Mailchimp, ont été conçues pendant des périodes de ralentissement comme celle-ci. Découvrez donc comment vous pouvez aussi aider votre entreprise ou start-up à faire face aux changements et à surmonter des défis avec Iraklis Alexopoulos, un expatrié grec à Dubaï qui a su transformer la crise sanitaire mondiale en une véritable opportunité.

Comment réinventer votre entreprise

Pour les entreprises existantes, la sécurité, la stabilisation et la continuité sont sans doute la priorité plutôt que la croissance, l'investissement et l'innovation. Selon une récente étude réalisée par McKinsey, 75% des dirigeants d'entreprise ne se sentent pas concernés par l'importance de l'innovation au cœur de la pandémie. Pour eux, les actions urgentes telles que satisfaire les nouveaux besoins des clients, la réaffectation des ressources humaines et le maintien de la compétitivité sont des questions d'ordre primordial. Mais pour qu'une entreprise puisse faire la différence à l'ère post-COVID-19, il faut impérativement observer et s'adapter au nouveau comportement des clients. Il est aujourd'hui impossible de prédire avec certitude à quoi ressemblera le monde après la pandémie. Il n'empêche qu'une entreprise a toutes les chances de rester pertinente si elle arrive à encourager la diversité et à adopter de nouvelles perspectives.

Créer une entreprise à l'ère de la COVID-19

La création d'une entreprise pendant une crise signifie que de nombreux problèmes sans précédent attendent d'être résolus. Il est donc possible d'appliquer vos idées, vos compétences et vos traits sur un ou plusieurs problèmes et de démarrer une activité qui pourra faire la différence. Avec le travail à distance qui est devenue la nouvelle norme, il n'a jamais été aussi simple de constituer une équipe diversifiée d'experts. Vous pourriez être dans l'incapacité de démarrer une entreprise actuellement en raison du manque ou de l'absence de financement. Cela pourrait toutefois être une excellente excuse pour travailler dur et prouver (à certains au début, et au monde entier par la suite) que vous êtes un acteur du changement.

Iraklis Alexopoulos, expatrié et co-fondateur de Balloon, nous parle de son parcours entrepreneurial

Iraklis est un expatrié grec aux Émirats arabes unis. Il s'est installé à Dubaï il y a dix ans après avoir séjourné et travaillé pendant une année à Berlin, en Allemagne. Aujourd'hui, il est le cofondateur de Balloon, une plate-forme d'événements virtuels permettant aux organisateurs de créer des événements personnalisés et engageants qu'ils peuvent monétiser.

Quand avez-vous conçu l'idée de développer Balloon ?

Balloon est une idée qui nous est venue avant que la COVID-19 ne soit déclarée une pandémie. En février de l'année dernière le cofondateur de Balloon et moi-même suivions l'actualité de près. Nous avons constaté que certains événements mondiaux, comme le Mobile World Congress à Barcelone, avaient été annulés. Nous avons donc choisi de mettre en suspens d'autres concepts que nous voulions développer en nous posant la question suivante : « Pourquoi ne pas essayer de résoudre ce problème pressant ? » Il est clair que les événements en présentiel présentent des risques majeurs. La pandémie est certes une situation extrême, mais pensez aux intempéries, par exemple, ou à l'impact négatif des événements physiques sur l'environnement. Balloon est né de nos échanges vocaux et en écrit à mesure que nous suivions l'évolution de la crise sanitaire mondiale. Bien que mon co-fondateur et moi vivons dans la même ville, nous nous sommes rarement rencontrés en face-à-face. Ce n'est pas à cause de la pandémie mais parce que la nature de notre travail nous permet de travailler à distance. Dans ce sens, nous n'avons même pas été affectés par le confinement. En fait, les restrictions sanitaires ont agi comme une sorte de catalyseur pour des entreprises comme Balloon, qui se développent grâce au travail à distance.

Qu'est-ce qui vous a motivé à lancer Balloon ?

Cette entreprise est une nécessité pour les personnes que nous souhaitons servir. En affaires, nous utilisons l'analogie analgésiques-vitamines. Les vitamines sont bonnes à avoir, mais elles sont les premières que vous éliminerez de votre budget, tandis que les analgésiques sont indispensables. Personnellement, je n'ai pas lancé Balloon dans le but de créer une entreprise profitable. Il s'agissait d'un besoin interne de créer un produit qui apporte de la valeur et de pouvoir mener ce projet à bon port.

Quelle est la différence entre démarrer une entreprise pendant et en dehors d'une crise ?

En tout cas, cette crise a vraiment boosté Balloon. La population mondiale a rapidement accepté et adopté le concept des événements virtuels pendant la pandémie. Une crise ne doit pas nécessairement être mondiale ; cela peut être une crise personnelle ou spécifique au marché. Alors quelle que soit la nature de la crise, il faut rester sur ses gardes et faire preuve de prudence lorsqu'il s'agit de consacrer du temps, des ressources et des efforts à un projet. En même temps, une opportunité peut se présenter et il faut savoir quand la saisir. Je pense que cela dépend énormément de votre personnalité. Pour ma part, une crise signifie qu'il faut s'assurer d'atténuer les risques et d'agir avec sagesse.

Quelles leçons avez-vous tirées de la crise de COVID-19?

Le travail à distance, qui a été une nouveauté pour énormément de personnes, est quelque chose qui m'est très familier en raison de la nature de mon travail. Cependant, travailler à distance peut s'avérer assez délicat. Il est très facile de passer à un mode de travail sans fin, où les frontières entre le travail et le temps pour soi sont floues. J'ai constaté, mais je n'ai pas encore bien saisi, l'importance d'être plus assidu et de structurer ma journée dans son ensemble, pas seulement en tant que professionnel ou entrepreneur.

Voir une opportunité et la saisir sont deux choses différentes. Quelle opportunité s'est présentée et qu'est-ce qui vous a poussé à la saisir ?

Le problème selon lequel les événements physiques sont très à risques et peuvent être inefficaces a toujours été présent. Ce qui en a fait une opportunité, ce sont les conditions actuelles grâce auxquelles l'acceptation d'une solution alternative a été facilitée. Avant la crise de COVID-19, il était beaucoup plus difficile d'éduquer et de convaincre les gens de la valeur des événements virtuels. Mais avec la COVID-19, qui a été la plus grande expérience mondiale en termes de changements de comportement, les gens ont été contraints à adopter quelque chose de différent. Jamais auparavant les populations n'ont été forcées de changer leurs méthodes de travail ou de rassemblement.

Quels défis commerciaux avez-vous rencontrés en raison de la COVID-19 ?

Cela a été l'un des moments les plus productifs de toute ma vie. Je ne me suis jamais senti limité dans ce que nous pouvons offrir en équipe même si nous ne pouvons pas être dans la même pièce. En fait, je pense que tout le monde a été beaucoup plus productif grâce à la culture que nous avons en équipe. Je suis un partisan du travail asynchrone, ce qui signifie que tout ne va pas forcément arriver à tout le monde en même temps. J'écris de longs mémoires sur notre vision, ce que nous construisons, pourquoi nous la développons et l'idée que nous avons, puis je passe le relais à l'équipe pour qu'elle prenne l'initiative. Si vous travaillez de manière synchrone, ce qui nécessite un échange instantané de messages, vous ne laissez pas aux autres des périodes d'interruption pour effectuer un travail en profondeur. Au début, nous avons toutefois été confrontés à des défis lors de la création de l'entreprise. En raison des restrictions liées à la COVID-19 dans certains services publics, certaines opérations qui n'auraient dû prendre que quelques semaines ont pris des mois.

Quelles compétences personnelles et professionnelles souhaitez-vous améliorer au profit de votre entreprise ?

Tout le monde a une certaine expérience et une spécialité. Mon expertise est la construction de produits et la technique. Mais lorsqu'on dirige sa propre entreprise, on a tendance à faire tout et n'importe quoi. Pratiquement tout est votre responsabilité. Si vous ne le faites pas de la meilleure façon, c'est votre entreprise qui en souffrira. Gérer ma propre entreprise m'a rendu plus fort dans des domaines que je n'avais jamais connus auparavant, comme la vente. Pour moi, la vente est une communication bidirectionnelle pour comprendre comment vous pouvez apporter de la valeur à autrui. Il n'est pas possible de convaincre quelqu'un de vouloir quelque chose dont il n'a pas besoin. Si vous êtes empathique et que vous arrivez à passer du temps avec les gens pour comprendre leurs points faibles, vous pourrez alors trouver le juste milieu entre les problèmes de vos clients et ce que vous proposez. Aussi, j'ambitionne à construire un public qui ne soit pas un groupe passif de personnes qui se contentent d'écouter ce que je dis et d'applaudir. Je parle d'un groupe de personnes qui s'intéressent à ce que vous avez à dire, ont leurs propres opinions et sont prêtes à discuter avec vous.

Comment gérez-vous le risque et comment faites-vous face à l'incertitude ; encore plus en cette période de crise sanitaire ?

Il y a toujours des risques. La meilleure chose que l'on puisse faire est de se renseigner et de connaître les implications exactes si les choses ne se déroulent pas comme vous l'espériez. La meilleure chose est d'avoir un plan B, un meilleur scénario, un scénario réaliste et un scénario pessimiste; et se fier aux données. Cela dit, évitez la paralysie par l'analyse car, dans certains cas, il faudra prendre des décisions urgentes. Ce qui signifie que vous n'aurez pas tout le temps du monde pour rassembler toutes les informations dont vous avez besoin. Il faudra prioriser les informations critiques dont vous avez besoin pour être au moins en mesure de prendre une décision en toute confiance. La pandémie a montré que des choses que nous tenions pour acquises ont été remises en question de fond en comble. Cela m'a fait réfléchir d'une manière beaucoup moins traditionnelle à ce qui pourrait mal tourner et a élargi la surface de risque, ainsi que mon approche d'un scénario non déterministe.

Quel est votre mantra pour rester résilient en ces temps sans précédent ?

Je me sens généralement mal à l'aise quand je me sens à l'aise. Même s'il peut être douloureux de me mettre dans des situations où je me sens interpellé, ces mêmes situations m'ont aidé à grandir. Donc, dans des moments comme ceux-ci, je garde mes antennes en place pour identifier les problèmes et les gérer et je conteste les choses que je tiens pour acquises.

Que diriez-vous à quelqu'un qui souhaite démarrer une entreprise pendant la crise ? Quelles questions doivent-ils se poser avant de se lancer dans cette aventure ?

J'aime bien poser des questions sur le pourquoi. Si quelqu'un veut démarrer une entreprise, je lui demanderai pourquoi afin de comprendre sa motivation et ses objectifs. Je dirais que si quelqu'un veut démarrer une entreprise uniquement dans le but de démarrer une entreprise, ce n'est pas un signe prometteur. Ils doivent ressentir le besoin de démarrer une entreprise pour un problème spécifique qu'ils essaient de résoudre ou une opportunité qu'ils ont vue. Il faut aussi savoir s'ils sont bien informés ou passionnés. D'habitude, les gens hésitent à faire quoi que ce soit par peur de l'échec ou parce qu'ils sont submergés par la quantité de travail et d'efforts requis pour y arriver. Si vous êtes découragé par la quantité de travail requise, ce n'est peut-être pas fait pour vous, car le travail ne fera que doubler. Si vous avez peur de l'échec, je vous dirais de penser au pire des cas et aux moyens d'atténuer le risque. Décomposez votre projet en morceaux plus petits et digestes, donc si quelque chose ne va pas, vous ne risquez pas de tout perdre. Lorsque vous compartimentez les choses, elles deviennent plus invitantes et moins accablantes. Aussi, je les inviterais à définir le succès. Où voyez-vous votre entreprise dans cinq ans ? Qu'êtes-vous devenu entre-temps ? Que faites-vous actuellement ? Le succès se trouve-t-il dans les Caraïbes pendant que vous sirotez une piña colada ou dans le travail d'équipe que vous admirez tant ? Enfin, je les mets au défi de se demander s'ils sont prêts pour les montagnes russes émotionnelles qu'implique la gestion d'une entreprise.