Vivre en Suède avec un enfant autiste

Vie pratique
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Publié le 2020-09-23 à 08:35 par Francesca
Originaire de Naples, Steffy quitte l'Italie en 2016 pour s'installer en Suède. Femme active et passionnée par l'écriture, elle est l'auteur de plusieurs blogs et pages sur les réseaux sociaux et gère un organisme à but non lucratif destiné aux enfants ayant des besoins spéciaux. Elle nous parle de son quotidien en tant que maman expatriée, seule avec ses enfants, dont un fils autiste.

Pouvez-vous vous présenter brièvement à nos lecteurs ?

Je viens du sud de l'Italie, précisément de Naples. C'est en juillet 2016 que j'ai quitté l'Italie. Nous nous sommes envolés pour la Suède avec beaucoup de valises et, surtout, beaucoup d'espoir. Au début, c'était vraiment difficile. Je suis parti avec mes cinq enfants, quatre filles et un garçon qui n'avait que cinq ans à l'époque. Le père de mes enfants nous a accompagné mais il est rentré en Italie au bout d'une semaine seulement.

Qu'est-ce qui vous a amené en Suède ?

Avant toute chose, mon objectif c'était d'offrir un avenir meilleur à tous mes enfants. J'étais consciente du fait que même s'ils étudiaient en Italie jusqu'au niveau universitaire, car j'avais les moyens d'assurer les frais de scolarité de chacun de mes enfants, il y avait toujours le risque qu'ils se retrouvent sans emploi au terme de leurs études. Ils auraient sans doute été contraints d'aller chercher ailleurs tôt ou tard, alors j'ai préféré qu'on franchisse le cap tous ensemble. Il est vrai qu'on s'y est pris avec beaucoup d'avance mais je sais que ça vaut le coup.

Quelle a été votre première impression à votre arrivée en Suède ?

C'était tout calme et silencieux. Pour la première année, nous avons vécu dans un petit village, dans la région de Skåne. Cela m'a semblé être l'endroit idéal pour mes enfants dans le sens qu'ils pouvaient se déplacer n'importe où librement et en toute sécurité, même la nuit. Nous avions l'esprit tranquille.

Avez-vous eu des difficultés d'adaptation à votre arrivée en Suède ? Comment les avez-vous surmontées ?

Oui, bien sûr ! Elles ont même été nombreuses et variées. D'abord, la barrière de langue. Aujourd'hui, je le parle le suédois, et je dirai que je me débrouille pas mal. Mais au début, ça n'a pas été facile. Sur le plan social, ce n'était pas évident de nouer des liens avec les Suédois et de développer un cercle social. Ils ont tendance à être introvertis. Certes, ils sont très gentils et sympathiques, mais pas très sociables.

Que faites-vous dans la vie ?

Je suis professeur de danse et chorégraphe, mais je n'ai pas vraiment eu l'occasion d'exercer ma profession en Suède. La culture de la danse n'est pas très présente ici. J'ai donc repris mes études. J'ai appris non seulement le suédois mais aussi d'autres matières, afin de mieux me préparer à aborder le marché du travail suédois. J'ai été remplaçante dans des écoles à plusieurs reprises, surtout grâce à mon expertise avec les enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux.

Quelles sont les formalités à remplir lorsque l'on s'expatrie en Suède ?

La première chose à faire c'est de rechercher un logement et d'obtenir contrat de location. Avoir un contrat d'embauche est également essentiel. Les ressortissants de certains pays doivent également fournir un formulaire dûment rempli afin de pouvoir bénéficier de soins de santé à travers l'ASL. Il n'empêche que cette procédure est assez complexe. Une fois que l'on a réuni tous ces documents, il faut se rendre au Skatteverket (agence fiscale suédoise) et demander un numéro personnel ou un numéro fiscal suédois. Sans cela, on n'existe pas en Suède.

Cela fait plusieurs années maintenant que vous vivez en Suède. Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui prévoient de s'y installer ?

Ce que je recommande vivement, c'est de venir ici avec des économies. Les débuts peuvent être assez difficiles. Ensuite, il faut apprendre la langue, même si c'est difficile. Aussi, essayez de décrocher un contrat d'embauche dès votre arrivée ou même avant votre départ.

Quel a été l'impact de la crise de COVID-19 sur votre vie professionnelle et votre vie quotidienne en Suède ?

En Suède, la crise sanitaire n'a pas été traitée comme dans de nombreux autres pays. Il n'y a pas eu de confinement, mais la règle de distanciation sociale a été appliquée dès le début. Pour ma part, j'ai dû interrompre mes cours de danse avec mon groupe d'étudiants et nous nous sommes auto-isolés à la maison. Ma situation familiale est assez particulière car j'ai une personne à risque à la maison.

De votre passion pour l'écriture sont nés plusieurs groupes Facebook. Quels sont les différentes thématiques que vous abordez sur chacun d'entre eux ?

J'ai toujours rêvé de pouvoir partager ma passion littéraire. Pour l'instant, je me délecte de diverses activités artistiques que je partage à travers mes blogs et mes pages Facebook. « 10 minutes avec Steffy » est mon blog personnel sur lequel j'aborde différents thèmes, personnels et moins personnels, à travers lesquels j'espère être assez utile à ceux qui me suivent. « Blueyogadancer » est un blog qui traite de mon activité de yoga. J'ai également un compte Instagram qui porte le même nom. « Empathy for Children » est une page qui décrit les activités de l'organisation à but non lucratif que j'ai fondée en Suède en 2018 pour essayer d'aider les familles avec des enfants ayant des besoins spéciaux. Celui auquel je suis le plus attaché, en revanche, c'est « Je cours avec Dayson / Io corro con Dayson » sur lequel je raconte les vicissitudes de mon enfant spécial en Suède et la force que nous essayons d'avoir à vivre un jour à la fois dans cet immense océan qu'est l'autisme.

Justement, quel est l'objectif de cette ONG que vous avez fondée ?

« Empathy for Children » est une organisation à but non lucratif dont les bénéfices servent à offrir des activités gratuites aux enfants ayant des besoins spéciaux, en particulier aux enfants autistes. Nous organisons différents types d'activités rémunérées pour les enfants neurotypiques, des marchés artisanaux, des marchés alimentaires, entre autres.

Comment la Suède aborde-t-elle la question de l'autisme et quels sont les mesures d'accompagnement proposés aux enfants autistes au niveau scolaire ?

J'avoue que ma première expérience avec le système suédois par rapport à l'autisme ne fut pas la meilleure. J'ai quitté l'Italie consciente du fait que je ne pouvais plus me permettre les thérapies dont mon fils avait besoin. J'espérais donc trouver une solution ici, mais tout était très surprenant et très différent. En Suède, chaque région fonctionne à sa manière et chaque commune propose sa propre approche de la condition en question. Nous avons vécu près de quatre ans à Skåne avant de déménager à Värmland. Ces deux régions n'offrent aucune approche thérapeutique mais je sais pertinemment qu'à Stockholm c'est très différent. Mais ce n'est pas le point crucial car la vraie thérapie c'est la scolarité. Le système scolaire suédois permet des pauses détente dans un environnement sûr, des matériaux propres et adaptés, des espaces extérieurs agréables, ainsi que diverses activités régulièrement. Tout cela constitue une thérapie pour un enfant autiste. Cela n'a pas été facile au niveau scolaire, mais mon fils a eu la chance d'avoir un professeur de soutien, ce qui lui a permis d'atteindre un niveau d'autonomie surprenant. Bien sûr, tout ce qui brille n'est pas or. Il faut aussi prendre en compte le soutien parental qui est fondamental. Mon fils n'est plus en thérapie depuis six ans maintenant, il lit et écrit en deux langues, aime les mathématiques et a une capacité de visualisation numérique supérieure à celui des enfants de son âge. Malheureusement, ses difficultés linguistiques et sociales persistent, mais je suis convaincue que dans sa nouvelle école, avec sa classe de seulement neuf enfants et une enseignante présente et aimante, nous ferons de grands progrès.

Quels conseils donneriez-vous aux autres parents ayant des enfants avec des besoins spéciaux ?

Ne croyez pas que l'expatriation est la seule solution à votre problème. Comme je l'ai fait ressortir, tout ne s'est pas toujours bien passé pour nous en Suède. Je suis fermement convaincue qu'au-delà des endroits, des cultures et des nations, ce sont les gens qui changent le monde. Si vous avec la chance de rencontrer la bonne personne, la roue tourne et le parcours devient plus agréable. Avec l'autisme, on vit un jour à la fois, avec peu de projets mais beaucoup de travail à chaque instant.