Le quotidien de jeunes en VIE/VIA à l'étranger durant la crise

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Publié le 2020-03-26 à 08:10
Faut-il rentrer à la maison ou faire face cette à crise sanitaire inédite dans son pays d'accueil ? Un dilemme cornélien auquel tous les expatriés sont confrontés en ce moment, dû à la propagation massive du Covid-19 partout dans le monde. Ceux établis depuis plusieurs années dans leurs pays hôtes se voient plutôt rester. Ceux qui sont en mobilité de courte durée sont plus naturellement amenés à rentrer. Et puis il y a ceux qui sont dans un entre-deux, ce sont les personnes en VIE, volontariat international en entreprise, qui passent dans leurs pays d'accueil entre 1 et 2 ans à travailler. Beaucoup d'entre eux hésitent entre rester ou partir. C'est le cas d'Olivia, une jeune française en VIE à Madrid, qui partage avec nous son expérience et ses difficultés à prendre une décision.

Peux tu nous parler un peu de toi et de ton entreprise? Quelles sont donc tes missions et quelle est la durée de ton contrat ?

Mon nom est Olivia Lecocq. Je suis une jeune française de 25 ans qui effectue un volontariat international en entreprise au sein de la plateforme de gestion de voyages d'affaires CWT à Madrid en Espagne. CWT est l'un des leaders mondiaux en termes de gestion de déplacements professionnels, travaillant exclusivement en B2B, oeuvrant pour des entreprises ou des gouvernements afin d'organiser au mieux les voyages d'affaire de leurs collaborateurs et collaboratrices. On est amené au quotidien à travailler avec des clients importants et prestigieux qui nous font confiance pour assurer la sécurité de leurs employés, leur confort et leur permettre de travailler dans de bonnes conditions une fois à l'étranger. CWT se charge également de l'organisation de nombreux événements business à travers le monde.

Ma mission à moi est essentiellement tournée vers le recrutement pour ce qui est des zones Europe, Afrique et Moyen-Orient puisque nous travaillons avec plus de 18 000 collaborateurs à travers 145 pays. Je travaille au sein de “deux équipes” si l'on peut dire. L'une étant celle des ressources humaines, composée de presque exclusivement que des espagnols, et l'autre équipe, plus internationale, dont les membres se trouvent basés partout dans le monde.

Cela fait plus d'un an que je fais partie de cette entreprise que j'adore et qui me comble professionnellement. Je viens de signer pour une année supplémentaire et mon contrat de VIE a donc été renouvelé jusqu'à début 2021. Je suis plus que ravie que l'aventure se poursuive. Reste à savoir si le contexte actuel ne va pas trop perturber nos perspectives.

Toi qui connait bien le cas espagnol donc, comment as tu perçu l'arrivée et la propagation massive du virus dans le pays ?

Que l'on soit bien clair, il était impossible et il est toujours impossible de savoir comment la situation pouvait et peut évoluer. Néanmoins, je dirais que l'Espagne s'est réveillée assez tard. Les italiens ont été heurté de plein fouet par l'épidémie, l'Espagne aurait pu anticiper davantage en observant les dégâts causés par le virus chez son voisin. Comme bon nombre de pays, elle n'a pas spécialement anticipé et pris de mesures préventives, en revanche, elle a fait preuve d'une grande réactivité une fois les premiers cas déclarés. Jusqu'à l'annonce du confinement, à Madrid surtout, tous les espagnols étaient dehors dans les bars, assez sereins et décontractés. Maintenant que la quarantaine est de rigueur, les espagnols se montrent très coopératifs et attendent patiemment que la crise se passe. La police est aux aguets et très attentives. Comme à leur habitude, les espagnols se montrent positifs et et optimistes, ce qui jure de manière flagrante avec la tendance française qui se veut beaucoup plus dramatique.

Et ton entreprise dans tout ça? Est ce qu'elle a pris des mesures rapidement? A quel point est-elle impactée par cette pandémie?  

Mon entreprise a su réagir très rapidement, en anticipant même les mesures gouvernementales et je lui en suis extrêmement reconnaissante. De manière générale, je dirais que CWT avait 1 semaine d'avance sur les directives nationales. La hiérarchie est très impliquée et ce, depuis les prémices. L'entreprise fait déjà preuve d'une grande flexibilité en autorisant le télétravail, 2 jours par semaine, à ceux qui en font la demande. Le télétravail a été fortement conseillé à l'ensemble de l'équipe avant même que le gouvernement ne l'évoque. Puis rapidement, il a été imposé à tous ceux qui peuvent travailler à distance. Je me suis sentie très en sécurité et prise en charge parfaitement par CWT. La médecine du travail est venue faire des points réguliers avec nous. Nous avons des updates permanentes de la part de la hiérarchie et du pôle santé et sécurité, des updates positives et réalistes quant à la situation actuelle. Et lorsque la question du rapatriement a vu le jour, mon coordinateur sur place m'a laissé une grande liberté dans ma prise de décision, me disant que je devais opter pour ce qui me semblait être le mieux pour moi. Une liberté qui m'a plongé dans une hésitation profonde dont je n'arrivais pas à me défaire.

Mais tu as dû prendre une décision et choisir entre Madrid ou la France pour effectuer ton télétravail et ton confinement. Qu'as tu donc fini par choisir et quel a été l'élément déclencheur ?

Il a été vraiment difficile de se décider pour moi. Il s'agissait d'une décision exclusivement personnelle, liée à mon confort et mon bien être. A Madrid, je vis seule dans mon appartement. Et en France, je ne peux prendre le risque de rentrer chez mes parents, de peur de potentiellement les contaminer. J'ai longuement hésité, ne sachant pas comment la situation pouvait être gérée d'un point de vue législatif et financier. Dois-je laisser mon logement derrière moi, auquel cas est-il possible d'organiser un déménagement à distance si la situation ne s'arrange pas dans les mois à venir? Ai-je vraiment besoin de retourner en France car peut être que tout cela ne va durer que quelques semaines? Qui prend en charge mon rapatriement si je décide de rentrer? Telles sont les questions que l'on est amené à se poser dans ce genre de situation. Et puis dimanche 22 mars, des rumeurs ont commencé à circuler concernant la potentielle fermeture des frontières entre la France et l'Espagne, et ce, pour une durée indéterminée. Alors instinctivement, je me suis dit, il faut que je rentre. Je suis donc partie très rapidement et je me trouve aujourd'hui à Strasbourg, partageant un appartement avec une amie dentiste qui, elle, a cessé toute activité. Cela fait une semaine que l'on cohabite et je ne regrette absolument pas d'être rentrée. Un confinement en solitaire, je n'aurais pas supporté. Et puis je me dis que j'ai toujours la possibilité de retourner en Espagne lorsque cette crise sanitaire passera. Mon appartement m'attend à Madrid et j'ai hâte de pouvoir y retourner et retrouver un quotidien normal. 

Comment se passe donc le télétravail ? Ton entreprise est elle en perte de vitesse ou l'impact économique ne se fait pas particulièrement sentir pour l'instant ?

Le télétravail se passe bien pour l'instant. Je garde des horaires de bureau classique, commence ma journée vers 9h30 pour la terminer vers 17h30. Forcément, nous sommes nous aussi lourdement impactés par la crise actuelle mais pour l'instant, il n'y a aucune catastrophe budgétaire à déplorer. On travaille tous un peu au ralenti mais les clients sont là et il y a toujours beaucoup à faire. Même à distance l'équipe est très soudée. Nous communiquons très régulièrement via des calls ou sur notre tchat interne. Nous essayons de garder une dynamique positive et efficace. Et pour l'instant, ça fonctionne bien ! C'est le confinement qui s'annonce plus compliqué à vivre sur le long terme… Garder une activité professionnelle est essentielle pour organiser son quotidien et ses journées.

Merci Olivia d'avoir partagé ton expérience qui fait écho probablement à celle de centaines de VIE par delà le monde. Est ce que tu aurais un petit message à leur adresser, ou un message à adresser à tous ceux qui nous lisent et qui sont probablement eux aussi confinés? 

Ce que j'ai envie de dire à tous le monde, c'est bon courage, parce que le contexte actuel est étrange, déstabilisant et très difficile à vivre. Alors courage à tous vraiment, et puis surtout, restez chez vous !