Expatriation et orientation sexuelle : quels défis pour les couples LGBTQI+ ?

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Publié le 2024-03-15 à 10:00 par Asaël Häzaq
Quelles avancées pour les droits des couples de même sexe ? Les lois autorisant le mariage pour tous n'empêchent pas les discriminations de perdurer. Des États promettent plus de droits pour les LGBTQI +, mais rétropédalent ou maintiennent un statu quo précaire. Des avancées sont néanmoins à noter. Décryptage.

Lois pour les couples de même sexe : des avancées à nuancer ?

De nombreux États ont pris et prennent des mesures contre l'homophobie, et pour les droits des couples de même sexe. Plus largement, on note un plus grand nombre d'États ayant légiféré en faveur de la communauté LGBTQI +. L'Argentine, l'Australie, les États-Unis, le Mexique, le Canada, l'Afrique du Sud, Taïwan, et un certain nombre de pays européens reconnaissent les unions homosexuelles.

La reconnaissance de ces unions peut aller jusqu'à la légalisation du mariage homosexuel. Exemple en France, aux Pays-Bas, au Danemark, au Canada ou en Islande. Mais d'autres États, comme l'Italie, la Hongrie ou la Grèce, n'autorisent que des unions civiles, qui offrent moins de droits que le mariage. Dans d'autres pays, la situation est plus critique encore, puisqu'il n'y a aucune reconnaissance. Après avoir montré un signe d'ouverture, le Japon a rétropédalé. Déception pour les associations LGBTQI +, qui doivent se contenter d'un « certificat de partenariat pour les couples homosexuels ». Le certificat, délivré dans certaines mairies comme à Tokyo, est cependant loin d'avoir la portée d'un acte de mariage. Il n'accorde en effet pas tous les droits auxquels pourrait prétendre un couple marié, notamment concernant l'héritage. Ce certificat marque toutefois un premier pas vers une reconnaissance légale pour les couples de même sexe.

Aux États-Unis, le retour en arrière concernant le droit à l'avortement a ravivé les discours conservateurs. Mais les Républicains n'ont pas attendu la révocation du droit fédéral à l'avortement pour prendre des mesures anti-LBGTQI +. Au printemps 2022, on comptait déjà plus de 200 projets contre les droits des personnes LGBTQI +. D'après l'association Freedom for All Americans, à peine 21 États ont adopté des lois contre les discriminations envers les personnes LGBTQI +. Le district de Columbia a également légiféré en la matière. Mais 27 États n'ont toujours aucune loi qui protège les personnes LGBTQI + (données 2022).

Des mariages pour tous, des droits différents

Autre nuance : la reconnaissance du mariage homosexuel ne va pas forcément de pair avec une égalité des droits entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels. L'adoption est l'un des points de crispation. Des États refusent toujours ce droit aux couples mariés homosexuels alors qu'ils l'accordent aux couples hétérosexuels.

Ainsi, si l'Italie a accepté le mariage pour les couples de même sexe, elle leur refuse toujours l'adoption. La loi italienne n'autorise pas non plus la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples homosexuels. C'est même l'un des combats du gouvernement Meloni, au nom de la préservation de la famille traditionnelle. Depuis son accession au pouvoir, l'exécutif d'extrême droite s'est fait connaître pour des sorties homophobes. En août 2023, une loi jugée « anti-gay » est approuvée par la Chambre des députés italienne. La loi vise à criminaliser la gestation pour autrui (GPA). D'autres pays, comme le Népal, reconnaissent que les droits des personnes LGBTQI + sont des droits fondamentaux, mais n'autorisent pas les unions civiles, encore moins le mariage.

Des atteintes aux droits encore nombreuses

Il convient de rappeler que l'homosexualité est toujours considérée comme un crime dans 69 pays sur 193. Avec, là encore, des nuances entre la loi et la pratique. Dans certains États, l'homosexualité est effectivement interdite par la loi, mais en pratique, la loi n'est pas appliquée. L'inverse est aussi vrai : on observe des États qui ne condamnent pas l'homosexualité sur le plan légal. Mais en pratique, les homosexuels subissent de nombreuses discriminations. C'est le cas de la Côte d'Ivoire, où l'homosexualité n'est en principe pas interdite, mais où les homosexuels sont victimes d'agressions homophobes. En France, malgré la loi sur le mariage pour tous et plusieurs plans gouvernementaux de lutte contre l'homophobie, le nombre d'agressions physique contre les homosexuels a fortement augmenté en 2022. Une « hausse inquiétante » (+ 28 % par rapport à 2021) rapportée par l'association SOS Homophobie.

L'homosexualité n'est plus un crime en Inde depuis 2019. Cependant, les unions entre personnes de même sexe ne sont toujours pas autorisées. Au Vietnam, il est possible d'organiser une cérémonie de mariage pour les couples de même sexe. Mais elle n'a aucune valeur légale. Hong Kong ne reconnaît pas non plus le mariage entre personnes de même sexe, mais une récente décision de la Haute Cour de Hong Kong a jugé que le manque de cadre juridique pour les couples de même sexe constituait une atteinte au droit constitutionnel. Les associations LGBTQI + y voient un premier pas vers une reconnaissance légale du mariage homosexuel.

Des relations pas toujours socialement acceptées

La situation peut se compliquer pour les candidats à l'expatriation. Que faire en cas d'expatriation dans un pays réputé comme « peu sûr » pour les personnes homosexuelles ? Comment défendre ses droits dans un pays où la loi n'est pas toujours appliquée ? Faut-il clamer haut et fort sa position, dans l'entreprise, par exemple ? Les associations LGBTQI + rappellent tout d'abord que personne ne doit être contraint de divulguer son orientation sexuelle. C'est un fait personnel qui n'a pas à être abordé en entretien d'embauche ou dans l'entreprise. De nombreux pays disposent de lois en la matière qui condamnent tout comportement discriminatoire de la part de l'employeur. Mais on l'a vu, la loi n'est pas toujours appliquée, et il n'est pas toujours simple de faire valoir ses droits. La prudence recommande de ne pas vivre caché, mais de ne pas non plus se surexposer.

Un autre problème potentiel concerne les personnes en transition. Comment faire si les renseignements inscrits sur les documents d'identité ne correspondent plus à l'expatrié ? C'est justement le combat des organisations LGBTQI +, qui militent pour davantage de protection des personnes LGBTQI + expatriées. Protection qui devrait commencer dès la réalisation du projet (démarches administratives) jusqu'à l'activité professionnelle dans le pays étranger.

Car les choses évoluent, certes lentement, et différemment selon les pays. On peut observer toutefois un décalage entre la position d'un gouvernement et celle des habitants. C'est le cas au Japon, où la population se dit majoritairement favorable à une égalité de droits pour les couples hétérosexuels et homosexuels. Reste à rendre cette évolution visible au sommet de l'État et dans la législation.