Expatriation et contrat de travail : comment éviter les abus ?

Vie pratique
  • infirmière subissant un burnout
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Publié le 2023-06-27 à 10:00 par Asaël Häzaq
La pandémie a révélé des systèmes de santé en crise dans nombre de pays. Des crises allant en s'aggravant aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada ou en France. Pour répondre à des besoins de plus en plus urgents, hôpitaux, maisons de retraite et autres centres de soin ont recruté et continuent de recruter des professionnels étrangers. Mais pour ces expatriés, les conditions de travail peuvent être très différentes de celles de leurs homologues locaux. Que faut-il prendre en compte lorsque le contrat de travail comporte des clauses restrictives ? Que disent les législations et vers qui se tourner lorsqu'on se retrouve dans ce genre de situation ?

L'exemple des États-Unis

Crise des infirmiers et des infirmières. Indispensables au bon fonctionnement des établissements de soins, ces professionnels de santé manquent, et la situation va en s'aggravant. D'après le National Council of State Boards of Nursing, 100 000 infirmiers et des infirmières ont quitté leur emploi depuis 2020. Plus de 600 000 envisagent de le faire. Ils invoquent une pression hors norme, et un stress accru. Ceux qui restent sont proches de la retraite. Certains États sont particulièrement frappés, comme le Nouveau-Mexique, État le plus touché avec la Californie. Selon le syndicat national des infirmiers et les statistiques, la Californie manquera de 45 000 infirmiers en 2030. Les manques seront de 16 000 au Texas, 11 000 dans le New Jersey, près de 11 000 en Caroline du Sud, et 5400 en Alaska. En tout, les États-Unis auront besoin de 1,2 million d'infirmiers et d'infirmières d'ici à 2030.

Pour faire face à la situation, des hôpitaux et maisons de retraite se tournent vers les professionnels étrangers, notamment les Philippins. Problème : les contrats de travail pluriannuels proposés de certaines agences de recrutement contiennent des clauses très contraignantes. Une enquête du journal NBC News parue le 4 juin révèle l'affaire. Des agences exigeraient jusqu'à 100 000 dollars de pénalité pour les infirmiers étrangers démissionnaires. Les affaires se multiplient dans les États, les agences profitant d'une zone grise de la législation.

Des clauses de contrat abusives ?

Les expatriés se disent victimes d'un système inégal. Les employeurs (CommuniCare, géant aux 18 000 employés étrangers, WorldWide HealthStaff Solutions, ou encore Overseas Manpower Solutions) leur auraient promis de bons postes avec un salaire équivalent à ceux des locaux, conformément à la loi. En réalité, les infirmiers étrangers seraient payés moins que leurs homologues américains, pour une charge de travail intenable et des conditions de travail insoutenables. Des situations qui poussent des travailleurs étrangers à démissionner. Les agences demanderaient alors le paiement de pénalités pour rupture de contrat. Car elles fournissent à ces salariés un visa EB-3 5 (la fameuse Green card). Sur le papier, ces infirmiers ne sont donc pas liés à leur employeur, et peuvent en changer sans aucune incidence sur leur statut.

En pratique, la situation serait tout autre. Menaces de poursuites, intimidations… Des expatriés se disent « piégés » par leurs employeurs et forcés de travailler dans des conditions indignes. De leur côté, les agences qui se défendent d'être hors la loi. Pour elles, les travailleurs étrangers doivent juste respecter les clauses du contrat de travail, et payer si elles souhaitent démissionner. Mais ces pénalités sont bien supérieures aux frais engagés par les agences pour obtenir les cartes vertes des travailleurs. Face à ce qu'ils considèrent comme une injustice et de la maltraitance, des professionnels étrangers attaquent les employeurs en justice. Certains ont obtenu gain de cause. Mais pour beaucoup d'autres, le combat continue. En 2019, l'exploitant d'une maison de retraite de New York a été condamné à 25 000 dollars d'amende pour violation des lois sur la traite des êtres humains. Les pratiques n'ont cependant pas cessé, et iraient même en s'aggravant à mesure que les pénuries d'infirmiers s'intensifient. Pour les défenseurs du travail et des soins infirmiers, l'État fédéral doit intervenir.

Expatriation et clauses dans le contrat de travail

Que faut-il prendre un compte lorsqu'un contrat de travail mentionne des pénalités en cas de démission ? Tout d'abord, il faut se rappeler qu'il n'est pas obligatoire de signer le contrat tout de suite. Certains employeurs jouent du rapport de force pour inciter les expatriés à signer un contrat qu'ils viennent à peine de lire. De plus, avant même de postuler ou de passer par une agence de recrutement, mieux vaut se renseigner sur le droit du pays étranger. Que permettent les visas ? Sont-ils liés ou non à l'employeur ? Quelle protection pour les salariés étrangers ? En effet, certains visas permettent de démissionner sans aucune incidence sur l'immigration (la Green card, par exemple). D'autres sont plus restrictifs.

Cependant, même des visas plus restrictifs se doivent de respecter les droits de l'homme. Il existe des clauses de contrat abusives. D'autres sont illégales. La clause abusive favorise l'employeur au détriment de l'employé. La clause illégale est interdite par le Code du travail du pays étranger. Elle peut aussi violer le droit international du travail. Les clauses discriminatoires, qui vont à l'encontre des libertés individuelles, du droit du travail du pays d'expatriation, ou encore, qui appliquent un salaire inférieur au minimum légal ou des pénalités sur le salaire, font partie des clauses abusives ou illégales.

Vers qui se tourner ?

Prudence donc si de telles clauses apparaissent dans les contrats. La difficulté est de savoir les détecter, surtout lorsque le contrat est écrit dans une langue autre que la langue maternelle du candidat à l'expatriation. Et quand bien même il maîtriserait la langue de son futur pays d'accueil, le jargon juridique peut être compliqué à comprendre. Des employeurs profiteraient de la méconnaissance des travailleurs étrangers pour insérer dans les contrats des clauses contraignantes, tout en développant un autre discours aux étrangers (bon poste, bon salaire, bonnes conditions de travail).

En cas de doute sur un contrat de travail, mieux vaut le faire lire à un professionnel avant signature. Si le contrat est déjà signé et que l'on constate un problème, des associations d'aides peuvent apporter un soutien juridictionnel et moral.

Liens utiles :

France : groupe d'information et de soutien des immigrés

Union européenne : protection des travailleurs migrants contre l'exploitation

États Unis : organismes de protection des travailleurs migrants

Canada : Migrants Workers Alliance