Quel est l'impact de l'expatriation sur les prix immobiliers dans le monde ?

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Publié le 2023-04-19 à 10:00 par Asaël Häzaq
La pandémie a dopé le marché immobilier mondial. Les acheteurs délaissent les grandes villes pour les petites et moyennes communes. Les villes de campagnes gagnent en popularité. Le monde court après la maison tranquille avec jardin. Avec la réouverture des frontières et les nouvelles possibilités permises par les visas, de nouveaux profils d'expatriés voient le jour. Ils télétravaillent à l'étranger, investissent dans la pierre. Mais à quel prix ?

Quand l'expatriation fait flamber les prix de l'immobilier

L'immobilier souffle le chaud et le froid sur la croissance mondiale. En 2021, on assiste à une hausse des transactions et une envolée des prix. Une envolée qui s'explique par un rattrapage de 2020 (de nombreuses transactions n'ont pu se faire, confinements obligent), mais pas seulement. Le boom du télétravail, lui aussi découlant de période pandémique, fait naître de nouveaux profils d'expatriés. Les entreprises suivent le mouvement, surtout les grands groupes, et organisent le télétravail à l'étranger. Les États ajoutent leur pierre en créant le visa nomade numérique.

L'Europe et l'Amérique du Nord sont les grandes régions du monde qui attirent un grand nombre d'expatriés. Ils recherchent une meilleure qualité de vie, un meilleur environnement, des perspectives de carrière qui ne font pas l'impasse sur la vie personnelle. Ils cherchent également à investir. L'immobilier reste l'un des placements favoris des expatriés.

Très chers prix

Aux États-Unis, les prix des logements ont augmenté en moyenne de 18,1 % en 2021. Mais des disparités existent selon les États. En Californie, l'un des États préférés des expatriés, les prix ont augmenté d'environ 15,4 %. À New York, les prix ont grimpé de près de 20 %. La Floride reste également plébiscitée par les expatriés, malgré des prix en forte augmentation. À Miami et Tampa, les prix de l'immobilier ont flambé à +27,3 % et +29,4 % en 2022.

Mais c'est au Portugal que l'influence des expatriés sur le marché immobilier se fait le plus sentir. Le pays avait pourtant fait de l'investissement étranger l'une des solutions pour sortir de son marasme économique. Une solution payante, mais coûteuse, surtout pour les Portugais contraints de quitter des villes devenues trop chères pour eux. En 2022, les prix du logement battent même un record : +19 %, soit, la plus forte hausse depuis 1991 (où les prix avaient grimpé de 18,8%). En mars 2020 et janvier 2022, les prix avaient déjà grimpé de près de 27,5 %. Des chiffres « accablants », des taux d'intérêt qui grimpent, et des locaux qui ne reconnaissent plus leurs villes.

L'exemple de Lisbonne marque les esprits. Selon les médias locaux, les investissements étrangers métamorphosent la ville. Certains quartiers concentrent une grande proportion d'expatriés. Parmi eux, des millionnaires pour qui l'immobilier de Lisbonne est presque un placement « artistique ». À Lisbonne, les investisseurs étrangers, notamment français, pesaient près de 40 % du marché immobilier en 2022, pour des placements estimés à 920 millions d'euros. Un record.

Dubaï : nouvelle cité des super riches expatriés ?

À Dubaï, près de 90 % de la population vient de l'étranger. La ville cosmopolite continue d'attirer des talents étrangers en quête d'opportunités professionnelles. Mais l'ascension tourne parfois court. Dubaï devient trop chère pour ses expatriés.

De nombreux expatriés ne peuvent plus se loger à Dubaï. Chassés par des étrangers encore plus riches qu'eux, ils sont contraints de chercher des logements plus petits ou plus éloignés (comme à Sharjah, à environ 30 minutes de Dubaï). D'autres font carrément une croix sur Dubaï et se tournent vers son concurrent direct, Riyad (capitale de l'Arabie saoudite). À Dubaï, les prix de l'immobilier ont augmenté en moyenne de 27 % entre 2022 et 2023. Mais dans certains quartiers, on parle de 50 à 60 % de hausse des prix. Les agences immobilières confirment. Depuis 2021, les prix de l'immobilier ont doublé. Dans les quartiers les plus huppés, une résidence familiale qui pouvait déjà coûter 1 million de dollars en 2021 coûte désormais 2 millions de dollars, voire plus. Mais même à ce prix, elle trouve preneur.

Aux Émirats arabes unis (EAU), le prix moyen d'une maison familiale a bondi de 26 % en un an. C'est +28 % pour un appartement. Une maison familiale coûte en moyenne 107 000 dollars aux EAU. Mais quand on se concentre sur le célèbre archipel artificiel Palm Jumeirah, à Dubaï, on constate que les prix s'envolent à 277 000 dollars en moyenne.

Principale cause : la hausse des investissements étrangers, notamment russes. Pour fuir les sanctions occidentales, de nombreux riches investisseurs russes se sont reportés sur Dubai. Le secteur du luxe immobilier a ainsi enregistré une hausse de 100 % des achats russes (et anciens pays soviétiques) en 2022. On note aussi une hausse significative des investissements de riches allemands, suisses, britanniques et italiens.

Crise du logement et expatriation : le casse-tête des gouvernements

Certains étrangers des Émirats arabes unis (EAU) se retrouvent dans la situation des locaux. Impossible pour eux de supporter la pression immobilière. D'autant plus que la pression se répercute dans les autres sphères de la vie. Comment supporter un loyer passant brutalement de 3000 à 6000 dollars par mois ? Comment supporter l'inflation et des coûts de l'énergie, des transports, des services, de l'alimentation ? On vante souvent les avantages fiscaux des EAU. On oublie les multiples taxes cachées et obligations venant tout droit du gouvernement. Pour les expatriés déçus de Dubaï, Londres, pourtant qualifiée de ville chère, est bien plus abordable que la cité cosmopolite des EAU.

Au Portugal, le gouvernement promet des mesures pour résoudre la crise du logement. Mais comment conserver les investissements étrangers tout en préservant la qualité de vie pour tous les habitants ? Au Mexique, c'est un véritable casse-tête. Poussés par l'inflation, de plus en plus d'Américains immigrent au Mexique. Les prix y sont moins chers ; leur pouvoir d'achat grimpe mécaniquement. Selon l'Institut national de statistique et de géographie du Mexique, le nombre d'immigrés américains est passé de 797 266 en 2020 à 1,6 million fin 2021. Si ce mouvement était observé depuis des années, il connaît un nouveau regain depuis la pandémie. Un regain qui n'est pas sans conséquence sur les prix de l'immobilier. Entre 2020 et 2021, on observe une hausse de plus de 17 % des prix des logements. Un bien évalué à 360 000 dollars en 2020 coûte 428 000 dollars en 2021. Or, de nombreux Mexicains ne gagnent que 400 dollars par mois.

Vers plus de justice sociale ?

Les victimes de la crise du logement réclament plus de justice sociale. Le ruissellement promis par les gouvernements tarde à se faire sentir (les investissements étrangers sont censés favoriser les autres secteurs de la société). Les expatriés lésés de Dubaï regrettent un manque d'encadrement des prix du loyer. Dans cette loi du plus riche, difficile de faire entendre sa voix.

Au niveau mondial, on s'attend à une baisse des prix de l'immobilier. La chute s'observe déjà en Australie, en Allemagne, au Canada ou en Nouvelle-Zélande. La Chine est empêtrée dans sa crise immobilière. La Suède fait trembler l'Europe, avec des prix de l'immobilier qui dégringolent de près de 20 %. Reste à voir si ces baisses impacteront les places fortes de l'expatriation et les investissements étrangers.