Allemagne : un congé payé d'un an proposé aux salariés pour étudier

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Publié le 2023-02-20 à 14:00 par Asaël Häzaq
Retourner étudier pour lutter contre la pénurie de main-d'œuvre ? C'est le choix de l'Allemagne. Apprentissage, stage, formation, le pays veut redynamiser la formation tout au long de la carrière professionnelle, pour une meilleure adéquation entre l'offre et la demande de travail. Quels sont les contours de cette nouvelle mesure ? Les expatriés sont-ils concernés par ces annonces ?

Un congé payé d'an pour étudier 

Des congés payés pour étudier ? C'est la nouvelle solution de l'Allemagne pour faire face à la pénurie de main-d'œuvre et au vieillissement de la population. Les travailleurs allemands avaient déjà la possibilité d'utiliser leurs congés pour étudier, à raison de 5 à 10 jours par an. Mais seuls 2 % d'entre eux le faisaient. Le gouvernement allemand revoit sa copie et propose une loi sur la formation continue plus ambitieuse. C'est dans le cadre de cette loi qu'est mis en place le nouveau congé éducatif.

Pour Hubertus Heil, le ministre du Travail porteur du projet (Parti social-démocrate), il faut favoriser l'apprentissage durant la carrière professionnelle. Pour rendre le dispositif plus attractif, le ministre propose un congé éducatif étendu à un an. Heil se calque ici sur le modèle autrichien, qui permet aux employés de suivre des études d'un an ou deux (s'ils étudient à temps partiel) pour compléter leur formation. « Nous suivrons le modèle autrichien pour rendre possible ce temps de formation en Allemagne », a indiqué le ministre Heil à la Deutsche Presse-Agentur, l'une des principales agences indépendantes du monde.

Durant cette période d'études, les travailleurs en formation recevront 60 % de leur salaire, 67 % s'ils ont un enfant. Le gouvernement allemand table sur une réforme dont le coût avoisinerait les 770 millions d'euros entre 2023 et 2026, supportés en grande partie par l'Agence fédérale pour l'emploi. Le budget fédéral devrait ajouter 190 millions d'euros. Le gouvernement compte aussi sur des taxes engendrées par les nouveaux emplois créés. La loi devrait être adoptée par le cabinet fédéral dans les prochaines semaines.

Quelles implications pour les expatriés en Allemagne ?

À l'heure actuelle, rien dans les annonces de Heil ne vise spécifiquement les expatriés. Aucun commentaire n'a été fait sur les détenteurs de visa ni sur les éventuels impacts concernant le séjour des étrangers. Mais tout porte à croire qu'ils sont eux aussi concernés par le congé-formation. En effet, la loi vise les travailleurs en Allemagne.

La principale question pour les expatriés serait celle de la durée du visa. Les visas de travail longs semblent plus en adéquation avec l'esprit de la réforme. Les étrangers remplissant tous les critères d'éligibilités seraient susceptibles d'accéder au nouveau dispositif de congé payé d'un an pour étudier. Les prochaines semaines apporteront certainement des éclairages concernant la situation des expatriés.

On rappelle que les ressortissants des pays européens sont les seuls à pouvoir venir en Allemagne sans visa, en vertu de la Loi du 1er janvier 2005 relative à la libre circulation des citoyens de l'Union européenne (UE). Les ressortissants d'un pays de l'UE, de l'Espace économique européen (EEE) et de la Suisse peuvent venir travailler en Allemagne sans visa. Les ressortissants des autres pays doivent fournir un visa pour tout séjour supérieur à 3 mois.

Favoriser l'immigration pour retrouver la croissance

En 2021, environ 10,9 millions d'étrangers vivent en Allemagne. L'État se félicite d'être l'une des destinations les plus appréciées des immigrants, et veut attirer davantage de main-d'œuvre qualifiée. Car l'Allemagne fait face à une pénurie de main-d'œuvre grandissante, et au vieillissement de sa population. Achim Dercks, le président de la chambre de commerce et d'industrie (DIHK), a fait ses comptes, et les chiffres ne sont pas bons. « 2 millions de postes sont vacants (…), aboutissant à une perte de 100 milliards d'euros de création de valeur ». Un record dont l'Allemagne voudrait bien se passer, d'autant plus que ces pénuries touchent des secteurs clés : santé, construction, industrie, hôtellerie-restauration…

La main-d'œuvre qualifiée fait particulièrement défaut. La DIHK salue la proposition du gouvernement. Pour lui, il faut renforcer la formation des travailleurs. Chaque année, 45 000 personnes quittent le système scolaire allemand sans diplôme. 2,5 millions de jeunes de 20 à 34 ans n'ont aucune qualification professionnelle. Pour retrouver la croissance, la DIHK préconise également de faciliter l'immigration, de favoriser le travail et la protection des seniors, et d'offrir aux travailleurs un meilleur équilibre vie privée/vie professionnelle.

Carrière et formation des expatriés : que proposent les autres États ?

En France aussi, les étrangers peuvent bénéficier d'une formation. Les critères d'éligibilité dépendent du visa détenu. Les demandeurs d'emploi peuvent aussi relever du dispositif, selon la qualification de leur visa. La France réserve néanmoins des droits spécifiques pour les étrangers qui souhaitent vivre durablement sur le territoire. Ces derniers peuvent bénéficier de formations émanant de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Le Canada opte pour des dispositions similaires, en mettant en avant les secteurs sous tension. Ainsi, le programme Québec métier d'avenir accompagne les étudiants étrangers dans leur recherche de formation professionnelle. Ces formations sont diplômantes, ouvertes aux mineurs à partir de la 3e année secondaire (14 ans), et aux adultes. Selon le visa détenu par le demandeur, d'autres États proposent des programmes accessibles aux étrangers, comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, ou encore, la Belgique.

Liens utiles :

Ministère fédéral des Affaires étrangères : travailler et vivre en Allemagne

Office français de l'immigration et de l'intégration

Québec métiers d'avenir