Administration Biden à la veille des mid-terms : quel bilan ?

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Publié le 2022-11-04 à 10:00 par Asaël Häzaq
À quelques jours des mid-terms, le clan démocrate retient son souffle. Le gouvernement Biden conservera-t-il la majorité ? Loi sur les infrastructures, dette étudiante, inflation, droit à l'avortement… Retour sur le bilan de l'administration Biden. Quel regard les expatriés portent-ils sur la politique du gouvernement ?      

Mid-terms : le défi des démocrates

Le 8 novembre, les électeurs américains voteront pour élire les 435 députés de la Chambre des représentants (leur mandat dure 2 ans) et le tiers des sénateurs (le mandat d'un sénateur dure 6 ans). Pour le parti au pouvoir, les mid-terms – élections de mi-mandat – sont un passage redouté. Pour le gouvernement en place, les mid-terms ont des airs de référendum. Et traditionnellement, l'exécutif ne part pas favori. L'administration Biden n'échappe pas au constat, malmenée par la crise sanitaire, l'inflation, le droit à l'avortement, la hausse du prix du carburant, sans compter les crises internationales. Perdre les mid-terms serait un lourd revers pour le clan Biden.

Près de 8 millions d'électeurs ont déjà voté de manière anticipée. Comme pour les présidentielles, la bataille se jouera autour de quelques États clés : la Pennsylvanie, la Géorgie, l'Arizona, l'Ohio, le Wisconsin, la Caroline du Nord et le Nevada font partie de ces États fortement disputés par les deux camps. Bien que visé par plusieurs enquêtes judiciaires, Trump s'est lancé dans la bataille, bien décidé à prendre sa revanche sur Biden.

La majorité du gouvernement est courte. À la Chambre des représentants, ils ont tout juste 8 sièges de plus que les républicains. Au Sénat, démocrates et républicains ont le même nombre de sièges. Les démocrates ne l'emportent que grâce à Kamala Harris, présidente du Sénat. Mais « les Américains ont le choix », martèle le président. Rassembler ses troupes et défendre son bilan, plutôt que de croire les sondages. Le climat est tendu. Mardi 1er novembre, David DePape, agresseur présumé de Paul Pelosi (violemment attaqué le 28 octobre dernier), mari de Nancy Pelosi, cheffe des démocrates à la Chambre des représentants, plaide « non-coupable ». Aux enquêteurs, le suspect dit viser « plusieurs personnalités politiques éminentes ». D'autres démocrates s'inquiètent du climat de violence délétère. Les menaces et intimidations sont en hausse – certaines visent également des républicains. D'aucuns redoutent une « violence électorale normalisée ». L'attaque du Capitole fait désormais craindre le pire. Dans ce pays de plus en plus polarisé, la nervosité est palpable, mais aussi la lassitude. Les commentateurs s'attendent à une participation élevée.

Quel bilan pour l'administration Biden ?

Maigre bilan pour l'administration Biden ? À en croire certains commentateurs, le gouvernement n'aurait réussi qu'à faire adopter, a minima, sa loi sur la réduction de l'inflation (Inflation Reduction Act – IRA). La loi, promulguée le 16 août, marque pourtant un tournant majeur. Désormais, le régime fiscal des entreprises sera modifié pour les faire participer à la lutte contre le changement climatique. La fiscalité des grandes entreprises sera également revue à la hausse. Il s'agit de « faire payer leur juste part » aux plus riches, comme l'a souvent répété le président Biden.

Ce « plan vert » de 369 milliards de dollars sur 10 ans, est le plus gros investissement jamais réalisé pour protéger le climat. Éolien, solaire, hydrogène vert, transports durables, voitures électriques, agriculture, relocalisation de l'industrie, construction… L'IRA est une loi de grande envergure. Mais ses détracteurs soulignent sa lenteur : ses effets ne se feraient pas sentir avant 10 ans. De plus, le « tout électrique » ne règle pas la question du coût écologique des constructions, notamment des batteries, composées de matières premières tirées de l'extraction minière (cobalt, lithium, cuivre…) et d'eau, sans compter la pollution due à leur transport. Problème : ces minerais se trouvent principalement dans des zones « géopolitiquement sensibles ». Comme la République démocratique du Congo, qui produit 70 % du cobalt, mais où les enfants sont exploités pour travailler dans les mines. La Chine produit près de 75% des batteries au lithium du monde et se positionne, de loin, comme le grand leader. Un métal qu'elle importe de ses mines situées à l'étranger, principalement en Argentine, au Chili et en Australie. Pékin a senti l'engouement pour la voiture électrique, et compte bien devenir le premier fournisseur du monde.

Aux États-Unis, on a plutôt les yeux rivés sur ses comptes. L'inflation ne faiblit pas. C'est la principale préoccupation des habitants. Avec +8,2 % en septembre (en rythme annuel), le quotidien reste compliqué. En un an, les prix de l'énergie ont bondi de 20 %, ceux de l'alimentaire, de 11,2 %. Le risque d'une récession en 2023 augmente. En septembre, Jerome Powell, président de la Réserve fédérale (Fed) avait averti qu'il n'y avait pas de « moyen indolore » de combattre l'inflation. Reste à savoir si le discours passera auprès des électeurs. La Fed est de plus en plus critiquée, elle qui, durant des mois, maintenait que la forte inflation ne serait que temporaire. Le gouvernement Biden peut toujours compter sur ses succès : +2,6 % de croissance entre juillet et septembre (en rythme annuel) et un marché de l'emploi dynamique.

Plus tôt, en novembre 2021, Biden signait une loi majeure : le grand plan d'infrastructures de 1200 milliards de dollars. Une victoire historique pour un président alors impopulaire. C'est cet exploit qu'espèrent rééditer les démocrates, lors des mid-terms.

Politique Biden : ce qu'en pensent les expatriés

Entretien avec Parenga, Français expatrié aux États-Unis depuis 2017. Il a connu l'administration Trump, connaît maintenant l'administration Biden, « deux administrations bien différentes sur le papier » . Pour lui, le bilan est loin d'être bon. « Pour être honnête, je trouve que les deux administrations sont catastrophiques. J'espère que les États-Unis n'auront plus jamais le président Trump au pouvoir et j'espère que le président Biden ne fera pas un autre mandat. Je pense qu'on a peut-être enchaîné les pires présidents de l'histoire des USA. En ce qui me concerne, je trouve que le bilan du président Biden et de son administration est très mauvais. »

Revenant sur l'inflation, Paranga estime que « les choix pris par l'administration Biden ne rassurent pas du tout. » Même inquiétude concernant la politique énergétique. Pour Paranga, le gouvernement a décidé trop tôt de la sortie des énergies fossiles au bénéfice des « énergies dites propres ». L'expatrié y voit un risque de « fragiliser un pan de l'industrie US, ce qui a un impact direct sur des millions de gens et sur l'inflation », tout en reconnaissant l'impact de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine sur l'économie du pays. Il estime qu'une solution plus sage aurait été une « mixité des énergies : améliorer les énergies fossiles pour que la pollution soit moindre, et continuer a développé de nouvelles énergies qui soient plus propres et efficaces ». L'expatrié prend un exemple qu'il juge révélateur : les voitures électriques. C'est la « solution miracle » sur laquelle misent de nombreux gouvernements, dont les États-Unis et de nombreux pays de l'Union européenne.

Mais d'autres voix pointent les limites de la voiture électrique. « Quid de la pollution énorme que crée sa fabrication, notamment la fabrication des batteries, qui est un vrai problème pour l'environnement ? » interroge Paranga. Pour lui, «  la voiture électrique pollue moins quand on roule, mais pollue plus quand on la fabrique. Ce n'est donc en rien une solution miracle. » Il pointe également le risque de dépendance des États-Unis vis-à-vis de la Chine, premier rival économique, qui domine le marché mondial du lithium.

Paranga considère que le bilan social est tout aussi inquiétant. « Je ne vois pas d'amélioration pour les minorités et les classes sociales les plus pauvres… Au contraire, je vois les cols blancs qui vivent toujours mieux et les cols bleus qui tombent chaque jour un peu plus dans la précarité… ». Même constat sur la sécurité. « Que dire de la violence dans les quartiers défavorisés qui ne faiblit pas alors que Biden et ses collègues nous ont expliqué que c'était leur priorité ? Nous expliquer que la police est raciste et fait mal son travail, ça a donné quoi ? Des quartiers à l'abandon sans foi ni loi et des enfants innocents qui chaque jour tombent sous les balles rien que dans la ville de Chicago… C'est juste révoltant et d'une tristesse infinie... J'ai envie de dire tout ça pour ça ? L'alternative a ça ? Les républicains et Trump [...] comment ne pas être désespéré ? »

Paranga renvoie dos à dos démocrates et républicains. « Il y a une crise des partis politiques aux USA. La politique est devenue un vecteur de propagande qui défend des idéologies qui ne servent pas beaucoup l'intérêt général (des deux côtés). Je ne sais pas ce qui va entraîner en premier la chute des USA. Les catastrophes environnementales ou ses politiciens corrompus et incompétents… » Si l'expatrié ne semble guère optimiste pour l'avenir, il espère un sursaut des politiques : « il est temps que la classe politique américaine se réveille et nous offre des idées novatrices et que tous les élus, notamment à Washington, se battent pour le peuple. »