Partir au Québec en 2022 : les pour et les contre

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Publié le 2022-01-18 à 07:00 par Asaël Häzaq
D'un côté, une politique d'immigration volontaire et dynamique. De l'autre, des restrictions en cascade, surtout depuis Omicron, dernier variant à bouleverser la planète. Entre deux, les projets des candidats à l'expatriation : partir au Québec en 2022, bonne ou mauvaise idée ? Les nouvelles contraintes, notamment la possible taxe pour les non-vaccinés, vont-elles freiner les projets d'expatriation ?

Les atouts du Québec : croissance et recrutements fleuves…

On les appelle les « Journées Québec ». À l'initiative, le gouvernement québécois, qui fait se rencontrer candidats et recruteurs – à distance cette année, Covid oblige. Pour les candidats à l'expatriation, c'est l'évènement à ne pas manquer. Côté entreprises, le gouvernement offre un accompagnement de A à Z, jusqu'aux procédures concernant l'immigration. Côté candidats, les journées se divisent en thématiques : textile (du 21 au 25 février), jeux vidéo, santé, technologies de l'information, transports… (du 14 au 22 février), santé, éducation (du 28 mars au 8 avril), manufacturier et industriel, génie, santé… (du 11 au 14 avril). Inscription obligatoire et présélection des candidats, avant d'être mis en relation avec les entreprises. 

Immigrer au Québec reste un objectif à atteindre pour nombre de candidats au voyage. Dynamique, jouissant d'un cadre de vie privilégié, le Québec se distingue par sa politique d'immigration présentée comme plus ouverte, et un marché économique sous tension. Plus de 120 000 postes seraient à pourvoir. Le plan immigration 2022 du Québec prévoit de faire venir plus de 50 000 étrangers. L'opposition dénonce ce plan qu'il juge sélectif et « inhumain ». Le gouvernement de centre-droit de François Légault y voit, au contraire, un moyen transparent de recourir à l'immigration économique. Il met à disposition des candidats une plateforme gratuite, « Arrima ». Déployée l'an dernier, elle est conçue pour mieux « arrimer » offre et demande de travail. En clair : faire en sorte que les immigrants correspondent bien aux attentes des entreprises. 

Autre mesure favorable aux candidats à l'expatriation : l'assouplissement du Programme des travailleurs étrangers temporaires ( PTET). Prévu pour ne concerner qu'une liste restreinte de professions, le PTET sera finalement étendu à 70 emplois supplémentaires, parmi lesquels les designers d'intérieurs, les archivistes, les cuisiniers, les agents d'administration. Pour les candidats à l'expatriation, tous les feux semblent donc verts. Le Québec manque de bras et le fait savoir. Ses organisations patronales et publiques en appellent à un renforcement des mesures pour accompagner les entreprises ayant recours à l'immigration, et lutter contre la pénurie de main-d'œuvre. Mais la pandémie fait se dresser des murs qui pourraient bien repousser les projets d'expatriation.

…mais dans un contexte perturbé par la crise sanitaire

Pas de répit dans la lutte contre la Covid-19. Le 30 décembre dernier, François Legault, Premier ministre du Québec, annonce le retour du couvre-feu, entre 22h et 5h du matin. Les cas explosent depuis Omicron (d'environ 1000 au 10 décembre, à plus de 16 000 au 31 décembre). Les habitants sont plus susceptibles de se déplacer, fêtes de fin d'année obligent. Québec sert donc la vis : couvre-feu, mais aussi fermeture des commerces non essentiels et lieux de loisirs. Le message est clair. Il faut limiter au maximum les déplacements, et reporter les voyages. Avec la diminution du nombre de cas amorcée depuis début janvier, Québec assouplit ses mesures. Le couvre-feu prend fin le 17 janvier, jour de réouverture des écoles primaires et secondaires ; la rentrée avait été repoussée, recrudescence de la Covid oblige. Le 24 janvier, le passeport vaccinal, en vigueur depuis le 1er septembre, s'élargit aux commerces et centres commerciaux. Il devient obligatoire pour les commerces « dont la superficie est supérieure à 1500m² ». Exception faite pour les établissements « dont l'activité principale est la vente de produits d'épicerie ou de pharmacie ». En revanche, pas de réouverture datée pour les lieux de restauration, de culture, de loisirs et de culte (sauf cérémonies funéraires limitées à 25 participants ayant le passeport vaccinal). Le mot d'ordre reste bien la restriction. L'assouplissement s'apprécie à la marge. Le gouvernement rappelle la nécessité de limiter ses contacts et ses déplacements ; le télétravail reste d'ailleurs obligatoire pour toute activité ne nécessitant pas une présence sur place. Certains candidats à l'expatriation entendent ces mesures comme un avertissement : « ne venez pas au Québec. Du moins, pas maintenant. » 

Interrogée par Radio Canada le 5 décembre dernier, Tracy Isaac, éthicienne et professeur de philosophie à l'Université Western expliquait que la question du voyage en temps de pandémie soulève de fortes considérations d'ordre moral :  « Si on voyage, on fait augmenter le risque pour nos amis, nos collègues et nos proches lorsqu'on rentre à la maison, et on accroît aussi le risque pour les populations locales du Sud (de l'Amérique) qui n'ont pas les mêmes avantages que nous en matière de vaccination. » La même question se pose pour les candidats à l'expatriation. Peut-on moralement parcourir de longues distances, au risque, comme le soulignent d'autres experts, d'importer de nouvelles souches de virus et de provoquer d'éventuels nouveaux variants ? Pour Ronald Labonté, professeur à l'école d'épidémiologie et de santé publique de l'Université d'Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la mondialisation contemporaine et sur l'égalité en matière de santé, le droit de chaque citoyen à pouvoir voyager va de pair avec une vigilance accrue et des conditions de sécurité strictes, et n'enlève pas la nécessité de sécuriser les populations locales.

Toujours plus de pression sur les non-vaccinés ?

La province du Québec, tout comme le Canada, reste toujours fermée aux non-vaccinés. Les dernières déclarations de François Legault ne risquent pas de changer la donne. « Ils représentent un fardeau financier pour tous les Québécois », déclare le Premier ministre le 11 janvier dernier. 10% de Québécois sont toujours non-vaccinés, soit 3,8 millions d'habitants. Les 90% restant ont reçu une, deux, ou trois doses. Ces 10% de non-vaccinés sont pourtant surreprésentés dans les hôpitaux : ils occupent 50% des lits en soins intensifs. Comme dans beaucoup d'autres pays, la crise sanitaire a révélé l'extrême fragilité du système hospitalier. Le Québec sature. La population s'agace et fatigue. La fracture entre vaccinés et non-vaccinés se transforme en gouffre. « Je comprends et je sens cette grogne à l'égard de la minorité non-vaccinée qui vient, toutes proportions gardées, engorger nos hôpitaux », poursuit François Legault. Pour le gouvernement, la majorité ne doit pas payer pour l'inconduite « choquante » d'une minorité. 

Parce que les actes parlent plus que les mots, Québec entend mettre en place une taxe spéciale non-vaccinés : la « contribution santé ». Pas de précision quant au montant, mais il s'annonce « significatif ». La décision est dans la veine du durcissement des règles contre les non-vaccinés. Face au comportement délictueux d'une partie d'entre eux, qui paient des sans-abris pour qu'ils se fassent vacciner à leur place, les autorités annoncent un renforcement des contrôles du passe vaccinal. Toujours dans le même état d'esprit, les non-vaccinés sont, depuis quelques jours, interdits d'entrée dans certains commerces non essentiels, à commencer par les établissements de vente d'alcool et de cannabis.

On est loin du retour à la normale. Les Québécois s'inquiètent. Les candidats à l'expatriation s'interrogent. Est-il moralement possible de voyager maintenant ? Pour les non-vaccinés, la question ne se pose pas. Mais pour les vaccinés, les contraintes actuelles, encore très fortes, peuvent freiner ou retarder le projet de voyage.