Protestations en Colombie : le bilan de la situation

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Publié le 2021-05-11 à 12:00 par Javier Olivas Alguacil
Ces deux dernières semaines furent éprouvantes pour la Colombie. Après 10 jours de protestation, le bilan est lourd. 26 décès sont à déplorer tandis que 1 506 personnes ont été blessées. Si la situation est loin d'être retournée à la normale, un puissant rappel à l'ordre a été lancé par les autorités colombiennes et internationales.

Cette vague de protestations, qui a débuté le 28 avril, résulte de la présentation d'un projet de réforme fiscale par le président colombien Ivan Duque. Ce projet de loi a été jugé inopportun pour la classe moyenne, particulièrement au cœur de la pandémie de COVID-19. Rappelons d'ailleurs que la Colombie a enregistré, jusqu'à présent, plus de 3 millions de cas sur 50 millions d'habitants et plus de 77 800 décès. Une situation déjà dramatique, couplée à une hausse du taux de chômage à 14,2% en mars dernier. Le pays compte donc quelque 3,44 millions de chômeurs à l'heure actuelle, sans parler de la récession économique qui perdure. En effet, le Produit intérieur brut (PIB) de la Colombie a chuté de 6,8% en 2020. La pauvreté s'élève quant à elle à 42,5%.

Ajoutons à cela, comme proposé par ce nouveau projet de loi controversé, une hausse de la taxe à valeur ajoutée (TVA) sur des produits de consommation courante ainsi que l'élargissement de la base de l'impôt sur les revenus. Ce qui a entraîné la révolte de la classe syndicale soutenue non seulement par des travailleurs mais aussi par plusieurs autres groupes, y compris des étudiants. Dénonçant les abus du gouvernement et des forces de l'ordre, ils ont réclamé plusieurs améliorations, notamment sur les plans de la santé, de la sécurité, de l'éducation, entre autres.

Si au début les manifestations étaient pacifiques, la situation a rapidement dégénéré à Bogota, la capitale, ainsi qu'à Cali, qui se situe dans le sud-ouest du pays. Des barrages routiers ont même été installés suite aux violents affrontements avec les forces de l'ordre. Une situation qui a sérieusement affecté l'approvisionnement de plusieurs régions en aliments, en médicaments et en carburant. Ces barrages ont toutefois été enlevés en fin de semaine dernière lorsque la situation a commencé à se calmer. Comme nous l'indiquions plus haut, ces tensions ont entraîné 26 décès sur 10 jours et 1 506 blessés, y compris des civils et des officiers des forces de l'ordre. D'autre part, près d'une centaine de personnes sont portées disparues.

Des actes condamnés par les instances internationales

Le gouvernement colombien n'est pas le seul à déplorer cette série de violences. Il a d'ailleurs annoncé que les abus envers les forces de l'ordre ne seront pas tolérés. Cependant, ce sont les excès des forces de l'ordre qui sont condamnés par les instances internationales. Les États-Unis, l'Union européenne, l'Organisation des nations unies et plusieurs autres organismes défenseurs des droits de l'homme n'ont pas tardé à réagir. Ils en ont profité pour lancer un appel au président à entamer des négociations avec les manifestants afin qu'une solution soit trouvée au plus vite.

Mais ce n'est pas tout. Plusieurs célébrités colombiennes ont tenu à tirer la sonnette d'alarme sur la situation en Colombie sur les réseaux sociaux. Pour la célèbre chanteuse Shakira, « Il est inacceptable pour une mère de perdre son enfant unique à cause de ce genre de brutalité et que d'autres personnes aient perdu leur vie lors d'une manifestation pacifique ». Le chanteur J Balvin s'est également exprimé «  Lorsque nous regagnerons le moral, nous retrouverons peut-être la paix. Mais nos morts jamais ! Non à la violence ! » Le footballeur Radamel Falcao a, quant à lui, lancé un appel à la non-violence. « Je souhaite que le droit à une manifestation pacifique soit valorisé et respecté ».

Une situation qui ne surprend guère, toutefois. La Colombie a un lourd passé de conflits et de guérillas, comme c'est le cas de plusieurs pays d'Amérique latine, sans oublier le non-respect des droits humains. Quant au président Ivan Duque, dont le mandat de 5 ans arrive à terme en août 2022, il a déjà fait l'objet de plusieurs manifestations depuis 2019.

Face à la complexité de la situation, la mairie de Bogota a décidé de mettre en place une douzaine de commissions pour renforcer les garanties de contestation citoyenne. Ces commissions sont composées de délégués engagés auprès d'organismes de défense des droits de l'homme, de fonctionnaires de la mairie ayant une expertise en dialogue, d'agents des forces de l'ordre et de hauts fonctionnaires du district de Bogotá. Ces commissions auront pour but de garder l'œil ouvert sur les éventuelles violations des droits fondamentaux des citoyens colombiens. Le président Ivan Duque a également signifié son intention de créer un espace de discussion avec les différentes parties concernées.

Et les expatriés dans tout ça ?

Les réactions pullulent depuis le début des manifestations, particulièrement sur les réseaux sociaux.Certains d'entre eux font d'ailleurs état de coupures d'internet à plusieurs reprises pendant les manifestations. « Avec ma famille, nous évitons les sorties inutiles jusqu'à ce que les choses se calment. On ne sait jamais », commente Aaron, un expatrié américain à Bogota. « Pendant une dizaine de jours, nous avons entendu des tirs, des cris... c'était terrifiant. On avait l'impression d'être dans un film », ajoute Sébastien. A un autre expatrié d'ajouter que « d'habitude c'est calme dans le quartier où j'habite, mais ces derniers jours furent un véritable cauchemar ».

Il est bon de rappeler que la Colombie abrite aujourd'hui une importante communauté d'expatriés, y compris plus de 5 000 Français. La plupart d'entre eux sont inscrits à Bogota et dans les régions avoisinantes. Il est donc recommandé aux expatriés de se tenir à l'écart de tout mouvement de protestation, d'éviter de se déplacer sauf pour des raisons essentielles, et de toujours être en possession de leurs pièces d'identité.