Visa H-1B aux États-Unis : qu'est-ce qui change ?

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Publié le 2024-02-27 à 10:00 par Asaël Häzaq
Nouveaux grands changements en vue pour le très populaire visa H-1B aux États-Unis. D'autres visas devraient également être touchés par ces aménagements. Mais il faudra compter sur des hausses spectaculaires de frais de visa, qui risquent d'impacter les candidats à l'expatriation. Explications.

Visa H-1B, visa H-4 et autorisation automatique de travail

L'annonce a été publiée le 3 février 2024. Un nouvel Accord de sécurité nationale prévoit d'accorder environ 100 000 autorisations de travail pour les époux et enfants de travailleurs étrangers détenteurs d'un visa H-1B (les époux et enfants sont titulaires d'un visa H-4). Ces autorisations de travail seront automatiques.

L'accord permettra d'améliorer la situation de quelque 250 000 jeunes adultes : enfants d'expatriés arrivés légalement sur le territoire, ces jeunes adultes se retrouvent menacés d'expulsion, bien qu'étant en situation légale et ayant passé presque toute leur existence sur le sol américain. Ils sont mis dans la même catégorie que n'importe quel étudiant étranger fraîchement arrivé aux États-Unis, et doivent multiplier les visas (F-1 pour étudier, B-2 pour séjourner légalement sur le territoire en attendant le visa F-1, H-1B pour travailler…) pour rester sur le territoire américain. Le projet de loi leur permettra de rester sur le sol américain avec une autorisation de travail.

Green Card : des délais de traitement toujours très longs

Le chemin vers la Green Card, la Carte Verte (résidence permanente), reste un parcours du combattant. On rappelle qu'il existe plusieurs moyens de l'obtenir : le lien familial avec un citoyen américain, le mariage avec un Américain ou un résident permanent, l'investissement, la loterie, ou encore, le travail.

Les titulaires du très populaire visa H-1B (visa de travail temporaire réservé aux professionnels spécialisés) peuvent prétendre à la Carte Verte. C'est sans compter sur des délais de traitement toujours plus longs, qui compliquent le quotidien des travailleurs étrangers. L'attente est particulièrement longue pour les expatriés indiens. Leur attente est estimée entre 40 et plus de 80 mois, en grande partie à cause des plafonds de visa et des arriérés. Au temps d'attente s'ajoute le risque de précarité. L'autorisation accordée le 3 février 2024 permettra aux conjoints et enfants de travailleurs étrangers sous visa H-1B de travailler légalement aux États-Unis. La nouvelle disposition suit la volonté de l'administration Biden d'améliorer le système d'immigration. Plus précisément : assurer un traitement juste et humain pour tous, promouvoir l'immigration légale, et renforcer la sécurité aux frontières.

Autres changements inscrits dans le projet de loi

En plus des autorisations automatiques de travail pour les conjoints et les enfants du détenteur d'un visa H-1B, la loi inscrit le principe de protection des enfants. Les enfants du titulaire d'un visa H-1B de longue durée pourront conserver leur propre visa (H-4) pendant 8 ans.

Le projet de réforme lance également 18 000 Cartes supplémentaires par an, pour les 5 prochaines années. Ces Cartes Vertes seront basées sur l'emploi ; des plafonds seront établis pour chaque État. Au total, ce sont donc 158 000 Cartes Vertes basées sur l'emploi qui sortiront chaque année (pendant 5 ans), grâce à la nouvelle mesure.

Les fiancés de ressortissants américains (titulaires du visa K-1) sont concernés par ces changements, de même que leurs enfants (visa K-2). Environ 25 000 détenteurs d'un visa temporaire K-1, K-2 et K-3 (visa de mariage) pourront désormais travailler sans délai d'attente.

L'autorisation automatique de travail s'étend également aux demandeurs d'asile éligibles. Actuellement, ils doivent attendre encore 180 jours avant de pouvoir travailler. La réforme entend mettre fin à la précarité qui menaçait les demandeurs d'asile et leur famille.

Le projet de loi ajoute 250 000 visas immigrants durant 5 ans. Il donne la priorité au regroupement familial et souhaite faciliter les recrutements pour les entreprises.

La Maison-Blanche a pressé le Congrès d'adopter rapidement ces nouvelles dispositions.

Hausse des frais des visas H-1B et L-1

Nouvelle hausse des frais de visa. Après celle de décembre 2016, employeurs et talents étrangers devront s'attendre à une hausse conséquente des frais dès avril 2024. Le visa H-1B passera à 780 dollars contre 460 actuellement (+ 70%). Le visa L-1, réservé aux travailleurs étrangers transférés au sein d'une même société, subit une hausse encore plus conséquente : 1385 dollars, contre 460 dollars actuellement (+ 201%). Participer à la loterie pour le visa H-1B coûtera également beaucoup plus cher ; les candidats à l'expatriation débourseront 245 dollars au lieu des 10 dollars demandés aujourd'hui, soit un pic à + 2050 %. Seul lot de consolation pour les candidats : le temps. La mesure n'entrera en application qu'en 2025. D'autres frais de visas sont concernés par la hausse, comme les visas investisseurs (EB-5, + 200 % en moyenne).

La réforme inquiète les talents étrangers et les entreprises, surtout celles de la Tech. Le secteur est en effet connu pour recruter largement avec le visa H-1B. Bien qu'étant secoué par de nouvelles vagues de licenciements (des milliers d'emplois supprimés chez Google, eBay, des centaines chez Amazon, Discord, Twitch, TikTok…) le secteur continue de recruter, poussé par le développement fulgurant de l'IA. Certes, le système de quotas reste le principal frein à l'embauche des talents étrangers. Mais la hausse des coûts contraint davantage le recrutement des talents étrangers. Des talents inquiets, pour qui la hausse des frais représente un nouveau sacrifice financier. Parmi eux, les professionnels indiens, nombreux à travailler dans le secteur informatique avec le visa H-1B. Pour les détracteurs, cette hausse des prix des visas affecte la diversité, la mobilité internationale et l'innovation.

Réforme des visas : qu'en pensent les personnes concernées ?

L'administration américaine les considère comme des expatriés bien qu'ils vivent aux États-Unis depuis l'enfance. En novembre 2023, Global Indian relaie le témoignage de Pareen Mhatre qui lutte pour avoir un statut stable aux États-Unis. Arrivée sur le territoire à 4 mois, elle n'imaginait pas devoir s'astreindre au même parcours du combattant qu'un candidat à l'expatriation. Elle ne se sent pas étrangère, mais bien Américaine. Avec ses parents, arrivés aux États-Unis avec des visas de longue durée, elle subit les contradictions d'une administration américaine qui a laissé sur la touche plus de 200 000 enfants d'immigrés légaux. « J'ai vécu dans une peur constante au cours des cinq dernières années », explique-t-elle devant le Congrès, lors d'une audience judiciaire à la Chambre des représentants en 2021. Car Pareen se bat pour elle et des milliers d'autres rejetés hors du système malgré leur situation en règle. La réforme proposée par le gouvernement est justement pensée pour les jeunes adultes, comme Pareen Mhatre.

Autre sujet, autres réactions. « On trinque encore », soupirent des candidats à l'expatriation et des expats désabusés. Les détenteurs du populaire visa H-1B sont particulièrement attentifs à ces nouvelles annonces. Certains y voient une « attaque contre l'immigration légale » et ne comprennent pas le nouveau tour de vis de l'État. Certes, les Services de la citoyenneté et de l'immigration (USCIS) justifient cette nouvelle hausse par une augmentation sans précédent de leurs frais. Ils tenaient le même argumentaire en 2016. Pour les travailleurs étrangers, la justification est difficilement recevable.