Comment gérer les défis liés au travail lors d'une expatriation

Vie pratique
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Publié le 2023-08-16 à 10:00 par Asaël Häzaq
Travailler à l'étranger réserve parfois de bonnes surprises, parfois, des surprises dont on aurait aimé se passer. Culture du travail qui ne passe pas, conditions de travail difficile… Entre le contrat et la réalité, rien ne semble coïncider. À qui parler en cas de problème ? Y a-t-il un risque à évoquer ce qui ne va pas ? Les expatriés peuvent-ils se syndiquer ?

Désagréments au travail : à qui les expatriés peuvent-ils s'adresser ?

Quand rien ne se passe comme prévu au travail, le mieux est de ne pas attendre que le problème s'envenime pour en parler. Avant cela, il convient de bien déterminer le problème pour s'adresser au bon interlocuteur. La solution passe parfois par un simple entretien avec le supérieur direct, et ne nécessite pas de faire appel à la direction.

Le problème concerne-t-il les conditions de travail ? Est-ce une inadaptation à la culture du travail dans le pays d'accueil ? La première option renvoie directement au contrat de travail et au Code du travail du pays d'accueil. Elle suppose des faits précis (non-respect des horaires de travail, des missions, violence subie au travail, etc.) La seconde option renvoie davantage aux normes, valeurs et traditions du pays d'accueil, qui ne s'accordent pas toujours avec celles de l'expatrié. Par exemple, une culture du présentéisme, un poids de la hiérarchie, un manque d'autonomie, ou, au contraire, une trop grande autonomie, une manière de présenter les projets, de faire circuler la parole, la possibilité ou non de présenter et défendre ses idées...

Communautés d'expatriés

Intégrer une communauté d'expatriés peut être très utile. En cas de problème au travail, les étrangers présents sur le territoire ont peut-être déjà vécu une situation similaire ou connaissent des personnes qui l'ont vécue. Ils pourront vous renseigner quant aux associations existantes et aux démarches à faire pour trouver une solution. Vous pourriez entrer en contact avec des expatriés de longue date, qui savent comment aborder les conflits au travail dans le pays d'accueil. Outre l'aide pratique, solliciter une communauté d'expatriés apporte un soutien moral indispensable.

Responsable direct, employeur

Demandez un entretien avec votre responsable direct. On cherche avant tout à désamorcer le conflit pour trouver une solution amiable. Si l'affaire est grave (non-respect du contrat de travail, du Code du travail), rassemblez les preuves et demandez un entretien, toujours avec votre supérieur direct, puis avec l'employeur. Bien sûr, tout dépend du cas d'espèce, du pays d'accueil, de sa législation et de sa culture du travail.

Cellule d'écoute dans l'entreprise

Les grandes entreprises peuvent avoir des cellules d'écoute ou groupes d'intégration spécialement créés pour accompagner les travailleurs étrangers. Si vous êtes dans ce cas, sollicitez-les. Même conseil si un tuteur a accompagné vos premiers pas dans l'entreprise.

Médecin du travail, médecin traitant

Un médecin du travail exerce-t-il dans votre entreprise ? Confiez-vous à lui. Les désagréments ont peut-être provoqué des troubles (stress, anxiété, perte d'appétit…), voire, des maladies (burn-out) qu'il faut identifier comme maladie professionnelle et soigner (tout dépend la pratique du pays d'accueil en la matière). Si aucun médecin du travail n'est présent, rendez-vous chez votre médecin traitant. Vous préférez vous adresser à un médecin parlant votre langue ? Consultez les listes des soignants disponibles dans votre consulat.

Réseaux de networking

Utilisez votre réseau. On y pense souvent pour chercher du travail à l'étranger, moins pour obtenir des conseils en cas de problème. Vous avez peut-être intégré un réseau professionnel ou une association internationale. Discutez avec des membres de confiance. Entretenez-vous avec un responsable de l'association.

Sites institutionnels

Pensez aussi aux sites institutionnels. Des États ont mis en place divers sites d'aide et d'information destinés aux travailleurs étrangers. Vous y trouverez des contacts vers qui vous tourner en cas de conflit concernant vos conditions de travail ou la culture de travail.

Associations professionnelles, corporations

Vous travaillez dans l'agriculture, l'agroalimentaire, la médecine, l'ingénierie civile, la traduction, les ressources humaines… ? Sollicitez vos pairs. De nombreux corps de métiers disposent de leur fédération, corporation ou association. Vérifiez s'il existe un tel organisme dans votre pays d'accueil.

Dire quand ça ne va pas au travail : existe-t-il des risques ?

Parler de ses désagréments au travail est encore perçu comme un acte de faiblesse. Selon les psychologues, c'est, au contraire, un acte de courage. Or, il est mésestimé. On a tendance à cacher ses émotions et à toujours montrer son meilleur côté. À l'étranger, la crainte peut être plus grande encore. La culture du pays d'accueil peut imposer une plus grande discrétion, une plus grande tolérance à ce qui ne va pas, etc. Nombre d'expatriés redoutent également « l'effet boomerang » : au lieu d'éclaircir l'horizon, la confession la bouche un peu plus. L'expatrié victime devient le problème. Ceci explique que beaucoup d'expatriés préfèrent se taire et encaisser ce qu'ils devraient dénoncer… Au risque de tomber malade ou de se sentir responsables de ce qui leur arrive. C'est toute l'expatriation qui peut être remise en cause par l'incident au travail.

Pour éviter d'en arriver là, mieux vaut s'entourer dès le départ (réseau d'expats, associations, etc.) et prendre tous les renseignements nécessaires avant d'aller parler à son supérieur. Car il y a parler et parler. Les plus stricts diront que l'entreprise n'est pas le bureau des pleurs et que chacun doit gérer ses contrariétés. Une incohérence lorsqu'elles sont justement produites dans l'entreprise. Même si vous êtes dans votre droit, évitez les coups d'éclat et autres explosions d'émotions. Restez professionnel, même pour dire que ça ne va pas. Énoncez clairement les faits. Montrez que vous connaissez la loi du pays d'accueil et que vous connaissez vos droits. Respectez au maximum la culture du pays d'accueil et la procédure : pouvez-vous directement vous adresser à l'employeur ? Par quel moyen (mail, appel téléphonique, demande de rendez-vous formel…) ?

Les expatriés peuvent-ils se syndiquer ?

Tout dépend de la législation du pays d'accueil. Certains pays ont une culture syndicale bien plus forte que d'autres. En France, le ministère de l'Économie des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique informe que « tout salarié de l'entreprise peut créer ou adhérer à un syndicat, et cela, quels que soient son ancienneté ou son statut dans l'entreprise. » Le Code du travail français interdit toute discrimination envers les personnes syndiquées ; vous n'êtes d'ailleurs pas tenu de dire à votre employeur que vous avez adhéré à un syndicat. Même principe aux États-Unis. Le Département du Travail précise : « comme les autres travailleurs, les travailleurs immigrés peuvent former et adhérer à des syndicats. La loi interdit aux employeurs d'exercer des représailles contre tout travailleur, y compris un travailleur immigré, pour avoir tenté de former ou d'adhérer à un syndicat. »

En Allemagne, pays à forte culture syndicale, les citoyens membres de l'UE peuvent se syndiquer. Le Service européen pour l'Égalité de Traitement précise qu'« en tant que citoyen de l'UE, vous pouvez devenir membre des syndicats en Allemagne de la même manière que les nationaux et exercer les droits syndicaux. [...] »

Pour les experts, les syndicats font face à un nouveau défi. La mobilité internationale amène un nombre croissant de travailleurs étrangers dont les droits doivent être respectés. Or, difficile, pour les syndicats existants d'intégrer la dimension internationale. Certains s'adaptent, comme l'antenne bruxelloise de la Confédération des syndicats chrétiens (CSC) qui crée une « unité immigrants » spécialement conçue pour aider les travailleurs étrangers.

Conditions et culture du travail à l'étranger : bien se préparer

On n'insistera jamais assez sur l'importance de bien préparer son expatriation. Cela passe bien sûr par toutes les formalités concernant le visa d'entrée et le permis de travail, mais aussi par une étude sérieuse de la culture du pays d'accueil et des conditions du travail. Que dit le droit du travail en matière de harcèlement, de discriminations et violences au travail ? Les salariés sont-ils protégés ? Les étrangers bénéficient-ils de cette protection ? Les droits des femmes sont-ils respectés ? La parole est-elle libre dans l'entreprise ? Pensez à intégrer une communauté d'expatriés avant votre voyage, ou entrez en contact avec des étrangers vivant dans votre future ville. Vous partirez mieux préparé et trouverez du soutien en cas de problème. Si vous ne la parlez pas encore, prenez des cours de langue avant votre expatriation. Vous serez bien plus à l'aise et comprendrez mieux la culture du travail de votre entreprise.

Liens utiles :

Réseaux d'expatriés

Expat.com

Professionals abroad

Associations pour les expatriés français et francophones (Réseau FIAFE)

Groupes Facebook

Expats living in France

Expats in Australia (Facebook group)

Expatz in Sydney

Sites d'information des gouvernements

Allemagne : Make it in Germany 

États-Unis : United States Department of Labor (DOL)

Irlande : Citizens information 

Organisations de défense des droits des travailleurs étrangers

Royaume-Uni : The Joint Council for the Welfare of Immigrants

États-Unis : National immigration law center

Canada : Migrants Resource Centre Canada

France : La Cimade