Semaine de quatre jours : une motivation pour les carrières internationales ?

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Publié le 2022-11-21 à 14:00 par Asaël Häzaq
On la présente comme l'une des nouvelles solutions de flexisécurité : la semaine de quatre jours n'aurait que des avantages. Les travailleurs, notamment les jeunes actifs de la génération Z, la plébiscitent. Les médecins et sociologues étudient le phénomène. Les États se mettent tour à tour à la page, avec des tests grandeur nature. La semaine de quatre jours a-t-elle un impact sur la vie des expatriés ? Entre-t-elle dans les critères motivant une expatriation ?

La semaine de quatre jours a le vent en poupe

Moins d'heures pour les employés d'Unilever, mais avec le même salaire. Après 18 mois de test sur 80 employés basés en Nouvelle-Zélande, la multinationale agrandit son panel : depuis le 14 novembre, environ 450 employés basés en Australie (sur les 900 que compte la branche australienne) testent à leur tour la semaine de quatre jours. Le test réalisé en Nouvelle-Zélande (en pleine pandémie) s'est avéré positif : plus d'autonomie, plus de responsabilité, plus de productivité, plus d'efficacité. Un cercle vertueux qu'Unilever souhaite développer à plus grande échelle.

Les tests de ce type fleurissent un peu partout dans le monde. L'idée n'est pas nouvelle : entre 2015 et 2019, l'Islande effectuait un test grandeur nature, avec 2500 salariés. Au terme de l'étude, les analyses sont enthousiastes. C'est un «énorme succès ». Pas de baisse de productivité, au contraire. Les salariés participant à l'étude étaient plus impliqués dans leur travail, plus positifs et satisfaits d'eux-mêmes, et moins stressés. En juin dernier, le Royaume-Uni lance à son tour un test de grande échelle, sur quelque 3000 salariés de 60 entreprises. Le test, prévu pour durer 6 mois, arrive bientôt à son terme. Côté salariés, on s'enthousiasmait dès les premiers jours. Locaux et expatriés voyaient déjà comment occuper leur jour de repos. La plupart disaient consacrer plus de temps à leur famille. Les autres envisageaient de faire plus de sport, de sorties, de se lancer dans le bénévolat… et de se reposer. En effet, un jour est vite passé.

Les essais se multiplient à travers le monde. Écosse, Espagne, États-Unis, Japon... En Belgique, la semaine de 4 jours s'inscrit dans le cadre d'une nouvelle politique d'assouplissement des horaires de travail. En France, un tiers des entreprises déclare se lancer prochainement dans la semaine de 4 jours (sondage du cabinet Robert Half en juin 2022).

Enjeux de la semaine de 4 jours sur l'expatriation

La semaine de 4 jours, décisive pour motiver une expatriation ? Pas vraiment. Mais elle est un avantage certain, à condition de garder le même salaire. Tout comme les locaux, les expatriés veulent préserver leur qualité de vie. Ils sont d'ailleurs bien plus nombreux à immigrer à l'étranger pour vivre une meilleure vie, en concilier vie professionnelle et vie personnelle. Pour eux, la semaine de 4 jours n'a que des avantages : le nouveau rythme de vie permet de découvrir son environnement, de parfaire son apprentissage de la langue, de se lancer dans des activités nouvelles... Mais gare à la surchauffe.

La semaine de 4 jours consiste-t-elle à faire en 4 jours ce qu'on est censé faire en 5 jours ? Normalement non. Il s'agit plutôt de réorganiser tout le travail, y compris les réunions, les missions et les projets, avec un nouveau point de départ : 4 jours dans la semaine. Les horaires de travail restent cependant les mêmes : 35h, 39h semaine ou plus (ou moins) selon la loi du pays.

Dans la pratique, de nombreux salariés admettent travailler plus, surtout lorsqu'ils sont en télétravail. Des études réalisées pendant la Covid ont montré les effets pervers du télétravail (en plein boom, lui aussi), avec des salariés répondant à des mails le week-end, le soir, à toute heure, et plus seulement durant leur temps de travail. Les expatriés font aussi face à ce défi. Qu'ils viennent d'immigrer, qu'ils accèdent à de nouvelles fonctions ou soient en poste depuis longtemps, ils peuvent vouloir en faire plus pour montrer qu'ils sont aussi capables que les autres. Parfois mis en concurrence avec les locaux, ils veulent prouver leur compétence, et détournent malgré eux la semaine de 4 jours de son objectif premier.

Plus de bien-être, plus de productivité ?

En 2019, Microsoft Japan teste la semaine de 4 jours. La productivité bondit de 40%. La perspective d'avoir un jour de repos en plus a boosté l'efficacité des salariés. Les opposants à la semaine de 4 jours pointent le risque de baisse de productivité. Les études montrent que c'est plutôt le contraire qui s'observe, ou du moins, une absence de baisse (on peut toutefois s'interroger sur de trop grands gains de productivité).

Le principal avantage de la semaine de 4 jours est l'amélioration de la qualité de vie. Un avantage qui en entraîne d'autres. Les salariés disent être moins stressés et plus impliqués dans leur travail. Ils se sentent davantage valorisés et libres d'accomplir leur mission. La semaine de 4 jours est aussi écolo : moins de trajets domicile-travail, moins de mails, moins de pollution numérique. Certaines entreprises s'engagent dans une « révolution verte » pour le bonheur des salariés et de la planète.

Mais pour être réellement efficace, cette semaine de 4 jours doit être construite avec tous les acteurs de l'entreprise, au risque d'engendrer un stress négatif et une course à la performance (faire en 4 jours ce qu'on faisait en 5). Il faut aussi accepter que la semaine de 4 jours ne puisse s'appliquer partout. Difficile de mettre en place une telle organisation dans le secteur de la santé. Dans la restauration, certains patrons tentent l'aventure. À Lille, grande ville du nord de la France, le chef étoilé Florent Ladeyn est passé à la semaine de 4 jours. « Vous préférez être à 110% pendant quatre jours ou à 80% pendant cinq jours ? » lance le chef. C'est une amie danoise qui le convainc. L'opération est un succès, et séduit les 65 salariés de Florent Ladeyn. Preuve, pour le chef, qu'un changement des mentalités dans le monde de la restauration est possible. Si la semaine de 4 jours est plus facile à appliquer dans une petite structure, les tests à grande échelle réalisés dans d'autres pays du monde montrent que le changement est en marche.