Quelle est l'importance du niveau du système de santé pour les expatriés ?

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Publié le 2022-01-12 à 10:00 par Asaël Häzaq
Sujets d'actualité récurrents depuis le début de la pandémie, les systèmes de santé des États sont régulièrement passés au crible par la critique. Politologues, économistes, scientifiques, chercheurs… Et bien sûr, médecins. Tous pointent les bouleversements qui secouent le monde médical actuel. Car bénéficier du droit à la santé coûte cher. Les États sont loin d'être égaux sur la question. Pour les expatriés et candidats à l'expatriation, la question revêt un sens tout particulier. Faudrait-il choisi son pays d'accueil en fonction de la qualité de soins qu'il offre ? À quel point la santé est-elle devenue importante pour les expatriés ?

Des systèmes de santé malmenés par la pandémie

En réalité, la pandémie – et toutes les conséquences qu'elle entraîne – braque les projecteurs sur des systèmes de santé malmenés depuis des années. Le problème est mondial. Pilier garantissant l'équilibre d'un pays, la santé semble pourtant sacrifiée au profit de l'économie. La Covid change-t-elle la donne ? En France, la grogne des personnels soignants a débouché sur les accords du Ségur de la santé, signés en juillet dernier. Mais « le compte n'y est pas » s'alarment ceux qui se qualifient d' « oubliés » du Ségur. Situations similaires en Italie, au Royaume-Uni, en Inde, au Nigéria, en Corée du Sud. Quel impact sur l'expatriation ? « Avant, j'avoue que je partais sans assurance santé, et sans vraiment me renseigner sur le système de santé du pays dans lequel j'allais. Je m'intéressais plus au « vrai quotidien » : le salaire, le logement… Je suis jeune, active et en bonne santé. Je n'ai jamais eu de problèmes médicaux. Je pensais que cela suffisait. Mais la Covid m'a rappelé que la santé fait aussi partie du quotidien. J'ai la chance de ne souffrir d'aucune maladie. C'est une chance que je ne dois pas gaspiller », reconnaît une informaticienne qui prépare son nouveau projet d'immigration « pour me poser vraiment. Et, cette fois-ci, je regarderai à deux fois le système de santé du pays d'accueil. Même dans des pays sûrs comme l'Australie ou le Canada, on est à l'abri de rien. »

Si l'imaginaire collectif scinde encore le monde en deux, avec un hémisphère nord avancé et un hémisphère sud en déliquescence, la réalité est moins tranchée. Le Global Health Security Index 2021 (GHS) évalue la solidité des systèmes de santé des États. Un index construit d'août 2020 à juin 2021, et basé sur six critères (ou six piliers) définissant le rôle de la santé dans l'économie : la prévention (capacité des États à anticiper le risque sanitaire), la détection (rôle capital de la recherche), la réponse rapide (plan d'urgence efficace), le système de santé, les politiques publiques, le climat global (tensions internationales, niveau de confiance dans le système de santé du pays…). Tous domaines confondus, les États-Unis arrivent premiers, avec 75,9 points sur 100, un chiffre en très légère baisse, mais qui assure au pays une avance confortable sur les autres États. L'Australie vient ensuite (71,1), puis la Finlande (70,9), le Canada (69,8) et la Thaïlande (68,2). La Slovénie termine 6e, devant la Corée du Sud (9e), la France (14e), le Japon (18e), et l'Italie (41e). Les pays d'Afrique, l'Asie centrale ainsi qu'une partie de l'Asie du Sud et de l'Asie occidentale (péninsule arabique) occupent majoritairement la moitié et la fin du classement. Le Qatar se classe 49e, l'Afrique du Sud, 56e, l'Inde, 66e. Loin derrière, les Émirats arabes unis pointent à la 80e position. Le Kenya est 84e, la Somalie, dernière avec 16 points (baisse d'1,9 points). Le GHS évalue non seulement la position, mais aussi l'évolution. Au milieu du classement, le Qatar enregistre un chiffre global en hausse. En fin de classement, le Kenya, lui, enregistre la plus forte baisse (-4,8 points), principalement liée à la crise de la Covid-19. C'est au Lichtenstein (54e) que s'inscrit la plus forte hausse, avec +14 points.

S'expatrier en fonction du niveau des systèmes de santé ?

La Covid-19 a définitivement changé la donne. Déjà précautionneux avant la crise sanitaire (surtout s'ils se rendaient dans des pays au système de santé précaire), les expatriés redoublent de vigilance. C'est tout le voyage qui se réorganise autour des normes sanitaires. Indispensable, selon l'OMS, qui révèle des chiffres de contaminations parfois sous-estimés. Faute de capacité à tester suffisamment, 6 contaminations sur 7 ne seraient pas comptabilisées sur le continent africain. Si la majorité des pays d'Afrique sont désormais ouverts aux vaccinés (dérogation pour les non-vaccinés : motif impérieux), les situations sur place restent fragiles, avec peu de vaccinés, des hôpitaux surchargés et sous-équipés, et une recrudescence des cas. Classée orange, la République démocratique du Congo passe en rouge depuis le 3 janvier. Le Nigéria vit une situation similaire : à peine 4 médecins pour 10 000 habitants, un manque criant de budget avec un déficit aggravé par la pandémie, des personnels de santé sous-payés… Un cocktail explosif, qui mène ces derniers à décréter une grève illimitée en avril 2021. La situation n'a cependant pas changé. Avec à peine 2,2% d'habitants pleinement vaccinés, et l'arrivée du variant Omicron depuis le 1er décembre, le Nigéria peine à sortir de la crise. Il faut ajouter à cela un contexte politico-économique tendu, avec un PIB plombé par l'inflation et des enlèvements d'enfants qui traumatisent le pays.

Et même dans les pays où le taux de vaccination est meilleur, la prudence reste de mise. Que peut faire un expatrié, malade dans son pays d'accueil, sans assurance ? C'est l'aventure cauchemardesque d'un Français parti au Mexique en décembre dernier pour visiter un proche dont le pronostic vital était engagé (motif impérieux). « Il n'est pas antivax, mais disait qu'il était plutôt jeune (45 ans), sportif, et qu'il ne craignait rien », explique Marie, son épouse, qui écume les sites Internet et les organismes d'aide pour lui trouver une solution. « Il a attrapé la Covid peu après son arrivée, et depuis, c'est la galère. Les hôpitaux publics sont débordés, les cliniques privées sont trop chères. Il n'a pas pris d'assurance Covid, comptant sur son assurance carte bleue. Mais apparemment, il n'entre pas dans les critères pour un rapatriement. Son dossier est indéfendable. Quelle compagnie aérienne accepterait de prendre un non-vacciné parti volontairement en pleine tempête Omicron ? Même moi, j'ai du mal à y croire. » Au Mexique, la santé coûte cher, encore plus depuis la pandémie. Deux systèmes cohabitent : les hôpitaux publics, qui proposent des prix abordables, mais manquent de moyens. Saturés, ils ne peuvent garantir une médecine de qualité. Les cliniques privées, elles, disposent des moyens pour exercer une médecine de qualité. Mais les prix s'en ressentent. Pour les expatriés, la solution est de se tourner vers les complémentaires santé et/ou, s'ils travaillent pour une entreprise mexicaine, de s'assurer qu'elle cotise pour eux.

Des pays au système de santé plus performants font aussi face à la grogne des personnels soignants. En France, les accords du Ségur passent mal. Pourtant reconnu au niveau international, le système de santé français – basé sur la solidarité – n'a plus les moyens de ses ambitions. C'est toute une vision et une organisation économico-sociale qui souffre. Le candidat à l'expatriation prend peut-être désormais plus conscience de l'importance d'immigrer dans un pays jouissant d'un système de santé de qualité. Difficile donc d'envisager une expatriation sans tenir compte du contexte sanitaire. Pour les candidats à l'expatriation, il convient désormais de s'attarder aussi sur l'état des organismes de santé de leur futur pays d'accueil. Les locaux sont, bien entendu, les premiers concernés par ces systèmes de soins. Pour les expatriés, le problème peut prendre une plus grande ampleur encore, surtout s'ils ne maîtrisent pas ou peu la langue du pays, s'ils ne sont pas assurés, s'ils ignorent le parcours de soin, etc. D'où l'importance de s'informer, sans pour autant céder à la psychose.

Santé : ce qu'il faut prendre en compte avant de s'expatrier

Les questions à se poser :

Chaque situation est unique, et mérite une attention particulière. Passage obligé, le bilan de santé. Souffrez-vous une pathologie ? D'une allergie ? Le climat influe-t-il sur celles-ci ? Suivez-vous un traitement médical ? Vous déplacez-vous en fauteuil roulant ? Avec une canne ? Portez-vous des prothèses, un appareil auditif ? Avez-vous besoin d'un suivi renforcé au niveau dentaire, ophtalmologique, etc. ?

Arrivé sur place, comptez-vous conduire ? Si oui, quel type de véhicule ? Connaissez-vous code de la route de votre futur pays d'accueil ?

À faire avant de partir :

Faire un check-up et vérifier que tous les vaccins sont à jour. S'informer quant aux éventuels vaccins spécifiques demandés par le futur pays d'expatriation. La vaccination anti-Covid est, bien entendu, un prérequis. 

Penser à la qualité de l'eau du robinet et à la présence de moustiques. S'équiper, si besoin, de moustiquaires et de pastilles pour désinfecter l'eau.

En cas de traitement médical : faire le point avec son médecin, renouveler ses médicaments (s'informer concernant les règles de leur transport auprès de sa compagnie aérienne). Emporter l'ordonnance originale avec la traduction des médicaments et s'assurer de garder le contact avec son médecin ; lui demander une éventuelle orientation auprès d'un confrère. Le futur expatrié peut aussi se renseigner auprès des ambassades ou des consulats, pour obtenir une liste de praticiens. Attention aux prix, qui peuvent être élevés. Penser également à la téléconsultation, en plein développement depuis la pandémie. Dans ce cas, il convient de s'assurer au préalable de la bonne couverture Internet de sa future région de résidence.

Faire contrôler, et renouveler, si nécessaire, tous ses équipements de santé.

Étudier le système de santé du futur pays d'accueil pour mieux anticiper les futurs changements et souscrire à la meilleure assurance en fonction de sa situation.

Voyager en fonction de la qualité du système de soins du pays d'accueil ? L'idée semble gagner du terrain chez de plus en plus de candidats au voyage, traumatisés par les images d'hôpitaux surchargés un peu partout dans le monde. Mais pas question cependant de ne limiter son choix qu'au seul aspect médical. La conjoncture, la croissance économique, le climat politico-social, les perspectives de carrière, l'ambiance, le système éducatif… de quoi changer encore un peu plus la vision de l'expatriation, en pleine évolution depuis le début de la crise sanitaire.