Bonjour.
J'ai passé une bonne partie de la nuit de mercredi à jeudi dans la capitale. Ma voisine se plaignait de douleurs à la poitrine et je me suis proposé de l'emmener à l'hôpital.
N'ayant pas d'assurance, je l'ai emmenée dans l'hôpital public de Villa Mella. C'est le commencement d'une très longue nuit. Je suis parti à 20h30 pour ne revenir chez moi qu'à 5h00 du matin.
Près d'une centaine de personnes se massait à l'entrée de cet hôpital. Des cas plus ou moins grave, mais toutes étaient en souffrance. Des jeunes et des vieux, des hommes et des femmes, des êtres humains à la recherche de réconfort.Ma voisine a fini par voir un médecin qui l'a envoyé dans un second hôpital pour passer un électrocardiogramme. Je plains les gens qui ne sont pas véhiculé car j'imagine la difficulté à 21h00 le soir pour trouver un taxi, en cas d'urgence. Bref, j'étais là pour elle. Nous sommes arrivés dans ce deuxième hôpital et là, j'y suis resté jusqu'à 5h00 du matin. Un temps que je n'oublierai jamais.
Une vie s'organise autour de cet hôpital. Il y a d'abord ce vigile qui doit filtrer les entrées, armé d'une batte de baseball, de façon peut être à intimider les plus téméraires.
Il y a un couple venu vendre des sandwichs et des boissons fraîches, et qui repartent sur le coup de 2h00 du matin lorsque la glacière est vide. Il y a un chauffeur de taxi qui attends le client, qui drague tout ce qui porte une jupe. Il y a tous ces chiens qui attendent , eux, qu'on leurs donnent un reste de repas. Tout le monde mange et bois. C'est incroyable : A toute heure, le dominicain mange, travail ou pas. Il y a même eu un livreur de pizzas qui est arrivé pour livrer à un malade affamé une grande et une petite. Il a eu toutes les peines du monde pour passer l'obstacle du vigile. Il y a eu le balais incessant des voitures de police qui arrivent avec des Haïtiens menottés qu'ils ont bien cognés au préalable ou chargés de clochards ensanglantés et que l'on exibe à la population. Il y a le cris de ces femmes qui viennent de perdre un être cher ( 3 cette nuit là ). Il y a ce cadavre que l'on fait circuler d'un endroit à un autre, à l'extérieur, et que le vent fait s'envoler les papiers qui l'enveloppait. A minuit arrive un gars sur une moto avec sa remorque. Il distribue du café aux miséreux qui zonent autour de l'entrée. Ils ont droit à la lecture de la bible gratuitement en plus.
Quand à moi, vers 3h00 du matin, je suis allé dans un troisième hôpital pour faire analyser le sang de mon amie, puisqu'il n'y avait pas ce service où nous étions. Qu'aurait fait ma voisine sans être véhiculée ? Le mari de ma voisine m'a dit : Je vais essayer de payer une assurance pour ne plus vivre cela.
Il y a une vie autour de cet hôpital. Un fatalisme qui fait que rien n'est important, tout est normal. J'ai été choqué car je ne suis pas habitué à voir cette vie là.
Je suis d'autant plus choqué qu' hier à 14h00, ma belle soeur dominicaine est décédée, faute d'avoir pu être emmenée rapidement à l'hôpital.
Le fatalisme ou autre, appelez cela comme vous voudrez ; cette vie est bien injuste.