Face à une grave pénurie de main-d'œuvre, le gouvernement Scholz va assouplir considérablement sa politique migratoire pour concurrencer les autres pays dans le recrutement de personnels qualifiés des pays hors Union européenne.
Le chancelier allemand Olaf Scholz lors d'une conférence de presse à Berlin le 18 août 2022
Le gouvernement d'Olaf Scholz va assouplir sa politique migratoire.
afp.com/Odd ANDERSEN
Par Christophe Bourdoiseau (Berlin)
Publié le 16/01/2023 à 06:53
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Avec deux millions de postes vacants actuellement et sept millions prévus d'ici à 2035, l'Allemagne ne peut plus compter sur une hypothétique relance de sa natalité ni continuer à puiser sur le marché de l'emploi dans les pays de l'Union européenne (UE). Il lui faut recruter encore plus loin, sur les autres continents de la planète. "Pour de nombreuses entreprises, la recherche de main-d'œuvre qualifiée est devenue une question existentielle", a expliqué Hubertus Heil, le ministre social-démocrate (SPD) du Travail en présentant, le 30 novembre dernier, les principaux points de la nouvelle loi d'immigration (Fachkräfteeinwanderungsgesetz) qui doit être votée d'ici fin mars. "Nous avons l'objectif de mettre en place la législation la plus moderne d'Europe pour concurrencer les autres pays qui cherchent, eux aussi, des talents à l'étranger", a-t-il résumé.
L'objectif est de rendre l'Allemagne plus attractive aux yeux des travailleurs étrangers. "C'est une illusion de penser que tout le monde veut venir en Allemagne. Nous ne devons plus décourager les candidats mais les convaincre de venir chez nous", a insisté le ministre. Après avoir supprimé la "préférence nationale" à l'embauche, le gouvernement Olaf Scholz veut lever les obstacles au recrutement des personnels qualifiés. "Nous allons assouplir les critères de sélection et simplifier les démarches administratives", a expliqué Hubertus Heil. Ainsi, les candidats ne devront plus apprendre l'allemand avant leur arrivée, mais ils pourront le faire sur place. Surtout : les candidats des pays tiers n'auront plus besoin de présenter un contrat de travail avant de s'installer sur le territoire.
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Un système à points, sur le modèle canadien, permettra d'accélérer les démarches sur la base des qualifications, du niveau d'allemand, de l'expérience professionnelle, de la "relation à l'Allemagne" et de l'âge. "Notre loi sera la plus libérale d'Europe", s'est félicité le ministre écologiste de l'Economie et du Climat, qui veut multiplier par trois le rythme des investissements dans le renouvelable. Robert Habeck est conscient que la réussite de son plan de transition énergétique ne dépendra pas des investisseurs ni des compétences technologiques de son pays, mais d'une main-d'œuvre suffisante.
Les entreprises allemandes réclament un assouplissement depuis des années. "L'Allemagne n'a jamais eu une bonne réputation comme pays d'accueil", regrette le président de la Chambre des arts et métiers, Hans Peter Wollseifer, qui souhaite que l'administration des étrangers se transforme en "centre de bienvenue". Selon un sondage du quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung auprès d'une douzaine d'entreprises du DAX, l'indice de référence des plus grandes entreprises de la Bourse de Francfort, les patrons allemands réclament encore plus de souplesse dans les critères. "C'est un bon début", a jugé Siemens Healthineers (matériel médical). L'agence fédérale pour l'emploi (BA) chiffre les besoins à 400 000 immigrés supplémentaires par an pour maintenir le niveau du marché du travail actuel.
La perspective d'être plus facilement et rapidement naturalisé peut effectivement contribuer à augmenter l'attractivité de l'Allemagne. Le ministère de l'Intérieur participe à cette offensive de recrutement avec sa réforme de la loi de citoyenneté (Staatsangehörigkeitsrecht) qui permettra aux étrangers d'obtenir la nationalité allemande au bout de cinq ans contre huit aujourd'hui. Ce délai sera réduit à trois ans pour toutes les personnes ayant fait preuve de bonne volonté pour leur intégration : bon niveau d'allemand, bonnes notes, engagement bénévole dans le travail associatif, etc.
Même les syndicats saluent l'assouplissement des règles d'immigration : "C'est toute la société qui profitera de l'arrivée de ces personnels qualifiés", a jugé Jörg Hofmann, le président du grand syndicat de la métallurgie, IG Metall. Pour les Allemands, c'est aussi le seul moyen de sauver leur système social par répartition. Hubertus Heil a rappelé à ses concitoyens que la loi était faite pour l'avenir de l'Allemagne : "C'est une assurance pour la prospérité de notre pays."