Syndrome Pré-Immigratoire
Tous les candidats à limmigration sont plus ou moins gravement atteints dune affection très commune, le Syndrôme Pré-Immigratoire, ou SPI (PIS en anglais). Pour en avoir subi une attaque il y a quelques années, cest une maladie que je connais bien. Elle nest pas douloureuse pour le malade, qui ignore son affection la plupart du temps, mais elle lest pour ses proches et pour tous ceux qui nen sont pas atteints. En voici les principaux symptômes :
Rejet du pays dorigine
Dans lattente de son visa qui ly cloue, la victime de SPI développe très rapidement une véritable allergie au pays qui la vu naître. Là bas, tout est foutu, tout est pourri, rien ne pourra jamais y faire. Tous les efforts sont vains, le bateau coule, la seule et unique solution est la fuite. Tout ce quil a pu trouver beau, agréable et intéressant dans le passé, il le trouve maintenant laid, pénible et sans intérêt. La victime se demande même comment elle a fait pour vivre aussi longtemps dans un tel enfer.
Sublimation du pays daccueil
Dans le pays daccueil, par contre, tout est merveilleux. Contrairement à ses propres compatriotes qui ne sont quune bande dabrutis, les braves gens qui y vivent ou su trouver des solutions efficaces et originales à tous les problèmes de la vie. Contrairement au pays dorigine, dans le nouveau pays tout semble beau. Même la plus minable des rues, même le plus sale des clochards, tout brille de mille feux.
Mais le décor nest pas le plus important. Ce sont surtout les gens qui comptent, leur merveilleux accueil, leur fraternité spontanée, leur solidarité, leur simplicité, leur bienveillance et tout un tas dautres qualités ignorée par les compatriotes du malade. La personne souffrant de SPI naura dailleurs de cesse que de se débarrasser de ses racines impures pour, dans un magnifique élan fusionnel, sintégrer complètement dans la société daccueil.
Le malade se sent alors de plus en plus étranger à sa société dorigine. De retour de vacances dans ce paradis qui est lobjet de tous ses espoirs, le candidat à limmigration ressentira la déchirure que seuls ressentent ceux quon exile.
Rejet ou contournement des avertissements des immigrants déjà installés
Le contact avec les immigrants ayant déjà lexpérience du pays daccueil est troublante pour la victime de SPI. Elle ne peut pas intégrer que dautres qui sont déjà passés par là ne partagent pas le même enthousiasme quelle.
De là découlent deux types de comportement. Dabord, le rejet pur et simple. On ignore totalement ceux qui ne montrent pas une image du pays conforme à celle quon sest construite. On ne veut pas les voir, ce ne sont que des oiseaux de mauvaise augure, ils nexistent pas.
Mais très rapidement, vu le nombre de témoignages heurtant ses convictions, la victime de SPI ne peut plus les ignorer. Mais il faut quelle sen sorte quand même. Alors elle développe une stratégie dite "de contournement". Il y a bien une explication plausible à ces nombreux témoignages négatifs sur le pays daccueil. Si ces gens nont pas pu sadapter au plus beau pays du monde, ça ne peut pas venir du pays, mais bien deux-mêmes.
Alors le malade essaye de décortiquer ce qui a bien pu faire que tant de gens nont pas su sadapter. Il sauto-examine et se rassure. Lui aura plus de capacités que les autres à sintégrer car il a plus de motivation. Comme il a appris quune grande cause déchec est le rejet du pays dorigine, il se convainc que ce nest pas pour cette raison quil quitte son pays, alors que cest en complète contradiction avec le premier de ses symptômes. Mais la victime de SPI nen est pas à une contradiction près : tout est bon pour que son projet soit mené à bien.
Ayant appris que la seule façon de réussir était de ne rien attendre de son immigration et de ne partir que pour laventure, le sujet atteint de SPI nhésite pas à se mentir à lui-même pour se calquer sur ces idéaux, à lopposé de ses véritables raison de quitter son pays.
Dans les cas les plus sérieux, le malade se croit investi dune mission de formation et se met à donner des leçons aux immigrants installés depuis des années. Il leur explique la bonne conduite à tenir en pays étranger, croyant dur comme fer à sa propre méthode infaillible dintégration.
Ignorance de laffection
Le sujet souffrant de SPI ignore toujours quil en est atteint. Comme le patient atteint de la maladie dAzheimer, il pense que ce sont les autres qui sont malades.
Quand on y réfléchit bien, le SPI est très similaire à ce que peut ressentir un individu lorsquil est amoureux. La personne aimée est vue comme exempte de défauts, il ne veut rien entendre de mauvais à son sujet. Et si quelquun souligne un travers de lobjet de sa passion, il ny croit pas et explique cela par la médisance et la jalousie.
Le SPI est aggravé par lattente du visa. Il est exacerbé par les voyages dits "de reconnaissance" qui ne sont en fait que du tourisme déguisé. Ces voyages sont particulièrement néfastes au malade, car ils lenfoncent dans de vains rêves de vie sans souci au quotidien libre de contingences matérielles.
Contrairement aux affections dont soit on meurt, soit on reste idiot, le SPI nest pas mortel. Par contre, dans certains cas pas si rares, on peut très bien en rester idiot. Apprenez-donc à en reconnaître les symptômes et à les combattre. Lécoute et lhumilité sont les meilleures des thérapies pour combattre le SPI.
source
Et vous vous l'avez connu ce syndrome ?
jean luc 