Les professionnels étrangers au cœur des nouvelles politiques d'immigration

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Publié le 2023-10-03 à 10:00 par Asaël Häzaq
Dans un contexte international toujours marqué par la pénurie de main-d'œuvre, les États déploient leurs stratégies pour attirer les talents étrangers. D'autres au contraire entendent mieux réguler les relations entre expatriés et travailleurs nationaux. Tour d'horizon.

Canada

Nouveau visa pour les nomades numériques

Le Canada aussi se relance dans la course à l'attractivité, et vise particulièrement les talents étrangers de la Tech. Le visa nomade numérique canadien permet aux professionnels étrangers se séjourner 6 mois sur le territoire tout en travaillant pour un employeur étranger. Mais s'ils reçoivent une offre d'emploi venant d'une entreprise canadienne, les nomades numériques pourront demander un permis de travail de 3 ans maximum. Ils auront ainsi accès à la demande de résidence permanente.

Le visa nomade numérique se distingue donc du visa de visiteur. Actuellement, un voyageur travaillant pour le compte d'une entreprise étrangère peut venir au Canada en demandant un visa de visiteur. Il fournira les justificatifs liés à son activité professionnelle avec un certificat attestant que son entreprise lui permet effectivement de travailler à distance au Canada. Avec sa nouvelle mesure, le gouvernement entend créer un système spécifique réservé aux nomades numériques. Le visa est prévu pour entrer en vigueur à la fin de l'année.

Un million de résidents permanents de plus que les estimations du gouvernement

C'est ce qu'affirme Benjamin Tal, économiste en chef adjoint de Marchés des capitaux CIBC, banque d'investissement.  L'économiste, qui a fait part au gouvernement de ses conclusions, a aussi partagé son point de vue à la presse. D'après lui, en 2021, il y avait près de 2 millions de résidents non permanents au Canada. Très loin de la moyenne d'un million retenue par le gouvernement. 

Pourquoi un tel décalage ? D'après Tal, c'est le système de comptage qui est en cause. Le gouvernement canadien ne comptabiliserait pas les étrangers sans visa. Par exemple, Statisques Canada ne comptabilise plus les titulaires d'un visa temporaire de 30 jours, censés être partis après l'expiration de leur visa. En pratique, beaucoup demanderaient une prolongation de leur séjour. 

Autre dysfonctionnement : environ 250 000 étudiants étrangers pourtant munis d'un visa valide échapperaient aux décomptes. La cause serait à trouver du côté des formulaires de recensements, pas toujours très clairs. La « résidence principale » de l'étudiant étranger se situe-t-elle dans son pays d'origine ou dans le logement qu'ils occupent à l'étranger ? Car le même formulaire les dispense de recensement s'ils retournent vivre dans leur famille en cours d'année. Or, de nombreux étudiants auraient compris que leur résidence principale était forcément celle de l'étranger. 

Les conséquences sont graves. Les sous-estimations de Statisques Canada entraînent une sous-estimation du nombre de résidents non permanents, qui entraîne (entre autres) une sous-estimation du nombre de logements et de mauvaises évaluations de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, organisme fédéral d'État en charge du logement, qui se base justement sur les chiffres officiels pour établir ses plans. Une affaire épineuse, alors que le Canada s'empêtre dans une crise du logement. Crise qui serait donc bien plus importante en prenant les chiffres de l'économiste au lieu des données officielles. Une affaire d'autant plus sérieuse que le gouvernement entend toujours accueillir près de 500 000 nouveaux immigrants en 2024 et 2025. Pour l'instant, Marc Millier, le nouveau ministre de l'Immigration, garde ce cap. De son côté, Statistiques Canada a mis à jour ses chiffres et promet une actualisation mensuelle.

Améliorer les conditions de travail des travailleurs étrangers temporaires

Le permis de travail « fermé » protège-t-il les expatriés ou les fragilise-t-il ? C'est la question que pose le gouvernement québécois à la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT). Mardi 26 septembre, le gouvernement québécois charge la CPMT de mesurer l'impact du permis de travail « fermé » sur les expatriés et sur le marché de l'emploi québécois.

En principe, le permis de travail dit « fermé » lit le travailleur étranger à son employeur. Un lien que certains jugent à la défaveur du travailleur étranger. Plusieurs employeurs ont déjà été épinglés pour abus. Tomoya Obokata, rapporteur spécial des Nations Unies, n'hésite pas à comparer le permis de travail « fermé » à une forme d'esclavage contemporain. Il milite pour sa suppression. 

Depuis 2019, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada  (IRCC) peut délivrer des permis de travail « ouvert » pour les étrangers fragilisés (victimes de violence, par exemple). Dans le même sens, la ministre de l'Immigration québécoise Christine Fréchette envisage de mettre en place un système plus flexible pour les travailleurs expatriés temporaires. D'où le besoin d'un rapport approfondi. La ministre Fréchette a soumis des propositions alternatives, comme la création d'un « permis de travail régional » ou « permis de travail sectoriel ». Les opposants au « permis fermé » saluent l'implication de la ministre, et rappellent l'urgence d'agir conjointement avec le gouvernement fédéral.

Mise à jour du Programme parents et grands-parents 2023

Début septembre, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada  (IRCC) a annoncé une mise à jour du Programme parents et grands-parents (PGP). Le PGP permet aux citoyens canadiens et aux résidents permanents de parrainer leurs parents et grands-parents pour immigrer au Canada. Ce programme, visant à réunir les familles octroie aux parents et grands-parents la résidence permanente et l'accès à la demande de citoyenneté canadienne. 

Le 10 octobre, IRCC enverra des invitations à 24 200 parrains potentiels, et acceptera jusqu'à 15 000 demandes complètes de parrainage. C'est un peu plus qu'en 2022, où IRCC avait envoyé 23 100 invitations. Les candidats seront sélectionnés au hasard dans le vivier restant des candidatures de 2020. Les candidats ayant envoyé leur dossier en 2020, mais n'ayant reçu aucune invitation à postuler en 2021 et 2022 sont invités à consulter leur messagerie (celle mentionnée dans leur dossier de 2020). Les candidats retenus pour présenter leur demande dans le cadre du PGP pourront passer par les portails utilisés par IRCC : le portail de la résidence permanente ou le portail de résidence permanente des représentants. Cette année, Canada vise à accueillir 28 500 parents et grands-parents, et 36 000 d'ici 2025.

Option super visa

Pour faire venir leurs parents et grands-parents étrangers, les citoyens canadiens et les résidents permanents peuvent aussi s'orienter vers le « super visa ». Très populaire, le super visa est un visa temporaire qui permet aux parents et grands-parents de séjourner chez leur famille au Canada durant 5 ans consécutifs, sans besoin de renouveler leur statut de visiteur. Ils pourront entrer plusieurs fois au Canada sur une période maximale de 10 ans. Les détenteurs du super visa peuvent en outre demander une prolongation de 7 ans maximum, en tant que visiteurs. 

Autre avantage : le super visa est accessible toute l'année. Pas de loterie ni de crainte de passer à côté d'une période spécifique pour postuler. Les candidats au super visa doivent notamment fournir une lettre de leur enfant ou petit-enfant au Canada, et prouver leur filiation ; l'enfant ou le petit-enfant s'engagera à soutenir financièrement son parent. 

Pays-Bas

Fin du Golden visa

Après le Royaume-Uni, l'Irlande ou encore le Portugal, les Pays-Bas annoncent mettre fin au Golden visa le 1er janvier 2024. Annonce faite par le service de l'Immigration et de la Naturalisation aux Pays-Bas. Service qui confirme qu'à partir de janvier 2024, les investisseurs étrangers ne pourront plus bénéficier, des avantages du permis de résidence lié au Golden visa.

En effet, le passeport doré, lancé en 2013, permettait aux investisseurs étrangers d'acquérir la résidence moyennant au moins 1 250 000 euros injectés dans l'économie néerlandaise (via l'investissement dans une entreprise basée aux Pays-Bas). Les investissements devaient permettre de créer au moins 10 emplois dans les 5 ans, de contribuer à l'innovation, ou d'apporter une valeur ajoutée autre que financière (par exemple, développer le réseau client). C'est donc une nouvelle victoire pour la Commission européenne, en lutte depuis plusieurs années pour mettre fin au controversé Golden Visa. 

Diplôme d'intégration civique

Le ministère de l'Éducation néerlandais propose un nouveau diplôme, avec 3 objectifs en vue : s'assurer que chaque résident connaît le néerlandais, s'immerge dans la culture et participe activement au marché du travail. Les candidats ayant réussi l'examen recevront le précieux diplôme d'intégration civique (inburgeringsdiploma). 

Le diplôme d'intégration civique s'adresse, notamment aux personnes ayant un visa de dépendant. Ces derniers doivent obtenir un diplôme d'intégration civique dans les 3 ans suivant leur venue. En cas de manquement (non-respect des délais…), ils encourent une amende. Ce diplôme d'intégration civique peut donc être obligatoire. 

Les étrangers peuvent vérifier s'ils doivent ou non passer cet examen (inburgeringsplichtig – intégration obligatoire) sur le site du gouvernement. Par exemple, les étudiants et travailleurs étrangers ne sont pas soumis à cette intégration obligatoire. De même, les mineurs de moins de 18 ans, les personnes ayant atteint l'âge de la pension d'État, les citoyens de l'Union européenne (UE), les membres de la famille d'un citoyen de l'UE, ou encore les détenteurs de certains diplômes ne sont pas concernés par l'intégration obligatoire. Ils n'ont pas à passer le diplôme d'intégration civique et ne risquent pas non plus d'amende. Cependant, le diplôme d'intégration civique reste nécessaire pour obtenir la résidence permanente aux Pays-Bas ou pour obtenir la citoyenneté néerlandaise.

Grèce

La Grèce compte régulariser des travailleurs sans-papiers pour contrer la pénurie de main-d'œuvre. Le gouvernement grec travaille actuellement sur un plan pour permettre à 300 000 expatriés sans-papiers présents sur le territoire de travailler dans les secteurs fortement touchés par les pénuries de main-d'œuvre : la construction, l'agriculture et le tourisme. Annonce faite mercredi 27 septembre par le ministre des migrations Dimitris Kairidis. Une annonce observée avec attention par le ministre de l'Agriculture Lefteris Avgenakis, qui rappelle d'importants manques de travailleurs dans le secteur agricole (au moins 180 000 par an). Il constate qu'effectivement, « plusieurs milliers de travailleurs illégaux » résident en Grèce. Des travailleurs qui « connaissent les difficultés et les particularités » du milieu agricole, précise le ministre.

En Grèce, comme dans d'autres pays européens, les secteurs sous tension restent fragilisés depuis la crise sanitaire. La Grèce doit faire aux départs de ses ressortissants et des travailleurs étrangers arrivés légalement sur le territoire. Une situation assez inquiétante pour que l'on parle « d'exode » des travailleurs. 

Pour l'instant, pas de précisions quant à la mise en application concrète du plan. Dimitris Kairidis rappelle la nécessité de faire appel aux étrangers sans-papiers déjà présents en Grèce tout en refusant d'ouvrir un « nouveau pôle d'attraction » pour d'autres personnes clandestines. 

République tchèque

La République tchèque réfléchit elle aussi à un plan pour contrer les pénuries de main-d'œuvre. Le gouvernement propose d'augmenter le nombre de travailleurs étrangers de 20 000 chaque année. Proposition faite par le ministère de l'Industrie et du Commerce, qui envisage d'augmenter les quotas de permis de travail et de visas de travail. 

Insuffisant, martèlent les entreprises, surtout celles confrontées à d'importantes pénuries de main-d'œuvre. À lui seul, le milieu de la construction constate un manque de 60 000 maçons et autres professionnels du secteur. Les professionnels du transport indiquent qu'il lui manquera 25 000 à 28 000 travailleurs d'ici l'année prochaine. La santé a besoin de 10 000 à 12 000 infirmiers supplémentaires pour compenser les départs en retraite. L'agriculture et l'agroalimentaire recherchent en toute urgence 8000 à 9000 travailleurs étrangers. Le gouvernement compte le programme de « visas de travail extraordinaire » permettant de faire venir des travailleurs venant de Géorgie, de Moldavie, de Bosnie-Herzégovine, de Macédoine du Nord et de Mongolie.

Les économistes sont pessimistes. Comment la République tchèque peut-elle attirer les travailleurs étrangers dans un contexte de pénurie mondiale ? Les tensions du pays sont telles qu'il faudrait, pour les experts, un plan plus ambitieux. Ils rappellent que près de 800 000 personnes nées à l'étranger travaillent actuellement en République tchèque, soit environ 15 % de la main-d'œuvre. Mais les quotas du gouvernement n'ont pas suivi l'évolution de la demande ni sa mondialisation. Or, l'Inde, les Philippines ou le Népal montrent un intérêt croissant pour la République tchèque. 

Le gouvernement veut justement augmenter les quotas des talents étrangers philippins de 5000 par an. Celui des Ukrainiens augmenterait de 11 000 par an. Les visas réservés aux étrangers hautement qualifiés (ingénierie, technologies de l'information et des communications, informatique...) augmenteraient de 1500 par an. Attirer d'autres talents étrangers, viser le monde pour sortir de l'extrême pénurie. C'est le défi du gouvernement tchèque. Il révèle environ 300 000 emplois manquants. Une situation qui, couplée à la pénurie, pourrait coûter 150 milliards de couronnes tchèques rien que pour cette année.

Finlande

Une « politique des 3 mois » controversée

Vent froid au « pays le plus heureux du monde ». Le durcissement de la politique du Premier ministre finlandais Petteri Orpo ne passe pas. Le gouvernement envisage en effet de supprimer le permis de résidence pour les étrangers au chômage pendant 3 mois.

Celui qui a pris la tête du pays depuis juin 2023 se retrouve dans les mains de l'extrême droite. Élu à une courte majorité, Orpo a fait alliance avec les Vrais Finlandais, parti d'extrême droite. D'aucuns parlent d'une alliance « contre-nature » qui aura des effets sur la Finlande. Des effets qui se font déjà sentir, selon une étude intitulée « impact du programme gouvernemental du Premier ministre Orpo sur la main-d'œuvre internationale finlandaise » réalisée par l'organisation « Spécialistes en Finlande », organisation non partisane composée de professionnels internationaux. En juin, l'organisation s'était déjà prononcée contre les changements de la politique d'immigration du gouvernement.

L'étude, réalisée de juin à août auprès d'immigrants via les réseaux sociaux, a récolté 651 réponses. La grande majorité émane d'étrangers diplômés et salariés dans la Tech, gagnant plus de 3500 euros par mois. Ils se sont expatriés en Finlande au cours des 5 dernières années justement pour travailler dans un secteur spécialisé.

Pour les répondants à l'étude, supprimer le permis de résidence à tout étranger en recherche d'emploi depuis 3 mois est contre-productif. Selon eux, le délai de 3 mois est bien trop court. Ils craignent également des effets négatifs sur tous les autres aspects de la vie en Finlande. Finaliser des études, parfaire ses connaissances en finlandais, créer sa start-up, postuler dans son domaine de compétences… Le principe même de résidence serait remis en cause.

Une remise en cause encore une fois contre-productive, qui affaiblirait les perspectives économiques du pays. Plutôt que de courir pour trouver un emploi coûte que coûte dans les 3 mois, mieux vaudrait postuler dans son domaine de compétences, quitte à chercher plus longtemps. L'économie finlandaise ne cherche-t-elle pas des talents étrangers ? Les veut-elle aux postes pour lesquels ils contribueront à l'économie, ou souhaite-t-elle les détourner de la Finlande ? Car les répondants notent aussi que le gouvernement propose de rallonger le délai pour demander la citoyenneté finlandaise de 4 à 8 ans.

2/3 des répondants à l'étude estiment qu'ils ne se seraient pas expatriés en Finlande si cette politique avait déjà été mise en vigueur. La même proportion de répondants pense à quitter la Finlande si le projet controversé du gouvernement est mis en place. Un risque relayé par la presse : la Finalde doit-elle craindre un  « exode » de ses talents étrangers ? L'organisation Spécialistes en Finlande presse le gouvernement d'abandonner son projet d'extension de la durée de résidence et de rallonger le délai concernant la politique des 3 mois. Copie à revoir, donc, au risque de perdre en attractivité auprès des travailleurs étrangers. C'est peut-être ce que vise le gouvernement. Mais le danger est grand pour l'économie. D'après une étude réalisée en début d'année par l'institut de recherche économique Etla, la Finlande devrait « multiplier par 3 » son solde migratoire dans les 10 ans pour espérer combler un déficit qui ne cesse de s'aggraver.

Pénuries de main-d'œuvre persistante

D'après le dernier rapport Entrepreneur Gallup (entreprise américaine de gestion de management, ressources humaines…), un employeur finlandais sur 8 emploie des étrangers. La langue n'est pour eux pas un problème : ces entreprises affirmant disposer de compétences linguistiques suffisantes pour gérer ces recrutements. Environ 67 % des entreprises employant 5 personnes ou plus disent rencontrer des difficultés de recrutement. En mars, une étude montrait déjà que 39 % des petites et moyennes entreprises peinaient à recruter. Des difficultés qui impactent directement la croissance. La dernière étude révèle que pour un employeur sur 4 (26%), ces problèmes de recrutement sont un obstacle au développement de l'entreprise.

Ces chiffres n'étonnent pas Janne Makkula, directeur de Finland Entrepreneurs, la Fédération des entrepreneurs de Finlande. Selon lui, le manque de main-d'œuvre limite l'expansion d'au moins 80 000 entreprises en Finlande. Makkula milite notamment pour une baisse du coût du travail, une hausse des accords de branches et une simplification des contrats à durée déterminée. Des propositions retrouvées dans le rapport Gallup, sur lesquelles petits et grands patrons s'accordent. 

Selon Albert Mäkelä, expert pour Finland Entrepreneurs, l'immigration de travail n'est pas la solution pour toutes les entreprises confrontées à une pénurie de main-d'œuvre. L'étude de Gallup montre qu'à peine 10 % des entreprises comptent faire appel aux talents étrangers. Un chiffre en baisse comparativement à 2021. Mais 77 % des répondants ne prévoient pas d'embaucher des étrangers. Mais 56 % des entreprises reconnaissent l'utilité de faire appel aux travailleurs étrangers. 

D'après l'expert, les procédures d'immigration doivent être simplifiées pour remplir leur objectif : répondre rapidement aux besoins des entreprises et permettre l'embauche des étrangers. Mäkelä souligne que les besoins d'une entreprise sont sur le court terme ; les longues procédures d'immigration empêchent l'employeur d'être opérationnel au moment où il en a besoin. Un décalage qui se paie, là encore, en croissance limitée, et en perte de compétitivité. La Finlande n'en est pas à une contradiction près, entre un gouvernement engagé dans une limitation de l'immigration, et la réalité, faite de pénurie de main-d'œuvre et de vieillissement de la population. 

Corée du Sud

Du nouveau pour la résidence permanente des étrangers en Corée du Sud

Plus spécifiquement, les étrangers susceptibles de contribuer à l'économie du pays. Le 26 septembre, le ministre de la Justice Han Dong-hoon présente sa « Mesure innovante pour l'expansion de la main-d'œuvre technique qualifiée ». Le ministre compte augmenter considérablement le quota des visas de travailleurs techniques qualifiés en séjour de longue durée (E-7-4), de 2000 à 35 000. 

À terme, le gouvernement souhaite augmenter la proportion des visas E-7-4 face aux visas E-9 (visas d'emploi non-professionnel), moins protecteurs et offrant moins de perspectives d'évolution. Le ministère de la Justice estime à 300 000 le nombre de détenteurs du visa E-9 valide, dont 19 % de détenteurs résidant illégalement sur le territoire. En parallèle, à peine 10 000 étrangers possèdent un visa E-7-4 valide, dont 0,6 % de résidents illégaux. 

Le plan du gouvernement permettra aussi aux détenteurs de visa E-9 d'obtenir le visa E-7-4. Conditions : résider en Corée du Sud depuis plus de 4 ans et avec « un certain niveau » de coréen. Une fois le changement de visa fait, les étrangers concernés devront encore travailler pour leur employeur actuel durant 2 ans. Ils pourront ensuite, s'ils remplissent les conditions, obtenir la résidence (permis F-2) ou le statut de résident permanent (permis F-5).

Des personnels de ménage étrangers pour soulager les familles coréennes ?

Le gouvernement coréen n'est plus à une proposition près. Dans son combat pour booster le nombre de naissances, il sort une nouvelle carte : recruter des personnels étrangers pour alléger la charge des tâches ménagères et de la garde d'enfants des foyers coréens. Car ces deux facteurs sont ceux qui freineraient le plus les jeunes coréens. D'après une récente étude du gouvernement, plus de la moitié des 19-34 ans ne verrait pas l'utilité d'avoir un enfant, même après le mariage. À peine 36,4 % des répondants à l'étude ont une vision positive du mariage. Mais tous pointent surtout ses difficultés, notamment économiques. C'est justement pour les soulager et encourager les naissances que le gouvernement sollicite les travailleurs étrangers.

La mesure, proposée début septembre, provoque la polémique. Mais le gouvernement n'en démord pas et dévoile un projet pilote de 100 travailleurs domestiques étrangers qui seront déployés à Séoul dès le mois de décembre. Seront visés les couples mariés entre 20 et 40 ans (où les deux conjoints travaillent), les familles monoparentales, et les familles nombreuses. Ces groupes sont en effet considérés comme les plus à risque de connaître le chômage.

Les travailleurs étrangers devront au moins avoir 24 ans, ne présenter aucun antécédent judiciaire, être expérimentés et avoir des « compétences linguistiques ». Des « agences crédibles » seront en charge de les placer auprès des familles coréennes demandeuses. Prévu pour durer 6 mois, chaque programme de placement sera contrôlé par les agences.

Combien ça coûte ?

Le plan a prévu d'augmenter progressivement le nombre d'entreprises éligibles au programme, pour supporter le manque de naissances, le vieillissement de la population et les pénuries de main-d'œuvre. D'après le ministère coréen de l'Emploi et des Affaires sociales, la majorité de personnels de ménage et de garde d'enfants coréens a plus de 50 ans. Leur nombre est en constante baisse, d'où le recours aux étrangers. 

Mais pour quel prix ? De l'aveu même du gouvernement, les populations visées sont les plus susceptibles de connaître des difficultés financières. D'après le ministère, un personnel de ménage vivant dans son propre domicile gagne 15 000 wons (11,40 dollars) de l'heure. Le même travailleur  vivant chez ses employeurs gagne 4,5 millions de wons par mois (3 415 dollars). Des montants supérieurs à ce que peuvent supporter les jeunes couples coréens. Au ministère, on rappelle que le revenu mensuel moyen d'un foyer de 4 personnes n'a que de 5,04 millions de wons environ, soit 3827 dollars. Difficile de recruter un personnage de ménage dans ces conditions. 

Un projet impopulaire

Les débats restent ouverts. Certains regardent à l'étranger : à Hong Kong, on pratique déjà ces recrutements de personnels de ménage, principalement des femmes de ménage venant des Philippines ou d'Indonésie, payées bien loin du salaire minimum. Elles gagnent au minimum 4730 dollars de Hong Kong par mois (environ 600 dollars) ; un salaire bien insuffisant pour vivre sur l'un des territoires les plus chers au monde. 

Et que dire des droits des travailleurs ? Les débats se cristallisent aussi sur ce point. Conditions de travail difficiles, salaire indigne, manque de reconnaissances… Pour les détracteurs du projet sud-coréen, regarder vers Hong Kong n'est pas une solution. Les détracteurs pointent les risques accrus de main mise d'employeurs peu scrupuleux, qui profiteraient de la fragilité de ces travailleurs étrangers. Les femmes sont particulièrement menacées. Les opposants voient dans ce projet une nouvelle manière de cantonner les femmes à des activités professionnelles à bas salaires, mal considérées, sans perspective de carrière. Un non-sens, alors que le gouvernement veut justement encourager les femmes à faire plus d'enfants. Selon eux, il ne faudrait pas opposer les femmes coréennes aux femmes étrangères, mais plutôt protéger les droits des femmes et lutter pour que leurs droits soient effectifs (notamment au travail).

Vietnam

Réforme de la loi sur l'emploi des travailleurs étrangers

Le gouvernement vietnamien a réformé sa réglementation sur l'emploi des travailleurs étrangers. Désormais, l'employeur devra soumettre un rapport au ministère du Travail, des Invalides et des Affaires sociales (moLISA) ou aux départements qui lui sont assujettis. Le rapport, remis au moins 15 jours (contre 30 jours auparavant) avant l'entrée en fonction du travailleur étranger, devra clairement mentionner qu'aucun travailleur vietnamien ne disposait des compétences requises pour occuper le poste. Tout changement concernant le poste d'un travailleur étranger (titre du poste, lieu de travail, etc.) devra également être rapporté  au moins 15 jours avant l'entrée en vigueur desdits changements. 

Dès le 1er janvier 2024, une entreprise souhaitant embaucher un étranger devra au préalable l'annoncer sur le site de moLISA. Là encore, l'annonce sera faite au moins dans les 15 jours à partir du jour de soumission du rapport à moLISA ou aux antennes locales des secteurs dans lesquelles les étrangers doivent travailler. Les autorités vietnamiennes notifieront par écrit leur approbation ou leur désapprobation pour toute demande de recrutement de travailleur étranger ; la notification sera établie dans les 10 jours ouvrables à partir de la remise du rapport.

À noter que des travailleurs étrangers peuvent être dispensés de demande de permis de travail. Les enseignants et chercheurs dans les écoles internationales sont visés par cette mesure. Le décret l'étend aux travailleurs étrangers agréés par le ministère de l'Éducation et de la Formation, concernant l'enseignement, la recherche, ou les postes de direction.  

Nouvelles mesures concernant l'emploi des étrangers au Vietnam

Depuis le 18 septembre, un décret modifie plusieurs appellations concernant les travailleurs étrangers. Les titres utilisés par les entreprises (recrutement d'« expert », de « directeur », etc.) répondent à des définitions précisées dans le décret. La mesure n'est pas un simple changement de vocabulaire, mais peut avoir une incidence sur le processus de recrutement des travailleurs étrangers.

Ainsi, un « expert » doit désormais répondre à au moins un critère précis. Il possède au minimum 5 ans d'expériences validées par document officiel (certificat…). Il est diplômé de l'enseignement supérieur et justifie d'au moins 3 ans d'expérience. Il est approuvé par le moLISA. Ces 3 critères ne sont pas cumulatifs ; l'étranger doit répondre au moins à l'un de ces critères pour être recruté comme expert. 

De même, les notions de « directeur exécutif » et de « travailleur technique » sont redéfinies. Le « directeur exécutif » doit maintenant s'appeler le « président-directeur général  (PDG)». Il devra diriger une succursale, un siège social, un bureau de représentation ou exercer en tant que directeur dans un domaine de l'entreprise. Le « travailleur technique » aura au moins 5 ans d'expérience adaptée au poste qu'il souhaite occuper, ou 3 ans d'expérience adaptée + au moins un an de formation professionnelle. 

Changements concernant la demande du permis de travail

Le décret modifie plusieurs aspects de la demande du permis de travail. La demande d'un étranger devant travailler dans plusieurs endroits différents doit mentionner clairement tous les endroits concernés. Les documents justificatifs demandés aux PDG et aux experts devront être conformes aux indications du décret. Ainsi, le PDG devra, par exemple, fournir une charte ou un règlement intérieur de l'entreprise. D'autres documents précisés dans le décret peuvent être délivrés. L'expert ou le technicien devra fournir un diplôme et une attestation écrite d'une entreprise basée à l'étranger attestant du nombre d'années que le postulant a effectivement passées en tant qu'expert ou technicien.

Présentée comme une mesure simplifiant l'embauche des travailleurs étrangers, la réforme du gouvernement continue de susciter les débats entre entreprises étrangères et locales cherchant à recruter des étrangers. Des tensions que le gouvernement entend apaiser avec sa réforme. D'aucuns la qualifient de modeste, tout en soulignant un premier pas pour la simplification de l'embauche des travailleurs étrangers et la préservation de l'emploi des Vietnamiens.

E-visa pour toutes les nationalités

Depuis le 14 août, le Vietnam a lancé son système de visa électronique. Système opérationnel pour toutes les nationalités, déployé dans le cadre d'un plan de relance de l'économie, notamment touristique. D'autres secteurs sont touchés indirectement, comme celui du travail, de l'investissement, des échanges entre les pays. Car le e-visa facilite et modernise les démarches de visa. 

Le Vietnam était justement pointé du doigt pour sa bureaucratie trop lourde. Le e-visa est censé attirer davantage de touristes et de talents étrangers. Le tourisme au Vietnam est notamment porté par ressortissants sud-coréens, japonais et de certains pays européens. Ils peuvent d'ailleurs entrer sur le territoire sans visa durant 15 jours. La lancée du e-visa s'accompagne de l'extension de la durée de séjour autorisé sans visa : 45 jours au lieu de 15. Extension visant à amener plus de touristes.

La mesure se tourne aussi vers les voyageurs d'affaires. Prévu pour une durée standard de 90 jours, le e-visa est pensé pour encourager les professionnels et investisseurs étrangers à prolonger leurs voyages d'affaires. Et pour booster encore un peu plus voyages touristiques et voyages d'affaires, l'Assemblée nationale du Vietnam a validé la mise en place d'un visa à entrer multiples.

Nouvelle-Zélande

Extension de la Green List visa pour contrer la pénurie de main-d'œuvre 

Nouvelles mesures pour lutter contre la pénurie de main-d'œuvre. La Nouvelle-Zélande ajoute 17 emplois à sa « Liste verte » de l'immigration. Les emplois répertoriés sur cette liste ont un accès plus rapide à la résidence. Parmi les nouveaux métiers éligibles figurent les postes de soudeur, de gardien de prison, d'ingénieur aéronautique, d'administrateur de bases de données, de peintres de véhicules, ou encore, d'opérateurs de rouleaux compresseurs. 

Auteur de l'annonce, le ministre de l'Immigration Andrew Little précise que les employeurs de ces secteurs d'activité pourront désormais opter pour le « Green List visa » en cas de besoin de recruter un spécialiste, et si aucun travail néo-zélandais n'est compétent pour ce poste. 

Confronté à une recrudescence des pénuries de main-d'œuvre depuis la pandémie, le gouvernement néo-zélandais compte sur la simplification de l'accès à la résidence pour attirer les travailleurs étrangers. Le gouvernement se félicite déjà des 135 000 nouveaux immigrants arrivés durant l'année (fin du décompte en juillet 2023). Des arrivées qui, toujours d'après le gouvernement, ont fait baisser la pression au sein des secteurs en tensions.

Néanmoins, le même gouvernement opte pour un traitement différencié selon les secteurs d'activité. Il prévoit d'ajouter 7 professions à une liste séparée, relative à la construction et aux infrastructures (opérateur de machine, contrôleurs de la circulation routière...). Cette liste permet aux employeurs de recruter des travailleurs expatriés et de les payer à un niveau inférieur à celui prévu par le visa de travail normal.

Les propositions du parti d'opposition pour relancer le tourisme

Indispensable tourisme. Joseph Mooney, membre du parti d'opposition, le parti national de Nouvelle-Zélande (parti conservateur) le porte-parole du parti pour le tourisme, rappelle que le secteur est l'une des principales sources de revenus d'exportation de la Nouvelle-Zélande. Les revenus tirés de l'activité touristique servent notamment à financer les services publics. Or, l'activité touristique a fortement pâti de la crise sanitaire, et ne s'est pas encore totalement remise, malgré la réouverture des frontières et la reprise économique. L'inflation reste élevée et le système d'immigration actuel se montre « défaillant ». 

Pour dynamiser la croissance par le tourisme, le parti national prévoit donc un plan de 22 millions de dollars. Ce plan envisage aussi de repousser l'âge limite pour la demande du visa vacances-travail à 35 ans, contre 30 actuellement. Pour contrer la pénurie de main-d'œuvre, le plan permettrait aux détenteurs du visa vacances-travail de demander un 2e voire un 3e visa. Le parti s'engage à prendre ces mesures s'il accède au pouvoir. Depuis 2023 c'est le Premier ministre Chris Hipkins, membre du parti travailliste qui est à la tête du pays. 

Japon

Selon une récente enquête du journal japonais Kyodo news, 86% des municipalités demandent une augmentation du nombre de travailleurs étrangers. C'est bien plus que lors d'une précédente étude réalisée en 2015. Au Japon, le déclin de la population et le manque de naissance se ressentent dans de nombreux secteurs. L'étude a couvert 47 préfectures et a reçu 1682 réponses, soit un taux de participation de 94 %. 84 % d'entre elles craignent de disparaître si rien n'est fait. 

D'après l'Institut national de recherche sur la population et la sécurité sociale la population japonaise sera de 87 millions en 2070, soit une baisse de 30 % par rapport à aujourd'hui. Les personnes de plus de 65 ans représenteront près de 40 % de la population. D'où l'urgence, pour les municipalités interroger, d'en appeler à l'immigration. À peine 8 % considèrent la mesure comme « non nécessaire » ou « quelque peu inutile ». Parmi elles, des préfectures qui s'interrogent sur leurs capacités à proposer des emplois pour les étrangers. Shichigahama, ville de la préfecture de Miyagi, estime ainsi avoir une offre d'emploi trop limitée pour accueillir des travailleurs étrangers. Les villes de Nishinoomote et l'île de Tanegashima, dans la préfecture de Kagoshima, préfèrent miser sur les jeunes Japonais en les encourageant à rester sur le territoire plutôt que de migrer vers les grandes villes.

Mais les jeunes manquent, et la population vieillit. 16 préfectures reconnaissent l'importance des travailleurs étrangers (90%). La reconnaissance atteint même les 100 % dans les préfectures de Shimane et Kochi. 63 % des gouvernements locaux interrogés disent se mobiliser pour mieux accueillir les étrangers. Par exemple, grâce à des services municipaux multilingues pour un meilleur accès à l'information, grâce à des cours de japonais... 20 % disent encourager les entreprises à embaucher les travailleurs étrangers par le biais d'incitations financières. Les préfectures mettent également en place des programmes pour faciliter la rencontre entre travailleurs étrangers et entreprises japonaises. Les municipalités sont confrontées à des besoins immenses, notamment dans les secteurs de la santé, de l'agriculture ou de l'industrie. Inquiètes pour leur futur, les municipalités comptent sur l'arrivée des étrangers pour continuer d'exister. 

Union européenne

Fort rebond de la population active

Si les pénuries de main-d'œuvre se font aussi sentir dans l'Union européenne (UE), la zone euro peut compter sur un fort rebond de sa population active. Selon la Banque centrale européenne (BCE), ce rebond d'activité est davantage dû à un afflux de nouveaux individus dans la population active qu'à une baisse du nombre de demandeurs d'emploi. Fin 2022, la population active européenne retrouve son niveau prépandémique. Actuellement, elle dépasse le niveau d'avant pandémie, avec 3,8 millions d'actifs supplémentaires comparativement à 2020. 

Toujours d'après la BCE, ce rebond est largement dû aux travailleurs étrangers, venant essentiellement des pays tiers. Ce sont également eux qui ont permis de soutenir la dynamique de main-d'oeuvre durant la pandémie. Les données d'Eurostat émettent cependant une réserve : ces nouveaux travailleurs expatriés pourraient être menacés par une plus grande précarité. En effet, Eurostat note que ces salariés sont en moyenne plus jeunes que les immigrants précédemment arrivés. Ces jeunes actifs sont plus souvent des femmes, en travail à temps partiel, avec un niveau d'éducation moins élevé que les immigrants arrivés plus tôt dans l'UE.

Obligation de visas pour les citoyens américains : la Cour européenne a tranché

La Cour européenne a tranché le 5 septembre, mettant ainsi fin aux débats entre le Parlement européen et la Commission européenne. À la question : « faut-il imposer un visa aux ressortissants américains au nom de la réciprocité ? », la Cour européenne répond : « non ». Mais l'affaire s'arrêtera-t-elle là ?

En octobre 2022, le Parlement européen conspuait déjà la position de la Commission européenne, laquelle refusait d'imposer des visas aux ressortissants américains. Pourtant, les États-Unis se montraient, d'après le Parlement européen, bien moins coopératifs, imposant notamment des visas aux citoyens croates, roumains, bulgares et chypriotes. Contrairement aux autres ressortissants européens, soumis à l'ESTA, les Croates, Roumains, Bulgares et Chypriotes ont besoin d'un visa (B1/B2). Seule la Croatie a obtenu un laissez-passer en 2021.

Tant pis, répond donc la Cour européenne. Les États-Unis peuvent privilégier leurs intérêts propres ; l'UE continuera à jouer collectif. La Cour européenne rappelle au passage le pouvoir de la Commission européenne. Car entre le principe de réciprocité et la pratique, c'est bien elle qui tranche.

Actuellement, les ressortissants américains peuvent entrer sur le territoire européen sans visa. Mais dès la mi-2024, ils devront se soumettre au système européen d'information et d'autorisation de voyage (ETIAS). Inspiré de l'ESTA américain, l'ETIAS deviendra donc obligatoire dès l'année prochaine. 

Malte

Vers un plafond pour les travailleurs étrangers ?

Mardi 26 septembre, la Chambre du commerce de Malte a publié ses 250 propositions prébudgétaires, en vue du budget 2024 qui sera présenté par le ministre des Finances le 30 octobre prochain. 

La Chambre du commerce de Malte dit vouloir agir et contre l'exploitation des travailleurs étrangers. Elle relève des pratiques contre les ressortissants des pays tiers, pratiques relevant selon elle d'un « esclavage moderne ». Esclavage dont Malte tirerait parti en faisant travailler ces expatriés pour pallier les pénuries de main-d'œuvre. 

La Chambre du commerce propose un changement complet de paradigme. Plutôt que de toujours miser sur l'augmentation de la population, pourquoi ne pas miser sur l'automatisation ? À l'heure le l'IA et des robots, la Chambre a tranché et prône la « mise en œuvre de stratégies d'autonomisation pour compléter la main-d'œuvre ». D'où le recours aux plafonds.

Tous les secteurs ne seraient pas visés par ces limitations de main-d'œuvre. La Chambre du commerce exclut les secteurs de la santé, des transports publics, de la gestion des déchets, et autres « services essentiels ». Selon le plan de la Chambre du commerce, des agences agréées et scrupuleusement contrôlées seraient chargées de recruter des expatriés saisonniers pour une entreprise donnée, et pour un temps bien déterminé. En parallèle, la Chambre veut mieux cibler les talents étrangers des pays tiers. Ils se verraient proposer des offres d'emploi spécifiques, là aussi soumises à des critères précis (niveau d'emploi, de salaire…).

Des « travailleurs de qualité » dans le secteur du tourisme

Voilà la promesse faite par le ministre du Tourisme Clayton Bartolo. Car les propositions de la Chambre du commerce (limiter le nombre de travailleurs des pays tiers), partagées par le gouvernement, inquiètent les autres professionnels. Le secteur touristique est particulièrement concerné, et voit mal comment il pourrait survivre sans le secours des travailleurs étrangers. En septembre, l'Association des employeurs de Malte, l'Association des établissements de restauration ainsi que d'autres organisations professionnelles avaient pressé le gouvernement de d'abord régler le problème de la pénurie de main-d'œuvre avant d'envisager de limiter le nombre de travailleurs expatriés. 

Répondant à l'industrie touristique, Bartolo lui assure donc « le nombre de travailleurs nécessaire pour que les opérateurs puissent fournir un service de qualité. » Mais il assure vouloir aussi lutter contre l'exploitation des travailleurs étrangers et la pression locative. Face à la hausse du nombre d'étrangers sur le territoire maltais, le Premier ministre Robert Abela avait déjà averti qu'il ne soutiendrait pas les industries uniquement tournées vers le profit via le recours aux travailleurs expatriés. 

« Qualité ». Le mot est repris par le gouvernement depuis 2019, non sans susciter la polémique. On parle souvent de qualifications (travailleur qualifié/non qualifié). Mais la « qualité » est-elle synonyme de « qualification » ? De « bonne qualification » ? Le gouvernement botte en touche, préférant s'en tenir à son discours. Il insiste aussi pour que les entreprises augmentent les salaires. C'est, pour lui, l'autre levier prompt à attirer et faire rester les travailleurs étrangers « de qualité ». Bartolo souligne que Malte a engrangé davantage de bénéfices grâce à l'afflux touristique. Pour maintenir une qualité de service et retenir les travailleurs étrangers « de qualité », une hausse de salaire est nécessaire. Elle s'accompagnerait de formations destinées à améliorer les compétences des salariés. Formations qui pourraient être dispensées par l'Institut d'études touristiques.

Thaïlande

Envoyer les Thaïlandais qualifiés à l'étranger. Jeudi 21 septembre, Phiphat Ratchakitprakarn, le nouveau ministère du Travail, dévoile sa stratégie pour encourager l'expatriation des Thaïlandais. Le plan viserait à envoyer 100 000 travailleurs qualifiés thaïlandais à l'étranger dès 2024. Plus précisément, un service dédié aiderait les futurs expatriés à trouver du travail à l'étranger.

Car les demandes sont là. Les pénuries de main-d'œuvre se font toujours plus pressantes dans les États proches, comme la Corée du Sud, le Japon, Taïwan. Les besoins sont tout aussi forts dans les pays européens, en Nouvelle-Zélande, en Arabie saoudite ou au Qatar. Le gouvernement thaïlandais veut justement cibler les marchés sous forte tension (la santé, la construction…) pour nouer des partenariats avec les pays demandeurs. 

Pairoj Chotikasatien, directeur général du ministère de l'Emploi, indique que la Nouvelle-Zélande a montré son intérêt envers les travailleurs thaïlandais spécialisés dans l'agriculture, les soins (dentisterie, infirmerie) et le secteur architectural. Même intérêt pour l'Australie, qui souhaite recruter des chefs thaïlandais. Des pourparlers avec le secteur privé thaïlandais, le gouvernement et les États demandeurs doivent avoir lieu pour mettre au point les aspects pratiques et juridiques de ces partenariats. Les Thaïlandais candidats à l'expatriation peuvent solliciter le bureau pour l'emploi de Bangkok ou les antennes provinciales.

Sri Lanka

Un de plus. Le Sri Lanka a lancé son visa nomade numérique. Tiran Alles, ministre de la Sécurité publique à l'origine du projet, dit avoir voulu s'aligner sur la tendance mondiale. Difficile aujourd'hui d'échapper au nomadisme numérique. Pour l'instant, on sait que le visa sera renouvelable chaque année, sous réserve d'être toujours éligible. Le coût du visa est fixé à 500 dollars. Le postulant devra justifier d'au moins 2000 dollars de revenus mensuels pour faire sa demande (revenus acheminés par une banque sri lankaise). Le conjoint et les personnes à charge pourront bénéficier de couverture du détenteur du visa nomade numérique. 

Le gouvernement sri lankais compte sur le visa nomade numérique pour attirer davantage de talents étrangers et booster l'économie locale. Il souhaite aussi devenir une nouvelle place forte du nomadisme numérique. 

Serbie

La Serbie attire les professionnels étrangers. Ils étaient 35 000 à avoir trouvé un emploi en Serbie l'an dernier. Ils sont déjà 30 000 rien que pour le premier trimestre 2023 (chiffres du Service de l'emploi en Serbie). Ces travailleurs expatriés évoluent principalement dans l'industrie, la construction et les secteurs spécialisés comme l'informatique. D'autres bastions d'emploi sont visés (hôtellerie, travailleurs auxiliaires…).

Pour la Serbie, c'est une aubaine. Comme de nombreux autres États, le pays est touché par les pénuries de travailleurs. Charge au gouvernement d'offrir un cadre propice, et pour la croissance de la main-d'œuvre étrangère, et pour celle de la main-d'œuvre locale. Car côté ressortissants serbes, on note un désintérêt des jeunes générations pour les métiers spécialisés, techniques. Ils ne veulent ni étudier ni travailler dans ces domaines. Autre problème : le départ de nombreux travailleurs qualifiés vers les pays de l'Ouest. Il reste bien des professionnels serbes qualifiés toujours présents sur le territoire, mais en nombre trop peu important pour répondre aux besoins de l'économie. Des entreprises au carnet de commandes pourtant plein peinent à honorer leurs échéances. Les retards s'accumulent et se chiffrent en pertes importantes. 

Pour contrer ce phénomène, les experts préconisent une sensibilisation dès l'enfance aux métiers techniques et peu qualifiés. Contrairement aux a priori des parents et des jeunes, ils sont porteurs d'emploi, mais encore victimes de leur mauvaise image (métiers peu ou mal connus, réputés exigeants…). Depuis 2015, le pays s'est lancé dans plusieurs campagnes visant à réhabiliter ces métiers, et surtout, à montrer qu'ils sont rémunérateurs et qu'il est possible d'en faire carrière. Le défi reste de taille. En Serbie, des écoles spécialisées ferment, faute d'accueillir un nombre suffisant de jeunes apprentis.

Singapour

Recrutement de travailleurs étrangers dans l'hôtellerie et la restauration

Le plan du gouvernement concerne les ressortissants du Bangladesh, de Myanmar, de l'Inde, des Philippines, du Sri Lanka et de la Thaïlande. La liste des ressortissants a été étendue à ces 6 pays. Auparavant, seules les personnes originaires de Hong Kong, de Macao, de Malaisie, de Chine continentale, de Corée du Sud et de Taïwan pouvaient postuler pour le visa. 

Depuis début septembre, les ressortissants des nouveaux États éligibles peuvent donc postuler au permis de travail à Singapour pour travailler dans l'un des 9 secteurs concernés par le visa. Figurent parmi les professions concernées les cuisiniers et métallurgistes. Les personnels de ménage et porteurs d'hôtel ont été ajoutés à la liste. Les représentants de l'hôtellerie saluent la mesure du gouvernement. Étendre le permis de travail à d'autres nationalités est une autre manière, selon eux, de lutter contre le manque de travailleurs. 

À côté de ce plan réservé aux employés semi-qualifiés, Singapour propose toujours le programme Employment Pass pour les professionnels étrangers et le S Pass pour les travailleurs qualifiés. Toujours en septembre, le gouvernement a lancé « Compass », ou « cadre d'évaluation complémentaire ». Le Compass note les candidats en fonction de divers critères (salaire, niveau d'études…) pour évaluer leur adaptabilité aux secteurs de pointe, notamment, les secteurs liés à l'IA. 

Garantir un « logement acceptable » pour les travailleurs étrangers

Depuis le 19 septembre, les employeurs de la construction, des chantiers navals et de la transformation ont l'obligation de prouver qu'ils disposent de « logements acceptables » avant d'être autorisés à accueillir de nouveaux travailleurs étrangers. Annonce du ministère de la Main-d'œuvre (MOM), qui précise que ces nouvelles exigences en matière d'hébergement s'ajoutent aux conditions requises pour proposer le permis de travail. 

D'après le MOM, le nombre d'expatriés détenteurs d'un permis de travail dans ces secteurs aurait dépassé les seuils d'avant la crise sanitaire (+19%). En décembre 2022, on comptait environ 415 000 détenteurs d'un permis de travail dans la construction, les chantiers navals et la transformation, soit près de 30 % des travailleurs étrangers à Singapour. La cité-État accuse d'importants retards sur les chantiers, dus à la pandémie. La hausse du nombre de travailleurs expatriés est censée pallier les tensions dans les secteurs concernés.  

C'est pour garantir attirer les expatriés que le gouvernement agit de concert avec les industries et propose cette nouvelle exigence de logements acceptables. Car l'augmentation du nombre de travailleurs étrangers devrait aller de pair avec une hausse des logements en dortoir. Or, les dortoirs seraient pleins, et les expatriés, contraints de se loger ailleurs. L'annonce du ministère de la Main-d'œuvre est censée garantir aux travailleurs un logement décent. Les employeurs devront présenter un contrat de location en guise de preuve. Les contrevenants risquent une suspension de leur laissez-passer de travail. 

Depuis décembre 2022, les efforts conjugués du gouvernement et de l'industrie ont permis l'ajout d'environ 17 000 lits en dortoir. Insuffisant, reconnaît le ministère de la Main-d'œuvre, qui ajoute cependant ne pas pouvoir continuer d'augmenter l'offre de lit dans les mêmes proportions que la hausse de la main-d'œuvre. Il appelle donc les entreprises à augmenter leur productivité pour moins dépendre des travailleurs étrangers. 

Allemagne

Des talents étrangers plus nombreux dans les secteurs de pointe

Les sciences et les technologies ont le vent en poupe. Une étude de l'Institut économique allemand relève que le nombre de travailleurs étrangers dans les STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques) a augmenté de 190 % depuis 2012. En 2022, 202 000 expatriés en Allemagne travaillaient dans les STIM. La part des étrangers dans ces secteurs d'activités a doublé, passant 6,5 % à 12,7 %. 

L'étude montre aussi une proportion importante de ressortissants européens évoluant dans ces nouvelles technologies. Mais les professionnels indiens, américains et chinois sont également nombreux à occuper des postes qualifiés dans les STIM. En effet, le nombre d'expatriés des pays tiers a bondi de 30 300 en 2012 à 122 000 en 2021-2022. Sans surprise, les grandes villes, Berlin, Munich et Franckfort en tête, attirent davantage ces talents étrangers. Ils disent y trouver plus d'opportunités que dans les autres régions. Le réseautage professionnel serait également plus dense, et permettrait de mieux développer sa carrière.

L'étude pointe néanmoins des défis pour ces expatriés qui choisissent l'Allemagne ; la barrière de la langue constitue l'un de ces défis. Pour aider les travailleurs étrangers, des entreprises allemandes proposent des formations interculturelles et des cours de langue. Le gouvernement se dit également conscient du problème. Sa réforme de l'immigration comprend un volet sur la langue allemande. Les suggestions de l'exécutif (être moins exigeant quant au niveau de langue requis en fonction du profil) suscitent néanmoins la polémique. Pour les opposants, il faudrait au contraire renforcer le niveau de langue pour favoriser l'intégration des expatriés. La reconnaissance des diplômes constitue un autre défi. Là encore, la réforme de l'immigration tend vers plus de souplesse. Les travailleurs qualifiés éligibles pourront immigrer en Allemagne sans être contraints par les règles actuelles.

Munich rétablit les frais de scolarité pour les étudiants des pays tiers

Début septembre, l'université technique de Munich (TUM) a déclaré réinstaurer les frais de scolarité pour les étudiants des pays tiers. Les frais de scolarités pour les non Européens s'appliqueront dès la rentrée 2024-2025. Thomas Hofmann, le président de l'Université, précise que les frais de scolarités s'élèveront entre 2000 et 3000 euros par semestre pour les étudiants en Licence, et entre 4000 et 6000 euros par semestre pour les Masters. 

La décision de la TUM fait office d'exception. La Bavière a mis fin aux frais de scolarité généraux pour tous les étudiants. À Munich, capitale de la Bavière, la TUM est le seul établissement ayant décidé de restaurer les frais de scolarité pour les étudiants non européens. Hofmann défend la mesure. Selon lui, la compétition internationale entre les universités oblige à investir davantage pour améliorer la qualité des enseignements et attirer les étudiants étrangers. Les ressources de l'État sont, selon Hofmann, insuffisantes pour supporter les coûts d'investissements des établissements universitaires. 

30 % des 50 000 étudiants inscrits à TUM seraient visés par la mesure. Hofmann relativise : les frais de scolarités demandés par la TUM restent nettement inférieurs à ceux d'autres établissements dans le monde. Jouant la carte de l'apaisement, Thomas Hofmann précise que tous les étudiants pourront continuer de recevoir la bourse de l'université, qu'ils soient européens ou non. 

Mais David Vadasz, le représentant des étudiants n'en démord pas : la TUM doit soutenir tous les étudiants, indépendamment de leur origine. Faire supporter les investissements sur les seules épaules des étudiants étrangers n'a pour lui pas de sens. Vadasz craint un effet boule de neige contre-productif. Il rappelle que les étudiants étrangers « […] ne devraient pas dépendre du revenu de leurs parents ou de la disponibilité d'un emploi pour assurer financièrement leurs études, quelle que soit leur origine. »

Malaisie

De l'aveu de M. Meenaq Kumar, secrétaire adjoint de l'Association des propriétaires de salons de coiffure indiens de Malaisie, c'est « une bouffée d'oxygène ». Les salons de coiffure malaisiens ont enfin eu l'autorisation d'embaucher des barbiers. Il en manquerait au moins 6000. Mais depuis 2009, les professionnels avaient l'interdiction de faire appel aux professionnels étrangers. Selon eux, 30 %  des salons de coiffure ont dû fermer à cause de cette interdiction. D'autres professionnels ont été contraints de réduire leurs heures d'ouverture.

Selon l'Association, la venue de professionnels étrangers permettra de redynamiser le secteur et de relancer les formations des locaux. La formation des locaux fait justement partie des conditions exigées par le gouvernement, qui a partiellement approuvé les recrutements d'expatriés dans la coiffure, mais aussi dans le textile et l'orfèvrerie. Le Premier ministre Datuk Seri Anwar Ibrahim ajoute que des quotas seront mis en place. 

Intéresser les travailleurs locaux

Mais comment retenir les locaux ? Les professionnels reconnaissent que nombre d'entre eux ne restent pas longtemps, même après une bonne formation. Ils préfèrent partir pour Singapour, où ils peuvent espérer gagner 10 265 ringgits (environ 2183 dollars), contre à peine 3000 ringgits (environ 637 dollars) en restant travailler dans l'artisanat en Malaisie. Selon Datuk Abdul Rasul Abdul Razak, président de l'Association malaisienne des orfèvres et bijoutiers, difficile de tenir la comparaison. 3000 travailleurs manqueraient pour faire tourner les 200 orfèvreries et bijouteries du pays. Mais certains demanderaient 5000 ringgits (environ 1063 dollars). Un salaire que tous les professionnels ne peuvent offrir. Abdul Razak ajoute que le coût d'embauche d'un expatrié reviendrait à 6000 ringgits (environ 1275 dollars).

Revient alors le problème de la main-d'œuvre locale. Comment intéresser les ressortissants malaisiens aux métiers de la coiffure, de l'orfèvrerie ou du textile ? Pour Datin Maheswary Ramasamy, le secrétaire de la Malaysian Indian Textiles & General Stores Association, les offres sont bien là, mais les locaux se détournent de ces secteurs. Résultat : peu de locaux expérimentés dans le textile, et peu de locaux désireux d'apprendre le métier. D'après Datin Maheswary Ramasamy, 3000 travailleurs manqueraient dans le secteur. Pour l'instant, les professionnels de la coiffure, du textile et de l'orfèvrerie attendant les précisions du gouvernement concernant l'embauche des professionnels étrangers. La bulle d'oxygène ne doit surtout pas éclater.

Taïwan

Pour favoriser l'intégration des expatriés, le ministère du Travail de Taipei délivre des cours gratuits de mandarin. Le programme en est tout juste à sa deuxième année. Lancé avec le Taipei Language Institute, il vise en fait un double objectif : faciliter la vie quotidienne des travailleurs étrangers et leur permettre d'obtenir la certification nécessaire pour passer au statut de « main-d'œuvre étrangère qualifiée intermédiaire » et gagner un salaire plus élevé. 

Pour pallier la pénurie de main-d'œuvre, le gouvernement a lancé en avril 2022 son « Programme de rétention sur le long terme des travailleurs étrangers qualifiés ». Les travailleurs expatriés et les étudiants étrangers éligibles peuvent bénéficier du statut de main-d'œuvre étrangère qualifiée intermédiaire. Parmi les critères d'éligibilité figurent l'obtention d'un diplôme (étudiants) ou 6 années de travail avec validation d'un test de compétences (travailleurs). L'obtention du statut passe aussi par la validation d'un test de mandarin. D'où les cours gratuits proposés à Taipei. 

Les travailleurs passés sous le statut de main-d'œuvre étrangère qualifiée intermédiaire bénéficient toujours de l'assurance maladie et de la protection du travail. En effet, en vertu de la loi sur le service de l'emploi, les entreprises employant des travailleurs étrangers sont tenues de payer les « frais de sécurité d'emploi ». La mesure a été prise, et pour protéger les travailleurs étrangers, et pour éviter de réduire les opportunités d'emploi pour les locaux.

D'après la Workforce Development Agency (WDA), 10 276 travailleurs étrangers moyennement qualifiés ont été recrutés depuis le lancement du programme. Parmi eux, 4072 travailleurs de l'industrie et 6204 soignants.

Brésil

La mesure, annoncée en mars, est entrée en vigueur le 1e octobre. À partir du 10 janvier 2024, les ressortissants canadiens, australiens et américains souhaitant se rendre au Brésil devront obtenir au préalable un e-visa. Le gouvernement brésilien applique ici le principe de réciprocité. En 2019, le président de l'époque Jair Bolsonaro avait supprimé l'obligation de visa pour dynamiser le tourisme (le Japon était aussi concerné). Le gouvernement Lula rétablit donc le visa obligatoire, tout en promettant une procédure simplifiée, rapide, et entièrement électronique. Le ministère brésilien des Affaires étrangères travaille encore sur les détails de la mesure, et indique qu'il communiquera d'autres précisions ultérieurement.

Dès l'annonce du retour des visas, le ministère des Affaires étrangères avait invité les autres pays à négocier des accords de réciprocité. Seul le Japon a répondu à l'invitation. Le Japon et le Brésil se sont donc entendus sur un accord de réciprocité. Effectif depuis le 30 septembre, il permet aux citoyens japonais et brésiliens de se rendre dans l'un ou l'autre pays sans visa. La mesure est prévue pour durer 3 ans. Pour l'instant, l'Australie, les États-Unis et le Canada n'ont pas signé d'accords de réciprocité avec le Brésil. D'ailleurs, aucun accord de réciprocité n'avait été mis en place lorsque le Brésil avait abandonné l'obligation du visa. Les Brésiliens devaient toujours présenter un visa pour se rendre aux États-Unis, au Canada ou en Australie, même lorsqu'ils étaient en correspondance vers une autre destination. Mais les autorités brésiliennes se veulent rassurantes. Le retour du visa n'est pas un coup porté contre les touristes, bien au contraire.

Koweït

Accélérer la koweïtisation des emplois dans le public

Faut-il y voir une nouvelle étape de la koweïtisation des emplois ? Le gouvernement du Koweït veut privilégier davantage ses ressortissants travaillant dans le public. Pour ce faire, une nouvelle proposition de loi visera directement le recrutement (ou plutôt les limitations du recrutement) des expatriés dans les postes gouvernementaux. Annonce faite le lundi 25 septembre, par le porte-parole de l'Assemblée nationale Ahmad Al-Saadoun. Selon le projet de loi, le recrutement d'expatriés pour exercer des emplois gouvernementaux serait interdit tant qu'il existe des Koweïtiens pour occuper ces emplois. 

Les agences de recrutement ne pourront plus sélectionner de profils non koweïtiens pour des postes gouvernementaux. En effet, le projet de loi précise que « les emplois publics sont strictement réservés aux citoyens koweïtiens ». Une seule exception : si aucun local ne peut occuper le poste, le recrutement d'un expatrié sera possible. Un recrutement encadré et limité : les services souhaitant recruter devront tout d'abord diffuser leur annonce sur leur site Internet, sur le site Web de la Commission de la fonction publique et deux journaux locaux en langue arabe « largement diffusés ». Si aucun Koweïtien ne répond aux critères de l'annonce (qualification, expérience…), l'employeur pourra employer un travailleur étranger.

Plan d'urgence au nom de la « sécurité nationale »

Le projet de loi s'attaque aussi aux salaires, et propose que la rémunération des expatriés travaillant dans le public ne puisse plus dépasser celle des Koweïtiens occupant un poste similaire. Le contrat des salariés étrangers ne pourrait plus excéder un an ; il serait renouvelable un an, à condition de suivre le processus (diffusion de l'annonce sur Internet…). En cas de validation du projet de loi, les nouvelles mesures s'appliqueront aux travailleurs étrangers actuels, dès la fin de leur contrat.  

Ahmad Al-Saadoun justifie le texte par l'urgence d'accélérer le recrutement de nationaux. Pour lui, les étrangers occupant des postes gouvernementaux sont susceptibles de traiter des informations sensibles. Al-Saadoun y voit un risque pour la sécurité nationale du pays. Plusieurs projets de loi ont déjà été tentés pour accélérer le processus de recrutement des Koweïtiens, sans avoir eu les effets escomptés. D'après le porte-parole, la loi contribuera aussi à faire baisser le chômage des Koweïtiens.

Les expatriés interdits de modifier leur permis de travail

Nouveau tour de vis de l'Autorité publique du Koweït pour la main-d'œuvre (PAM). Pour lutter contre la fraude associée aux permis de travail d'expatriés, l'Autorité publique durcit sa politique. Désormais, les expatriés ne pourront plus modifier les données de leur permis de travail. Ces données (nom, date de naissance…) ne pourront être changées qu'après observance d'une procédure stricte. Un employeur souhaitant modifier un permis de travail devra demander une annulation du visa 2 semaines suivant la délivrance du permis de travail. Les démarches seront à faire auprès du ministère de l'Intérieur. 

Ces modifications font suite au rapprochement entre PAM et le ministère de l'Intérieur, dans le but de mieux lutter contre les activités frauduleuses. PAM a également mis en place un nouveau service électronique visant à rationaliser le processus d'annulation des visas d'entrée des travailleurs expatriés. Les employeurs peuvent désormais accéder aux formulaires électroniques du PAM et cocher l'option « annuler le visa de travail » de l'expatrié concerné. Ils devront ensuite enregistrer ces données et les soumettre à « une déclaration de validation des données ». 

Émirats arabes unis

Le ministère des Ressources humaines et de l'Emiratisation (MOHRE) a choisi Instagram pour faire son annonce. Annonce faite le 26 septembre. Si les Émirats arabes unis (EAU) entendent se positionner comme le pays favori des talents étrangers (près de 90 % de sa population est étrangère), il rappelle qu'il existe des règles à respecter pour travailler sereinement. Il rappelle aussi que les droits des salariés comme ceux des employeurs sont bien établis et respectés. Cependant, le ministère rappelle 10 cas pour lesquels un employeur pourra légalement licencier son salarié.

Le licenciement sera donc possible si :

  1. Le travailleur a présenté de faux documents pour se faire embaucher ou s'il s'est présenté sous une fausse identité.
  2. Le salarié reconnaît avoir volontairement endommagé des biens appartenant à son employeur ou s'il a commis une erreur entraînant un préjudice matériel important à l'entreprise.
  3. Le travailleur enfreint le règlement intérieur de l'entreprise concernant le respect des normes de sécurité. 
  4. Le travailleur continue de ne pas respecter ses obligations et d'enfreindre les règles mentionnées dans le contrat, malgré les avertissements de l'employeur.
  5. Le travailleur divulgue les informations confidentielles de l'entreprise, provoquant des pertes financières pour l'entreprise ; le travailleur sera également licencié si la divulgation a servi ses intérêts personnels.
  6. Le travailleur est « instable mentalement » et a consommé de l'alcool ou de la drogue sur le lieu de travail.
  7. Le travailleur a agressé son employeur, son manager ou ses collègues.
  8. Le travailleur ne parvient pas à justicier ses absences : plus 20 jours intermittents dans l'année ou plus de 7 jours consécutifs.
  9. Le travailleur profite de sa position dans l'entreprise pour obtenir des avantages personnels.
  10. Le travailleur s'engage auprès d'une autre entreprise sans respecter les règles en vigueur. 

Si l'une de ces dix raisons est démontrée, l'employeur pourra licencier son salarié sans préavis.

Dubaï

Très chère Dubaï. La ville n'en finit plus de battre des records. +20 % en un an pour le coût moyen d'un appartement à Dubaï. D'après CBRE Group, société américaine de services immobiliers commerciaux et d'investissement, il s'agit de la plus forte hausse depuis 10 ans. CBRE Group et les experts du marché résidentiel de Dubaï publient un rapport qui confirme les chiffres. L'envolée des prix des logements s'observe depuis 2014, avec une accélération cette année 2022-2023, année de tous les records. Le rapport a noté 79 605 logements achetés et vendus. 

D'après les experts, Dubaï doit son fort rebond au boom des cryptomonnaies et aux stratégies des riches investisseurs (en particuliers provenant de Russie et d'autres pays asiatiques), qui se sont reportés sur les logements de Dubaï pour sécuriser leurs actifs. Le contexte international (invasion russe en Ukraine, inflation, crise énergétique...) fait flamber les coûts. Le loyer annuel moyen d'un appartement s'élève à 29 000 dollars ; celui d'une villa grimpe à près de 88 000 dollars. 

À Dubaï, le marché immobilier de luxe se porte bien. En 2022, Dubai devient la 4e place forte de l'immobilier de luxe. C'est la première fois que la ville occupe une telle position. Tout comme le Qatar et la Turquie, les Émirats arabes unis (EAU) ont largement profité des investissements immobiliers russes. Mais les expatriés moyens pourront-ils résister à la pression des loyers ? Dubaï est-elle devenue trop chère pour les expats ? Loin du faste du luxe, nombre d'entre eux font part de leurs difficultés à se loger à Dubaï.

Maroc

Autoriser la naturalisation des conjoints étrangers mariés à une citoyenne marocaine. C'est le projet de loi qu'a proposé le ministère de la Justice en début septembre. Le ministre de la Justice Abdellatif Ouahbi défend la mesure, qu'il considère comme un nouveau pas vers l'égalité des sexes. La mesure s'inscrit également dans un vaste plan de développement du système juridique marocain, pour une plus grande ouverture du Maroc aux normes mondiales en ce qui concerne l'acquisition de la nationalité. Concrètement, le projet de loi vise à modifier l'article 10 du Code de la nationalité marocaine, pour autoriser les conjoints étrangers à obtenir la citoyenneté marocaine via le mariage.  

Jusqu'alors, l'article 10 (modifié en 2007) ne concernait que « la femme étrangère [ayant] épousé un Marocain ». Cette dernière pouvait, si elle remplissait les conditions « souscrire […] une déclaration adressée au ministère de la Justice en vue d'acquérir la nationalité marocaine. » Le projet de loi cible les conjoints étrangers mariés à une citoyenne marocaine.

Le ministre se dit aussi sensible aux évolutions sociétales, politiques et culturelles sur le territoire marocain. Mesure pour l'égalité entre les sexes, la naturalisation du conjoint étranger marié à une citoyenne marocaine est aussi une lutte contre les discriminations. Ce n'est pas la première fois que la question est abordée. Déjà en 2018, des partis de la majorité gouvernementale de l'époque estimaient que l'article 10 du Code de la nationalité marocaine était discriminatoire. 

Égypte

Comment dynamiser le tourisme tout en soutenant l'éducation ? L'Égypte dit avoir résolu l'équation et propose son « tourisme éducatif » nommé « Egyaid ». En pratique, il s'agit d'octroyer des bourses d'études, des droits à la résidence et au soutien scolaire. L'initiative est destinée à attirer les étudiants arabes, africains et les autres étudiants étrangers à privilégier l'expatriation dans les pays proches (Égypte en tête). Lancé par le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique Ayman Ashour, Egyaid est effectif depuis le 28 août 2023.

Étudier en Égypte plutôt que dans les autres pays internationaux. Egyaid s'inscrit dans une vaste « Stratégie nationale pour l'enseignement supérieur 2030 ». Les ministères de l'Enseignement supérieur et de la Recherche se sont associés au ministère des Transports et de l'aviation civile et au ministère du Tourisme et de la Culture pour mener à bien ce projet. Selon le ministère de l'Enseignement supérieur, les efforts de l'exécutif portent leurs fruits. 33 % d'étudiants internationaux supplémentaires se sont inscrits en Licence dans les universités égyptiennes (année 2022-2023). L'exécutif veut augmenter le nombre de bourses et renforcer le soutien scolaire, culturel et médical, pour attirer encore plus de talents étrangers. Les étudiants de premier cycle bénéficieront d'une réduction de 25 % de leurs frais de scolarité. Le chiffre passe à 50 % pour les diplômés. 

Former les talents étrangers de demain

Des programmes seront également mis en œuvre pour former les talents étrangers aux métiers d'avenir, en particulier dans l'IA, les énergies renouvelables et la robotique. D'autres mesures seront déployées, comme le visa éducatif qui permettra aux étudiants internationaux d'accéder à la résidence. Les étudiants pourront en outre bénéficier de réductions sur les transports ou pour participer à des activités culturelles. 

Pour les experts, l'Égypte et d'autres pays d'Afrique du Nord disposent de nombreux atouts pour capter les talents étrangers. Reste à relever le défi d'améliorer la qualité de l'enseignement pour véritablement concurrencer les autres universités. Pour les experts, l'Égypte gagnera des points dans la bataille des coûts financiers (étudier en Égypte coûte entre 7000 et 15 000 dollars par an), et a tout intérêt à investir dans le tourisme éducatif. 

Pakistan

Le Pakistan a présenté une nouvelle politique de visa visant les investisseurs étrangers. Pour relancer son économie, le Pakistan veut miser sur les capitaux étrangers. Annonce faite lors du Conseil spécial de facilitation des investissements (SIFC). Le nouveau système rendra les visas plus accessibles pour les investisseurs et entrepreneurs étrangers. En pratique, les gens d'affaires pourront obtenir leur visa grâce à un document unique fourni par une organisation internationale ou par leur État.

Pour sortir du marasme économique, le Pakistan mise aussi sur les relations avec les autres pays, notamment la Chine, les États-Unis et les pays du Golfe. La Chine profite déjà du corridor économique établi avec le Pakistan (CPEC). Le ministre de la Justice Ahmad Irfan Aslam rappelle que la Chine est l'un des plus importants partenaires commerciaux du Pakistan. Contrairement aux pays occidentaux, la Chine s'est déjà prononcée en faveur du plan pour la facilitation des investissements. L'Indonésie a également affiché son intérêt pour le SIFC. Le Pakistan compte bien sur son programme pour attirer durablement les investisseurs étrangers et dynamiser son économie.