Retraite à l'étranger : les défis du versement des pensions pour les expatriés

Vie pratique
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Publié le 2023-08-23 à 11:00 par Asaël Häzaq
Le 22 juin dernier, le Conseil d'orientation des retraites françaises (Cor) en France a publié son rapport. Un débat sur les retraites promet de nouveaux coups. Selon le Cor, la réforme ne ramènera pas les comptes à l'équilibre en 2030. Un couac pour le gouvernement français, qui avait justement fait campagne sur cet objectif d'équilibre. Ailleurs dans le monde, et à mesure que la population vieillit, le dossier des retraites amène des débats tout aussi brûlants. Qu'en est-il pour les retraités expatriés ? Est-il difficile de percevoir sa retraite quand on vit à l'étranger ? Que faut-il prévoir ?

Pension et retraite à l'étranger : un casse-tête administratif 

Sur le papier, tout est clair. Il est tout à fait possible de toucher sa pension de retraite à l'étranger. Les conventions sociales établies entre le pays d'origine et le pays d'expatriation définissent le droit applicable en la matière. Il suffit donc de faire une demande auprès de la caisse d'assurance vieillesse de son pays, accompagnée des justificatifs qu'elle demande (dont le certificat prouvant le lieu de résidence et le compte en banque à l'étranger, pour que les versements puissent être faits). Cette demande doit être faite avant le départ à l'étranger. Ensuite, les services dédiés dans le pays étranger font le lien avec les services du pays d'origine pour que le retraité étranger puisse percevoir sa pension de retraite. En principe donc, tout est fait pour que la procédure soit la plus fluide possible.

Mais en pratique, bouchons et retards sont le lot de nombre de retraités. En cause, des dysfonctionnements dans la transmission des informations entre les services. Parmi les possibles causes de ces dysfonctionnements, les modifications des règles dans le pays d'origine ou le pays d'expatriation. Un temps d'adaptation est souvent nécessaire pour que ces règles soient intégrées par les deux parties. Par exemple, en juillet 2023, l'Australie a relevé une nouvelle fois l'âge légal de la retraite. Les personnes nées après le 1er janvier 1957 devront ainsi attendre 67 ans pour partir à la retraite. C'est la dernière étape d'une mesure prise en 2009, et qui a rallongé progressivement l'âge de départ à la retraite. Ces changements touchent, et les retraités australiens à l'étranger, et les étrangers retraités en Australie.

En principe, tout est fait pour que les opérations restent transparentes aux yeux de la population. Des retards sont cependant observés à plusieurs niveaux, à commencer par les administrations des États délivrant la retraite.

Trop de retraités, des agents dépassés ?

Et si le problème venait des retraités eux-mêmes ? C'est à demi-mot ce que laisseraient entendre certains organismes. Leur calcul est simple : le nombre de retraités augmente de plus en plus vite. À elle seule, la France compte environ 1 million de retraités expatriés. Un chiffre en hausse, qui s'ajoute aux nombres de retraités sur le territoire français, toujours plus nombreux. Partout dans le monde, les baby-boomers prennent leur retraite. La pression serait encore plus forte dans les pays favoris des retraités expatriés, comme le Portugal, l'Espagne, la Grèce, Malte, le Maroc, la Thaïlande, la Colombie ou le Costa Rica.

Si, pour un grand nombre de retraités, tout se passe bien, certains font part de retards dans le versement de leurs pensions de retraite. Pour eux, pas question de rejeter la faute sur un trop grand nombre de dossiers à gérer. L'engorgement des services serait davantage dû à un manque d'agents administratifs, et un manque de coordination entre les services des deux pays. De leur côté, les agents pointent des dossiers d'expatriés parfois complexes, avec des carrières plus ou moins longues, des carrières hachées, incomplètes ou insuffisamment renseignées… Autant de situations qui rallongeraient le temps de traitement des dossiers, mais aussi le taux d'erreur. Des situations qui mettent parfois les expatriés en grande difficulté.

Très long temps d'attente

Huit mois, un an, deux ans… Dans certains pays, les délais pour toucher sa pension de retraite s'allongent, obligeant nombre d'expatriés à puiser dans leurs ressources. C'est le cas du Canada, qui, très loin de son image de pays favoris des expatriés, peine à boucler les dossiers des retraités étrangers. Avec un peu plus de 6800 dossiers en cours de traitement depuis plus d'un an, Service Canada, l'administration en charge du versement des pensions des retraités expatriés, sature et accumule les retards. Pour les étrangers concernés, la situation peut vite devenir dramatique. Entre les pensions qui ne viennent pas et les économies qui s'épuisent, on est loin de la retraite paisible.

Comment expliquer ces délais à rallonge ? Côté Canada, tout part des accords internationaux passés avec les autres États. La procédure est ainsi bien plus complexe qu'il n'y paraît. Service Canada est effectivement l'interlocuteur des expatriés qui demandent leur retraite. Un service qu'il semble difficile de contacter, d'après les expatriés lésés.

Et le problème ne serait pas uniquement vu côté expatriés. Les locaux constatent eux aussi des retards dans le traitement de leurs dossiers. C'est tout le système fédéral qui serait grippé. Pour les médias canadiens, ces temps d'attente à rallonge ne seraient pas dus à un manque d'agents. Ils rappellent les chiffres publiés par Emploi et développement social Canada (EDSC), qui montrent une augmentation du nombre d'agents de la Sécurité de la vieillesse. Ils sont passés de 1142 en 2015-2016 à 1802 en 2021-2022, soit 58 % de plus. Sur les mêmes périodes, le nombre de dossiers a baissé de 887 155 à 737 737. Plus d'agents, moins de dossiers, et pourtant, des temps d'attente rallongés. C'est un nouveau coup dur pour l'administration fédérale qui accumule les couacs (retard dans le traitement des dossiers de demande d'immigration, de passeport...)

Pension de retraite dans le pays d'expatriation : ce qu'il faut prévoir

Pour éviter au maximum les complications, mieux vaut se préparer en amont : au moins un an avant la date prévue du départ en retraite. L'on conseille au futur expatrié de s'entretenir avec sa caisse de retraite pour préparer sa vie à l'étranger. On rappelle qu'il devra faire une demande de retraite auprès de sa caisse. Les pensions ne sont pas versées automatiquement. L'envoi du dossier se fera au moins 4 mois à l'avance. Trop d'anticipation (plus de 6 mois avant) risquerait, au contraire, de reléguer le dossier au placard.

Mieux vaut bien se renseigner quant au pays d'expatriation. Des classements mettent souvent à l'honneur les pays favoris des expatriés. Ils ont comme point commun un cadre de vie privilégié et un coût de la vie souvent attractif. Mais il convient de toujours vérifier si ces pays ont signé des accords régissant le versement des pensions avec le pays d'origine. Là encore, faire appel à des experts (conseiller santé, bancaire, juridique, retraite, expert en expatriation) permettra d'y voir plus clair, non seulement concernant la retraite, mais également concernant l'imposition, les investissements possibles ou encore, l'assurance santé.

Si le coût de la vie attractif du pays étranger pèse sur la balance, il ne devrait pas être la principale motivation de l'expatriation. En effet, le coût moral est tout aussi important. Partir loin de ses proches impacte le quotidien. Même un voyage dans le pays d'à côté peut avoir des conséquences qu'il convient d'anticiper. L'idéal serait d'effectuer plusieurs voyages dans le pays étranger, hors saison touristique, pour se tester.

On n'insistera jamais assez sur l'importance d'apprendre la langue du pays d'accueil. Même sans devenir parfaitement bilingue, avoir un niveau conversationnel facilitera l'intégration. Certains retraités optent pour des pays utilisant la même langue qu'eux pour s'épargner des difficultés. Même dans ce cas, il convient de prendre le temps de découvrir la culture locale, pour, là encore, mieux s'intégrer. La retraite à l'étranger reste une expatriation avec toutes ses joies et ses possibles turbulences. En cas de problème, surtout concernant le versement de la pension de retraite, le mieux est d'avertir au plus vite sa caisse d'assurance maladie et de ne surtout pas rester isolé.