Études à l'étranger : nouvelles stratégies des pays pour attirer les étudiants

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Publié le 2023-07-25 à 14:00 par Asaël Häzaq
À l'issue de la 75e Conférence de l'Association des éducateurs internationaux (NAFSA), la plus grande association dédiée à l'éducation internationale (entre le 30 mai et le 2 juin), les États affûtent leurs stratégies. Rassemblés à Washington, tous ont présenté leur plan pour attirer davantage d'étudiants étrangers. Inspiration et inclusion sont à l'honneur – tels étaient les thèmes de la Conférence. Les pays ont bien compris la nécessité d'investir dans l'accueil et la formation des étudiants étrangers pour garder les talents. Quels sont actuellement les États les plus attractifs pour les étudiants étrangers ?

Stratégies des pays pour attirer les étudiants internationaux

Facilitation des démarches de visa étudiant, développement des programmes en anglais, permis de travail post-diplôme, aides financières… Les États déploient leurs stratégies pour attirer et surtout garder les étudiants étrangers.

Allemagne

L'Allemagne a le vent en poupe chez les étudiants internationaux. D'après le Service allemand d'échanges universitaires (DAAD), 76 % des étudiants étrangers ont choisi l'Allemagne comme première destination. En 2021-2022, ils étaient 350 000 à être inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur. L'Allemagne explique son succès en grande partie grâce au déploiement de ses programmes en anglais. La moitié de ces étudiants suit un programme en anglais. En 2022, l'Allemagne est devenue la première destination européenne recherchée pour ses programmes en anglais, devant le Royaume-Uni et les Pays-Bas.

La grande majorité des étudiants (91%) a choisi l'Allemagne pour la qualité, la diversité, et le choix des programmes accessibles en anglais, ainsi que pour le bon cadre qu'elle offre pour étudier. Ils sont à peine moins nombreux à citer les chances d'obtenir un diplôme reconnu à l'international (88%), les bonnes perspectives d'emploi pour les diplômés (81%), et des frais de scolarité très compétitifs (79%). La stratégie allemande paie. Elle investit désormais pour garder ses talents étrangers. Selon l'étude de la DAAD, 29 % souhaitent rester en Allemagne après leurs études. 32 % l'envisagent.

Turquie

« Étudier en Turquie ». L'État développe sa communication et met ses universités en avant. Pour attirer les étudiants étrangers, ces dernières comptent sur leurs cursus diversifiés et leur approche « innovante et inclusive ». Selon Irfan Gündüz, président du Conseil des entreprises de l'économie de l'éducation, 310 000 étudiants étrangers sont actuellement inscrits en Turquie. Un chiffre un peu en dessous du plan du gouvernement, qui prévoyait d'en accueillir 350 000, mais un chiffre encourageant. Irfan Gündüz assure que le pays pourrait même atteindre les 500 000 étudiants étrangers d'ici la fin de l'année.

Loin des questionnements politiques, Gündüz préfère parler économie. Les étudiants étrangers, ambassadeurs de leurs pays, sont autant de partenaires économiques potentiels. Dans un monde inflationniste où les frais de scolarité flambent, la Turquie veut incarner l'alternative. Le gouvernement, quant à lui, rappelle que les universités turques proposent des programmes de qualité (notamment en médecine, en sciences sociales et en ingénierie), dont une partie en anglais. L'État facilite les démarches des étudiants étrangers grâce à son visa en ligne ; plusieurs types de bourses sont également disponibles, selon le pays d'origine de l'étudiant.

Canada

Tous au Canada. Le pays reste l'un des grands favoris des étudiants étrangers. C'est ce que confirme l'étude « Emerging Futures » menée par IDP Education ; étude menée avec 21 000 étudiants et futurs étudiants étrangers, venant de plus de 100 pays différents. Selon les résultats de l'étude, le Canada est la première destination des étudiants étrangers (27%), juste devant l'Australie (23%) et les États-Unis (21%). Principales raisons de ce succès : la qualité des programmes universitaires, les opportunités d'expériences professionnelles après l'obtention diplôme, le bon cadre de vie pour les étudiants étrangers (accueil chaleureux des Canadiens, villes cosmopolites…), les aides et les possibilités de travail à temps partiel.

La plupart des étudiants (72%) se disent prêts à postuler pour un permis de travail post-diplôme. Ce visa fait d'ailleurs partie des bons points relevés par les étudiants étrangers. Pour eux, il facilite les opportunités d'emploi et l'insertion sur le marché du travail. Une bonne nouvelle pour le Canada, qui investit pour garder ses talents étrangers. Le Canada accueille actuellement 800 000 étudiants étrangers. Le gouvernement s'est engagé à faciliter leur venue et leur insertion sur le marché du travail. Certains titulaires du permis de travail post-diplôme peuvent ainsi « obtenir un permis de travail supplémentaire de 18 mois ».

Les Programmes des étudiants étrangers (PEE) mis en place par les provinces et territoires canadiens ont été mis à jour à l'automne 2022 pour s'assurer de la compétitivité du Canada sur le plan économique et sur le long terme. Et pour faciliter les démarches des étudiants étrangers, le gouvernement développe les démarches 100 % en ligne. Suite au succès de son projet pilote, le gouvernement a étendu la possibilité, pour les étudiants, de soumettre « 100 % de leurs demandes en ligne » (contre 60 % auparavant). La mesure se déploie cette année.

Indonésie

L'Indonésie deviendra-t-elle une future destination phare pour les étudiants étrangers ? Alors que l'État s'est lancé dans de nouvelles mesures pour attirer les riches expatriés (Golden visa, visa nomade numérique, Second home visa), il ambitionne aussi d'attirer les talents universitaires. L'université Muhammadiyah Surakarta, l'établissement le plus réputé du pays, offre ainsi des bourses entièrement financées pour les étudiants étrangers. Si l'université vise en particulier les étudiants des pays musulmans en développement, elle se dit ouverte à toutes les nationalités.

Cette stratégie s'inscrit dans une politique gouvernementale pour la croissance économique. Le pays a souffert de la pandémie et des multiples crises (inflation, énergie…). S'il a depuis renoué avec la croissance (4,8 % en 2023, selon les prévisions de la Banque asiatique de développement), il maintient les efforts pour devenir la 6e économie mondiale à l'horizon 2030 (l'Indonésie est actuellement la 16e économie mondiale). Pour l'exécutif, les étudiants étrangers constituent une richesse à entretenir et à valoriser. Ce sont autant de talents étrangers qui viendront booster l'économie.

Étudiants internationaux : une manne financière

Les étudiants font partie intégrante de la stratégie de croissance des États. Pour le dire plus simplement : ils rapportent gros. Les universités britanniques l'ont bien compris, d'où leurs craintes vis-à-vis des récentes annonces pour réduire le nombre d'étudiants étrangers. En France aussi, on est conscient des retombées, non seulement économiques, mais aussi culturelles de ces étudiants. La France a fait ses comptes : les étudiants internationaux lui rapportent environ 1,35 milliard d'euros par an. Le pays, qui accueille quelque 300 000 et 400 000 étudiants étrangers en moyenne par an (+35 % en 5 ans) a pourtant encore fort à faire pour se hisser au rang des États les plus attractifs. Les États-Unis restent en haut du panier, avec environ 33,8 milliards de dollars annuels apportés par les étudiants étrangers à l'économie. Le pays perd pourtant des étudiants, qui préfèrent se rendre au Canada, pays star des expatriés.

Pour augmenter leurs bénéfices tout en accueillant moins d'étudiants, certains États appliquent des frais de scolarité très élevés pour les étrangers. C'est le cas du Royaume-Uni et des Pays-Bas. Avec 3 fois moins d'étudiants étrangers qu'en France, les Pays-Bas parviennent à engranger environ 1,5 milliard d'euros. Les étudiants non européens doivent payer des frais de scolarité compris entre 6000 et 15 000 euros (tarif licence). C'est entre 15 000 et 19 000 euros pour étudier au Royaume-Uni. Une stratégie décriée par plusieurs associations étudiantes et groupes de défense des immigrants.

Garder les talents étrangers pour lutter contre la pénurie de main-d'œuvre

Au jeu de l'attractivité, certains pays se défendent mieux que d'autres. L'Allemagne a devancé la France, notamment grâce à la diversité des programmes en anglais et une implication plus franche des entreprises. Le pays investit pour garder ses étudiants étrangers. Dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre toujours plus criant, attirer et surtout retenir ses talents est le défi des États.

C'est surtout le défi de la Turquie, dont le marché du travail reste limité pour les étrangers. Certains domaines leur sont interdits en vertu de la loi (la médecine, par exemple). En France, on tente de résoudre le paradoxe : de nombreux étudiants étrangers disent vouloir rester, mais une part seulement le fait concrètement. La faute à une politique de visa trop contraignante et un accès encore trop restreint à l'emploi, selon le Conseil d'orientation pour l'emploi. C'est l'autre chantier des États : simplifier les démarches de visa pour garder leurs talents étrangers. La France ambitionne d'accueillir 500 000 étudiants étrangers en 2027.