Expatriation au féminin : quels sont les défis ?

Vie pratique
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Publié le 2023-04-04 à 13:00 par Ameerah Arjanee
S'embarquer dans une nouvelle aventure à l'autre bout du monde en tant que femme peut s'avérer plus difficile que pour les hommes. Le niveau de sécurité et l'obstination des normes patriarcales varient selon les pays. Lorsque les femmes s'installent à l'étranger, elles doivent tenir compte de la manière dont ce nouveau pays traite les femmes ou encore des normes de genre qui régissent la culture d'entreprise. Le réseautage avec des femmes expatriées et locales peut leur procurer un soutien émotionnel pour leur permettre de s'adapter à la vie dans ce pays. 

La sécurité dans les espaces publics peut être un défi pour les expatriées

Malheureusement, les femmes sont plus vulnérables que les hommes face au harcèlement et aux agressions dans les espaces publics. Certaines villes et certains pays peuvent être moins sûrs pour les femmes, plus particulièrement à la nuit tombée et lorsqu'elles ne sont pas accompagnées. 

En 2022, l'application de stockage de bagages « Bounce » a mené une étude sur les pays les plus sûrs pour les femmes qui voyagent seules. L'Irlande, l'Autriche, la Norvège, la Slovénie et la Suisse ont été classées parmi les pays les plus sûrs sur la base de critères tels que leur indice de sécurité, leur indice global d'écart entre les sexes et les taux de violence subis par les femmes. L'Australie, la Grèce et plusieurs pays d'Amérique du Sud (Mexique, Costa Rica, Chili, Colombie) sont parmi les pays qui ont décroché un score de 50 % ou moins en ce qu'il s'agit du pourcentage de femmes qui se sentent en sécurité lorsqu'elles marchent seules la nuit.

Sur le forum d'Expat.com, une expatriée américaine du nom de CaribeGal a partagé son expérience de l'attention masculine non sollicitée à laquelle elle doit faire face dans les espaces publics au Mexique, en particulier lorsqu'elle n'était pas accompagnée de son mari. La plupart de ces attentions ne lui semblaient pas irrespectueuses, mais d'autres expatriées au Mexique qui s'exprimaient également sur ce forum n'étaient pas sur la même longueur d'onde. Deux autres expatriées américaines, Taka.rose et travellight, ont trouvé l'attention similaire qu'elles ont subie comme étant déstabilisante. L'une d'entre elles indique qu'elle a dû se montrer très ferme dans son refus des avances sexuelles pour que les hommes la laissent tranquille en public.

Certains pays/villes ayant un grave problème de harcèlement sexuel dans les transports en commun ont même mis en place des rames ou des taxis réservés uniquement aux femmes. Depuis 2006, toutes les lignes de métro de Rio de Janeiro sont légalement tenues d'avoir une rame exclusivement féminine. Cette mesure existe également au Japon, dans certaines régions d'Inde et en Égypte. Le Caire dispose d'un système de « taxis roses » conduits uniquement par des femmes et qui sont équipés de caméras et de microphones.

Le traitement des hommes et des femmes peut être différent

Même en tant que non-citoyen, vous serez probablement soumis à la plupart des lois de votre pays d'accueil en matière d'égalité entre les hommes et les femmes. Certaines de ces lois peuvent sembler discriminatoires, surtout si on les compare aux lois plus progressistes de votre pays d'origine.

La Banque mondiale indique que 104 pays interdisent aux femmes d'exercer certains emplois. En Malaisie, par exemple, les femmes ne peuvent pas transporter des marchandises ou des passagers la nuit dans le cadre de leur travail. Certaines de ces lois ne concernent pas le travail. Aux Émirats arabes unis, si une expatriée divorce de son conjoint (qu'il soit émirati ou expatrié), la charia (loi islamique) lui rend la garde de ses enfants particulièrement difficile. 

L'organisme Human Rights Watch a tiré la sonnette d'alarme sur cette forme de discrimination à laquelle sont confrontées non seulement les femmes locales, mais aussi les femmes expatriées en cas de divorce. La presse internationale a d'ailleurs fait état du cas d'Afsana Lachaux, une ancienne expatriée britannique aux Émirats arabes unis, qui a perdu la garde de son fils en 2011 après avoir divorcé de son mari français. Même si la cour d'appel française a jugé son divorce aux Émirats arabes unis « discriminatoire », elle n'a toujours pas pu obtenir la garde conjointe de son fils. À savoir que ce verdict a été rendu alors que le couple n'avait jamais contracté de mariage islamique et même si leur mariage avait été enregistré au Royaume-Uni.

Sur le forum d'Expat.com, des expatriées dans d'autres pays conservateurs affirment qu'il est possible de contourner certaines lois restrictives fondées sur le genre. Les expatriées de la ville saoudienne de Jubail, par exemple, affirment que les femmes peuvent se déplacer librement et en toute sécurité tant qu'elles portent l'abaya. Une autre astuce consiste à réserver des réunions officielles pour pouvoir travailler avec des collègues masculins dans un espace mixte. Le réseautage avec des femmes (locales et expatriées) dans ces pays peut être le meilleur moyen d'apprendre des stratégies pour contourner ces restrictions.

La parité des genres peut être différente dépendant du pays d'expatriation

Certaines règles ne sont pas inscrites dans la loi : elles sont tacites, elles font partie du tissu des normes sociales et de la culture d'entreprise. L'égalité des sexes sur le lieu de travail peut ne pas être une priorité dans certains pays, et les règles patriarcales concernant les codes vestimentaires ou la participation aux réunions peuvent être omniprésentes. 

Parmi les pays hautement développés, la Suisse affiche une note exceptionnellement faible en matière d'égalité des genres sur le lieu de travail. L'indice du plafond de verre du magazine The Economist la classe 26e sur 29 pays de l'OCDE. L'écart moyen de rémunération entre les hommes et les femmes dans les pays de l'OCDE est de 14 %, alors qu'il est de 17 % en Suisse. En Suisse, seules 56 % des femmes travaillent à temps plein et seules 26 % d'entre elles occupent des postes de direction. Cette inégalité structurelle affecte la culture d'entreprise. Dans un article de la BBC intitulé « The sexism that female expats are still having to endure » (Le sexisme que les femmes expatriées doivent encore endurer), une Canadienne expatriée en Suisse raconte que des collègues masculins ont souvent présenté des rapports qu'elle avait préparés (et en ont reçu le mérite), simplement dans le but de faire une meilleure impression auprès des clients masculins.

Une étude menée par PwC auprès de femmes expats a révélé que, par rapport aux hommes, elles hésitent davantage à être envoyées en mission internationale dans des pays à la réputation patriarcale, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique. En revanche, elles se montrent très intéressées par une affectation dans des pays où le leadership féminin est fort (par exemple, une femme Premier ministre) et où les lois sont favorables aux femmes, comme le congé parental égal pour les mamans et les papas. 

Le fardeau psychologique que représente le fait d'être le « conjoint suiveur »  

Le « trailing spouse » ou conjoint suiveur est le partenaire d'un couple qui suit son conjoint à l'étranger en tant que personne à charge. Son conjoint trouve un emploi à l'étranger et toute la famille déménage. L'écrasante majorité des conjoints suiveurs sont des femmes. Dans le nouveau pays, le conjoint suiveur peut ne pas être en mesure de travailler avec un visa de dépendant. Il est également possible qu'il ne puisse travailler qu'à temps partiel, en freelance ou dans un domaine complètement différent. Il devra peut-être s'engager dans la longue procédure bureaucratique de demande d'un visa de travail distinct. Il y a donc des risques qu'elles soient confrontées à une crise identitaire, se sentant dépouillées de leur indépendance, isolées de leurs amis restés au pays et enfermées dans leur rôle de femme au foyer.

Expat.com a interviewé de nombreuses femmes quant à leur expérience de conjoint suiveur ou sur leur expérience de travail avec des femmes devenues conjoint suiveur. Katharina von Knobloch est une consultante qui travaille souvent avec ces femmes. Dans son interview, elle évoque les différents problèmes auxquels ces femmes sont confrontées : barrières linguistiques, problèmes administratifs pour faire reconnaître leurs qualifications, préjugés des responsables des ressources humaines qui les considèrent comme des « femmes gâtées et sans ambition qui ont choisi la famille plutôt que l'épanouissement professionnel », perte de confiance, augmentation de l'écart de revenus avec leur conjoint, difficulté à assumer seules la responsabilité de la garde des enfants et des tâches ménagères, difficulté à se faire des amis localement. Elle conseille à ces femmes de faire preuve de créativité et de résilience pour se tailler une place à part, même si elles sont titulaires d'un visa de dépendant.

Marcie, une expatriée américaine qui a suivi son mari dans plusieurs pays, explique dans son interview avec Expat.com que le plus grand défi pour elle a été de devoir quitter son emploi aux États-Unis à chaque fois que son conjoint était affecté à l'étranger. Elle a toutefois fait preuve de créativité et d'ingéniosité. En effet, elle a tiré le meilleur parti de son temps en tant que conjoint suiveur pour acquérir de nouvelles compétences (même jusqu'à obtenir un certificat !), faire du bénévolat, écrire et explorer de nouveaux endroits.