Royaume-Uni : les universités britanniques perdent des étudiants internationaux au profit du marché du travail

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Publié le 2022-12-19 à 10:00 par Ameerah Arjanee
Afin de lutter contre la pénurie de main-d'œuvre, le ministère britannique de l'Intérieur a récemment assoupli les lois permettant d'obtenir un visa de travailleur qualifié. Les étudiants internationaux peuvent désormais opter pour ce visa avant la fin de leurs études, à condition d'être en présence d'une offre d'emploi. Toutefois, cette mesure est un casse-tête pour les universités britanniques, qui font face un taux plus élevé d'abandons d'études par des étudiants étrangers et la perte des fonds découlant des frais de scolarité.

Les étudiants abandonnent les cours pour rejoindre les secteurs de la santé et des soins

Au début de l'année 2022, le ministère britannique de l'Intérieur avait assoupli les règles d'obtention d'un visa de travailleur qualifié. Comme le rapportent le « Financial Times » et « The Economist », il y a deux grands facteurs derrière les pénuries de main-d'œuvre au Royaume-Uni : l'exode des travailleurs de l'UE suivant le Brexit, et la pandémie. En octobre, 75 % des entreprises britanniques étaient confrontées à des pénuries, rapporte « Bloomberg ». Cette pénurie aggrave à son tour l'inflation et la crise du coût de la vie, fait ressortir Eshe Nelson dans le « New York Times ».

La période postpandémique a poussé les grandes économies à réformer leurs politiques d'immigration pour attirer à nouveau les travailleurs étrangers. Le Canada, l'Irlande, l'Australie et Singapour sont quelques-uns des pays ayant assoupli ou élargi leurs lois sur l'immigration cette année. Le Royaume-Uni leur a emboîté le pas afin de rester dans la course. La création de ces nouveaux visas visa à attirer et retenir les talents du monde entier. Certaines des conditions entourant l'obtention de ces visas ont également été assouplies.

Une stratégie récente consiste à permettre aux étudiants internationaux de passer directement à un visa de travail qualifié avant d'obtenir leur diplôme. Ils n'ont pas besoin d'être diplômés tant que leur employeur considère qu'ils possèdent des compétences suffisantes ou des qualifications ou d'expériences antérieures pour occuper les postes qui leur sont proposés. Ils doivent s'être vus proposer un emploi par un employeur britannique agréé par le ministère de l'Intérieur, avoir reçu un certificat de parrainage de cet employeur et être rémunéré au taux minimum.

Ce taux minimum est généralement d'environ 10,10 de livres sterling par heure ou 25 600 de livres sterling par an, mais il est souvent plus élevé pour les emplois dans le secteur des soins de santé. Il se situe dans la fourchette de 30 000 à 80 000 de livres sterling pour les médecins expérimentés, par exemple. Bien sûr, un médecin doit être titulaire d'un premier diplôme, mais il n'a plus besoin de suivre une spécialisation postdoctorale pour laquelle il serait initialement venu au Royaume-Uni afin d'occuper un poste de médecin généraliste.

En effet, selon le « PIE News », les secteurs qui bénéficient le plus du récent assouplissement des règles relatives aux visas de travail sont les soins de santé et les services sociaux pour adultes. Leur analyse des statistiques sur l'immigration, l'éducation et la main-d'œuvre démontre une concordance remarquable entre les pics de visas de travailleur qualifié accordés dans les secteurs de la santé et des soins et les inscriptions à l'université (en janvier et en septembre). Le troisième trimestre de 2022, qui coïncide avec la rentrée universitaire de septembre, a vu une augmentation de 179 % des visas de travailleur qualifié accordés dans le secteur des soins de santé et des soins sociaux aux adultes. Le nombre de visas accordés est monté en flèche, passant de 7 711 au même trimestre de 2019 à 21 543 en 2021.

Les universités sont financièrement touchées par la hausse des taux d'abandon des étudiants étrangers

Si cette tendance est une bonne nouvelle pour l'économie britannique au sens large, elle l'est moins pour les universités. En effet, les universités britanniques dépendent financièrement beaucoup des frais d'inscription internationaux, qui peuvent être plus de deux fois plus élevés que les frais d'inscription pour les étudiants britanniques, soit facilement 20 000 à 30 000 de livres sterling par an. Selon le « Times Higher Education », lorsque les frontières ont été fermées dans le monde entier en 2021, le secteur de l'enseignement supérieur britannique a enregistré des pertes de plus de 2 milliards de livres sterling par rapport à ce que les étudiants internationaux auraient pu apporter en temps normal.

Quelques représentants d'universités interrogés par « PIE News » ont déclaré que, bien qu'ils ne puissent pas légalement empêcher les étudiants d'abandonner leurs études pour intégrer le monde du travail, ils s'efforcent désormais de décourager les étudiants internationaux de le faire. Ils essaient de convaincre ces étudiants de la valeur de leur diplôme lors des entretiens et les informent des politiques de conformité de l'université. Ils gardent également « un œil sur les premiers indicateurs » de désengagement, comme l'absentéisme.

Cependant, pour de nombreux étudiants, le coût élevé des frais de scolarité et d'entretien fait que l'abandon des études pour travailler s'avère parfois la meilleure solution. Certains n'ont peut-être payé la première année de scolarité que comme un tremplin pour entrer au Royaume-Uni et y travailler, tandis que d'autres trouvent que des offres d'emploi inattendues leur offrent une plus grande sécurité que la poursuite de leurs études. Comme le rapporte le « Guardian », en octobre 2022, il y avait un nombre exceptionnel de 10,7 % de postes vacants dans le secteur des soins aux adultes du pays. Les conditions d'entrée sont généralement moins élevées dans le secteur des soins aux adultes que dans celui des soins de santé, ce qui facilite l'accès de ces étudiants à ces emplois.

Malgré ce problème d'abandon, les inscriptions internationales dans les universités britanniques se remettent plutôt bien de la pandémie. Elles font même mieux qu'avant la pandémie. Selon le « ICEF Monitor », la période de janvier à septembre 2022 a vu une augmentation de 77 % du nombre de visas étudiants accordés par rapport à la même période en 2019. Un pic porté par les étudiants indiens, chinois et nigérians.