Comment choisir sa ville d'expatriation ?

Vie pratique
  • jeune femme contemplant la ville de New York
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Publié le 2022-07-29 à 10:00 par Asaël Häzaq
Hambourg, Le Cap, São Paulo, Marseille, Agadir, Niigata… Dur de choisir sa ville d'expatriation. Faut-il miser sur une capitale, surtout s'il s'agit d'un premier long voyage ? Faut-il privilégier le « coup de cœur » ou raisonner plutôt en fonction de données objectives, comme le coût de la vie et les niveaux de salaires ? Tour d'horizon de quelques critères indispensable pour faire le tri et bien choisir sa ville d'expatriation.

Laissez parler votre imagination

Avant de décortiquer les salaires et le coût de la vie, prenez le temps de rêver. La vie de vos rêves, c'est quoi ? Avez-vous déjà réalisé une partie de vos rêves. Si oui, dans quelles circonstances ? Votre vie dans votre ville actuelle vous satisfait-elle ? Qu'est-ce qui pourrait l'améliorer ? Quelle ville vous fait rêver ? Dans quelle ville pensez-vous que vous pourriez réaliser vos rêves ? Ne vous interdisez rien et laissez parler votre imagination. Pour que l'exercice soit encore plus efficace, prenez une grande feuille ou un cahier, et notez toutes vos idées.

Partez de ce que vous connaissez

Quelle est votre situation actuelle ? Êtes-vous célibataire, en couple, marié avec ou sans enfants ? On pense d'emblée que les célibataires n'auront aucun mal à s'expatrier. C'est oublier la famille et les amis. On choisit rarement sa ville : enfant, adolescent, on vit là où sont les parents. La ville, le quartier devient ce lieu qui enregistre tous les souvenirs, bons ou mauvais. L'expatriation a un sens bien plus profond qu'un simple déménagement d'un pays à un autre (ce qui n'est déjà pas une mince affaire). Partez de ce que vous connaissez pour imaginer votre projet. Quelles sont vos attaches avec vos proches ? Votre quartier ? Seriez-vous prêt à changer de vie ? À développer les échanges chaleureux version ordinateur, Smartphone et tablette ? Souvenez-vous : une expatriation, même en solo, engage aussi les proches.

Plutôt grande ville ou petite commune ?

Les capitales et les grandes villes urbaines et dynamiques ont toujours la côte : Toronto, Vancouver, New York, Los Angeles, etc. Londres arrive à tirer son épingle du jeu malgré le Brexit. Économiquement, les grandes villes ont de sérieux atouts : plus d'offres d'emploi, de meilleurs salaires et perspectives de carrière… Mais qui dit grande ville dit aussi forte densité urbaine, bruit, stress… Bien sûr, rien n'est mécanique. Tokyo, malgré sa très forte densité urbaine, et aussi la mégapole des mille et un quartiers, ayant chacun leur identité propre. Il est possible de se recréer son petit village au détour d'un arrondissement tokyoïte tranquille. Prenez le temps de peser le pour et le contre. La grande ville et la petite commune ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. Voulez-vous vivre en « rush hour » constant ou souhaitez-vous être au calme, dans votre maison avec jardin ?

La ville d'expatriation est-elle accessible ?

La question de l'accessibilité des infrastructures occupe une place de plus en plus grande dans le débat public. Une étude britannique classe les villes les plus accessibles aux personnes ayant un handicap. Parmi les critères d'étude, l'accessibilité des espaces publics, les installations et infrastructures adaptées, les places de stationnement réservées. Dublin arrive en tête, devant Amsterdam, New York, Los Angeles et Francfort. D'autres études ciblent un pays en particulier. En France, par exemple, Grenoble, Rennes et Nantes sont les trois villes qui ont le plus investi en matière d'accessibilité : transports et espaces publics, santé, infrastructures adaptées. Que vous soyez directement concerné ou pas, l'implication d'une ville en matière d'accessibilité est un signal positif. Elle s'inscrit dans une volonté de rendre l'espace public accessible à tous, et contribue au vivre ensemble.

Carrière et salaire

Parce qu'on ne vit pas que d'amour et d'eau fraîche, il faut bien réfléchir à vos perspectives de carrière. Quelle est votre situation actuelle ? Êtes-vous en recherche d'emploi, salarié, indépendant, en formation, étudiant ? Souhaitez-vous poursuivre vos études à l'étranger (et pourquoi) ? Comptez-vous continuer d'exercer votre métier. Si oui, quelles différences entre votre salaire et celui du pays d'accueil ? Ne regardez pas uniquement le salaire. Renseignez-vous sur les conditions de travail du pays que vous vivez. Applique-t-il la parité salariale ? Les droits des minorités sont-ils correctement défendus ? Vous êtes peut-être, comme des millions d'autres dans le monde, plus sensible à la question du sens. Depuis la Covid, les travailleurs veulent donner un sens à ce qu'ils font. Les recruteurs ont senti le vent tourner et privilégient de plus en plus le savoir-être. L'organisation du travail est elle aussi modifiée, avec le développement du travail à distance et du nomadisme numérique. Où vous situez-vous parmi toutes ces nouvelles approches ?

Calculez le coût de la vie

L'inflation a plombé des budgets déjà percés par la crise économique et la Covid. +9% aux États-Unis, qui battent de bien tristes records. +11,7% au Brésil, +5,5% au Sénégal, +10,2% en Espagne, +5% en Corée du Sud… La guerre en Ukraine fait toujours rage. Les prix de l'énergie et des matières premières flambent. Se loger, manger, utiliser les transports… Tout coûte plus cher. Mettez en perspective votre prévision de salaire et votre estimation du coût de la vie pour classer vos villes d'expatriation en fonction de leur coût de la vie.

Parlez écologie…

La question écologique prend de plus en plus de place dans le débat public. Les vagues de chaleur qui ravagent une partie des territoires européens et américains sont un nouveau signal d'alerte. De plus en plus d'expatriés choisissent de voyager écolo. Les plus avant-gardistes rayent les villes accessibles uniquement en long courrier de leur liste. Ils ne s'expatrient que dans le pays d'à côté. Les villes scandinaves sont souvent citées comme les plus écologiques, mais comparez les différents classements. Certains décernent le trophée à Copenhague, puis Zurich, Bristol et Londres. D'autres classements attribuent les 4 premières places à Copenhague, Amsterdam, Stockholm et Berlin. D'autres encore mettent en avant Reykjavik (en Islande), Vancouver, San Francisco et Helsinki. Cape Town et les villes du Costa Rica figurent aussi en bonne position.

…et politique

Terrible guerre que celle d'Ukraine qui a forcé une réorganisation des forces mondiales. La Russie, ostracisée, compte sur ses derniers alliers. L'OTAN se renforce. Les locaux et immigrés attendent désespérément la fin du conflit. À Taïwan, les habitants s'inquiètent des ambitions de Xi Jinping. On n'oublie pas toutes les autres guerres et conflits, qui terrorisent les populations. La géopolitique peut peser lourd dans les projets d'expatriation. Va-t-on s'expatrier dans un État qui bafoue les droits de l'homme ? Que dire des démocraties où certains droits régressent, comme aux États-Unis avec l'IVG ? Où l'extrême droite se banalise, comme en France ? Depuis la Covid, la politique de Singapour privilégiant les locaux au détriment des expatriés a poussé de nombreux immigrés à reconsidérer leur présence sur le territoire. Idem pour Hong Kong, de plus en plus inquiétée par l'influence chinoise. Hong Kong et Singapour étaient pourtant, il y a quelques années encore, deux places fortes de l'expatriation. La promesse de hauts salaires et d'un cadre de vie privilégiée ne suffit plus à faire venir les expatriés.

Saurez-vous vous adapter ?

Des articles comparatifs pullulent sur Internet. Pratiques pour se faire une idée du coût de la vie dans le pays étranger, ils sont parfois utilisés à mauvais escient. Est-il utile de toujours tout convertir dans votre monnaie ? Est-il nécessaire de vous étonner que ce que vous mangez chez vous à bon prix est plus cher à l'étranger ? Par exemple, certains sites Internet s'adressant aux Français immigrés s'étonnent du prix d'une baguette ou d'un camembert à Tokyo, à Séoul ou à São Paulo. Étonnamment curieux. Importation oblige, ces produits coûtent naturellement plus cher. Plus important : va-t-on s'expatrier au bout du monde pour manger du pain et du fromage ? N'est-il pas plus sage, plus écolo et économique de s'adapter au mode de vie et de consommation local ? On peut comprendre une envie de remanger un « bon plat de chez soi », surtout quand on vit longtemps dans le pays étranger. Mais au quotidien, la ville d'accueil devient celle du nouveau quotidien.

Derniers conseils avant de se lancer

Dans l'idéal, testez votre future ville d'expatriation en tant que touriste. Visitez-la hors saison touristique. Si vous avez vraiment les moyens, testez-la à différentes saisons.

Ne faites pas l'impasse sur le système de santé. La Covid a piégé de nombreux expatriés peu ou mal assurés. Renseignez-vous sur le système de soin de votre ville d'expatriation, car vous y serez affilié. Même prudence concernant la législation. Droit du travail, présence syndicale… Sans aller jusqu'à éplucher tous les codes juridiques, prenez les informations essentielles se rapportant à votre situation.

N'idéalisez rien. La France, pays des droits de l'homme, est aussi celui où l'extrême droite fait une poussée inquiétante depuis quelques années. Même constat pour les pays scandinaves, Finlande et Suède en tête. C'est toute l'Europe qui subit cette montée du racisme. La Covid n'a rien arrangé. Au Japon, en Corée du Sud ou en Arabie saoudite, certains médias et politiques ont surfé sur l'inquiétude ambiante pour relayer de fausses informations. Bien sûr, cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas immigrer dans ces pays. Il est impossible d'être d'accord avec toute la politique de son État, que l'on soit natif ou immigré. Prenez du recul et restez en accord avec vos valeurs.

Relativisez. La ville de vos rêves ne cochera certainement pas toutes vos cases. Pesez le pour et le contre pour arrêter votre choix. La quête de sens est devenue un enjeu crucial depuis la crise sanitaire. Prenez le temps de vous informer et de vous observer. Faites-vous confiance, et osez partir à l'aventure.