Fiscalité en Europe : un poids de taille dans la balance des expatriés

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Publié le 2022-01-19 à 07:00 par Asaël Häzaq
La majorité des pays d'Europe, notamment, ceux de l'Union européenne (UE), présentent des taux d'imposition globalement plus élevés que ceux des autres grandes puissances mondiales. Ils représentent, en 2019, 40,1% du PIB des États membres de l'UE. Même si la pandémie a entraîné une explosion des dépenses publiques et une diminution des recettes fiscales, l'écart entre les États appliquant de forts taux d'imposition et les autres reste le même. Quels sont les pays qui affichent les taxations les plus élevées ? Quels sont, au contraire, les États les plus attractifs fiscalement ? 

Le principe : fiscalité directe et indirecte

Deux piliers soutiennent la politique fiscale européenne. D'un côté, la fiscalité directe, sous contrôle des États membres, de l'autre, la fiscalité indirecte, ayant trait à « la libre circulation des marchandises et à la libre prestation des services au sein du marché unique » indiquent les réglementations de l'UE.

Sont notamment compris dans la fiscalité directe l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, la taxe foncière, ou encore, la taxe d'habitation. Les États de l'UE fixent librement leurs taux d'imposition, choisissent librement le mode de perception des impôts, et la manière dont il sera redéployé. Si les États sont pleinement compétents en la matière, ils agissent de concert dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale et de la prévention de la double imposition. L'UE avance également vers une harmonisation toujours plus efficace des règles fiscales concernant les sociétés et les particuliers. Avancée saluée par les États les plus europhiles, critiquée par ceux craignant une ingérence européenne dans leurs compétences régaliennes. 

Mais l'harmonisation est peut-être encore plus marquée, et nécessaire, concernant la fiscalité indirecte. C'est bien l'UE qui garantit et veille au respect de la concurrence loyale sur le marché européen (marché unique). Les différents régimes d'imposition ne doivent pas favoriser l'entreprise d'un État par rapport à l'entreprise d'un autre, ni discriminer les consommateurs, entreprises ou travailleurs d'un État membre par rapport à un autre. Dans le même état d'esprit, l'UE intervient dans l'harmonisation de la TVA et des droits d'accise. La Commission européenne définit ces derniers comme : « des impôts indirects sur la vente ou l'utilisation de certains produits, notamment l'alcool, le tabac et l'énergie. Les recettes provenant des droits d'accise reviennent intégralement aux pays auxquels ces droits ont été versés. »

Les champions de la taxation, les modérés et les rois de la fiscalité attractive

La France est souvent citée comme étant l'État de l'UE où l'on paie le plus d'impôts. Si elle reste la championne de la taxation des pays de l'UE (47% du PIB en 2019 ; chiffres Eurostat), elle est talonnée par le Danemark (46%), la Belgique (45%), la Suède et l'Autriche (43%), la Finlande (42%) l'Italie, la Grèce et l'Allemagne (41%), le Luxembourg (40%) – soit 10 États aux recettes fiscales représentant ou dépassant 40% du PIB.

Dans l'entre-deux, on retrouve les pays dont les recettes fiscales oscillent entre 30 et 40% du PIB : Pays-Bas (39%), Croatie (38%), Portugal, Pologne, République Tchèque, Hongrie (36%), Espagne, Chypre (35%), Slovaquie (34%), Estonie (33%), Lettonie (31%), Lituanie, Bulgarie (30%). Chez les pays les plus attractifs, les taxes n'excèdent pas 30% du PIB. À peine deux pays membres de l'UE rentrent dans cette catégorie : la Bulgarie (26% du PIB), et l'Irlande (22%).

Ces différentes pressions fiscales posent problème, à l'heure où l'UE veut aller vers plus d'harmonisation. En juin 2021, les négociations entre les ministres des Finances du G7 aboutissent à un accord historique : tendre vers un impôt mondial sur les sociétés « d'au moins 15% ». Un casse-tête pour des États attractifs pour les entreprises, comme l'Irlande et ses 12,5% de taux d'impôt sur les sociétés (en pratique, des géants comme Apple n'ont pu payer que 5%, voire moins). Même problématique pour le Luxembourg, qui, officiellement, taxe les sociétés à 25%, mais qui, en permettant des pratiques d'optimisation fiscales, ramène ce taux à 1 ou 2%. La Bulgarie, la Hongrie ou la Suisse se trouvent dans des cas similaires, avec des taux (respectivement), de 10%, 9 et 8,5%. À l'opposé, la France sort toujours championne de la taxation. Son taux d'impôt maximal sur les sociétés est estimé à 32,02% en 2020, soit le taux le plus élevé des pays de l'OCDE. Le Portugal frappe tout aussi fort (30%). 

S'ils ont réussi, depuis 2006, à s'accorder sur la TVA (avec un seuil minimal fixé à 15%), les États membres de l'UE restent divisés quant à la politique fiscale dévolue aux sociétés. L'objectif est clair : lutter contre l'évasion et la fraude fiscale. Mais pas question, pour les États qui appliquent une pression fiscale faible, de perdre en attractivité. Les pays affichant une forte taxation ont, au contraire, tout intérêt à ce que l'accord du G7 devienne la norme. 

Pression fiscale des pays d'Europe hors UE : les autres champions de l'attractivité

Zéro. À Monaco, pas d'impôt sur le revenu ni d'impôt sur les sociétés. En réalité, la principauté se rattrape sur d'autres prélèvements (taxes sur les assurances, rentes immobilières, droits de mutation et de succession, TVA…). Difficile de faire mieux que Monaco. Les autres pays d'Europe concurrencent cependant leurs homologues membres de l'UE. Les recettes fiscales de la Suisse ne représentent que 9,8% du PIB, bien mieux que l'Irlande et ses 22%.  C'est 16,9% à Saint-Marin, 18,1% en Albanie, 19,2% en Ukraine, 17,3% en Moldavie, 20% en Bosnie-Herzégovine, 21,8% en Islande, 23% en Norvège, 24% en Serbie ou encore 24,9% au Royaume-Uni (données : Banque mondiale, 2019). 

Une pression moindre qu'en France ou qu'en Allemagne qui ne garantit pas toujours la croissance. Si la Suisse attire entreprises, investisseurs et capitaux, l'Ukraine reste coincée dans une crise politico-sociale, avec la menace toujours plus prégnante de l'ingérence russe. En Albanie, la pandémie aggrave une crise démographique et une fuite des cerveaux. La population vieillit, l'économie, qui porte encore les stigmates des années de dictature, peine à se stabiliser. Le Royaume-Uni, lui, semble s'engluer dans une série de scandales et de crises sur fond de Brexit et de crise sanitaire, qui ne sont pas sans affecter l'économie.

Assistera-t-on un jour à une harmonisation fiscale européenne ? Ne concernera-t-elle que les États membres de l'UE ou s'étendra-t-elle à tout le continent ? Les évasions et fraudes fiscales génèrent des pertes colossales pour les États. L'éthique et la morale rendent de plus en plus problématique les optimisations fiscales à la marge, et autres montages financiers complexes permettant aux sociétés (surtout les grands groupes) d'échapper à l'impôt. Le chemin de l'harmonisation semble cependant périlleux. Entre les champions de la taxation et les rois de la détaxe, les négociations s'annoncent longues.