L'impact de la crise sanitaire sur les étudiants étrangers

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Publié le 2021-02-03 à 06:37 par Maria Iotova
Compte tenu de l'incertitude de la situation à l'échelle mondiale et des changements constants, les étudiants dans pratiquement tous les pays du monde ont du mal à s'adapter au système d'enseignement qui leur est imposé aujourd'hui.

Parmi les défis auxquels ils font face : l'isolement en raison des mesures des restrictions imposées dans leurs pays d'accueil respectifs, l'enseignement à distance, ainsi que l'angoisse. Certains d'entre eux ont même vu leurs notes se détériorer tandis que d'autres subissent un stress additionnel. L'insécurité financière, les difficultés liées à leurs visas, l'imprévisibilité de leur carrière et l'absence d'un réseau de soutien sont quelques-uns des facteurs qui y contribuent.

Santé mentale

Selon une étude sur les impacts de la pandémie de COVID-19 sur la santé mentale des étudiants étrangers, publiée dans Frontiers in Psychiatry, 84,7% des étudiants sondés souffrent de « stress modéré à élevé » et 12,1% présentent des symptômes « modérés à aigus » d'anxiété et de dépression. La fermeture des campus universitaires et l'enseignement à distance semblent avoir contribué de manière significative à la hausse du sentiment d'anxiété des étudiants. Pour les étudiants étrangers, tout cela s'ajoute aux défis initiaux tels que l'adaptation à la culture du pays d'accueil, les préjugés, l'éloignement de la famille et des amis, sans parler de la confrontation à une langue qui leur est étrangère.

Afin de mieux soutenir les étudiants étrangers, les établissements d'enseignement supérieur doivent comprendre les besoins et les inquiétudes de ces derniers et les sensibiliser davantage aux problèmes de santé mentale. Par exemple, le personnel enseignant devrait être en mesure de réduire le taux de stress, particulièrement celui lié aux examens et d'identifier les étudiants qui présentent des symptômes de détresse mentale. Comme les étudiants étrangers ont tendance à s'isoler en cas de crise, les universités devraient être plus proactives et s'adresser aux étudiants pour leur rappeler les mesures de soutien disponibles. Enfin, pour éviter de semer la panique et encourager la prévention, les établissements universitaires devraient relayer uniquement des informations exactes et transparentes au sujet de la COVID-19.

Accords d'hébergement et paiements de loyer

Au Royaume-Uni, au cours de l'année universitaire 2018/2019, les étudiants étrangers représentaient 20% de la population étudiante. En Australie, le secteur de l'enseignement supérieur représente aujourd'hui environ 130 000 emplois. Au Canada, pas moins de 721 205 étudiants étrangers sont arrivés en 2018 : il s'agit d'ailleurs du plus grand nombre jamais enregistré dans le pays. Les étudiants étrangers, et plus particulièrement l'hébergement étudiant, représentent une part importante des revenus annuels des destinations plébiscitées pour les études à l'étranger. Or, depuis le début de la crise sanitaire mondiale, les fournisseurs de logements étudiants sont confrontés à la gestion de chambres vides. Parallèlement, de nombreux étudiants sont toujours incapables de respecter leurs obligations en matière de location.

Ceux qui se trouvent toujours dans leur pays d'accueil et qui ont du mal à payer leur loyer et ceux qui, malgré leur retour dans leur pays d'origine, continuent de louer un logement étudiant, devraient prendre des dispositions spéciales avec leur fournisseur d'hébergement. Les étudiants qui sont actuellement dans l'incapacité de retourner dans leur pays d'accueil en raison des restrictions de voyage peuvent soit essayer rompre leur bail ou de négocier le prix de la location. D'autre part, les gouvernements de plusieurs pays ont mis en place des programmes de logement temporaire et l'interdit l'expulsions des personnes qui font face à des difficultés financières.

Perspectives de carrière en baisse

Le marché du travail international subit également l'impact de la crise sanitaire compte tenu de la disparité entre les secteurs de pointe et les entreprises n'arrivent pas à rattraper la tendance à la hausse du travail à distance. Il est fort probable que le monde connaisse une nouvelle récession, seulement onze ans après la hausse drastique du taux de chômage et la baisse des salaires entraînées par la récession mondiale de 2008-2009. Les étudiants qui viennent de décrocher leur diplôme et qui attendent de pouvoir intégrer le marché du travail devraient s'attendre à une baisse conséquente des perspectives de carrière. Cette situation est largement due à une réduction des emplois à long terme et à des réductions salariales. Les étudiants ont donc le choix de prolonger leurs études en attendant que la situation se rétablisse à l'échelle internationale. Cependant, même si la formation continue résulte en une amélioration des compétences, les étudiants étrangers auront ainsi plus de temps pour digérer leur déception face à la tendance actuelle du marché du travail.

Témoignage d'un étudiant étranger aux Pays-Bas

Valentina, 22 ans, est originaire du Brésil. Elle est étudiante en LLM en droit européen à l'Université de Leiden aux Pays-Bas. Quand la COVID-19 a été déclarée une pandémie, elle se trouvait au Royaume-Uni pour sa dernière année de licence. Comme la situation s'est rapidement détériorée, Valentina a décidé de rentrer dans son pays d'origine pour quelque temps. Elle a passé trois mois au Brésil avant de retourner en Angleterre pour emballer le reste de ses affaires et quitter son logement étudiant.

C'est en janvier 2020 que Valentina a postulé pour le programme LLM aux Pays-Bas. Elle a reçu l'offre en février, juste avant que la pandémie commence à se répandre comme une traînée de poudre. Elle n'a donc connu aucun retard dans le processus de candidature. Mais pour la réservation d'hébergement et la communication avec le département, ce fut une toute autre histoire. Ayant la double nationalité, Valentina n'a pas eu besoin d'obtenir un visa pour étudier aux Pays-Bas. Ce qui est loin d'être le cas de ses amis du Brésil dont les demandes de visa ont connu plusieurs mois de retard en raison de la fermeture des ambassades et des consulats.

Comment votre université opère-t-elle pendant la crise de COVID-19 ? Quelles mesures de précaution ont été prises ?

Au cours du premier semestre (de septembre à décembre 2020), l'université offrait des cours hybrides, ce qui signifie que les cours avec moins de 20 étudiants se déroulaient en présentiel. Dans le cas des modules les plus importants, nous avons eu droit à des cours en ligne, qui étaient soit en direct, soit préenregistrés. L'université a permis à tous les étudiants de suivre les cours à 100% en ligne, de sorte que même les plus petits cours qui pouvaient avoir lieu en présentiel ont également été dispensés en ligne. Aujourd'hui, en raison des nouvelles restrictions et du confinement aux Pays-Bas, pratiquement tous les cours se déroulent entièrement en ligne. Ce qui m'a le plus choqué dans tout ça c'est qu'aux Pays-Bas, les masques ne sont devenus obligatoires qu'à la fin novembre. Pendant tout ce temps, nous n'étions pas obligés de porter un masque en cour, dans un espace clos, rempli de monde. C'était très dérangeant. J'avais l'impression que les autorités ne prenaient pas la situation au sérieux.

Comment l'université assure-t-elle le bien-être et la santé mentale des étudiants ?

L'université a organisé des ateliers et des conférences axés sur le bien-être, mais honnêtement, je n'ai pas l'impression que ça aide beaucoup. Pour ma part, du moins, je me sens assez mal à l'aise pour parler de ma santé mentale à une personne qui ne s'en souciera que momentanément. J'ai donc préféré une thérapie à la place. La COVID-19 et le manque d'interaction ont eu un impact sur la dégradation de mon bonheur et de mon bien-être.

Êtes-vous satisfaite de la manière par laquelle les chargés de cours communiquent virtuellement ?

L'université aurait pu être plus réactive, mais j'ai eu énormément de chance avec mes professeurs. Je pense que le fait de concourir pour une maîtrise vous rapproche du personnel académique. Ils ont été extrêmement compréhensifs et, dans une certaine mesure, ils ont été plus proches que mes amis et les autres interactions que j'ai eues pendant cette période. Je suis donc très satisfaite de leur travail et des efforts qu'ils ont fait pour m'apporter leur soutien.

Votre programme d'études nécessite-t-il un stage ?

Mon programme ne m'oblige pas à faire un stage, mais une fois que j'aurai obtenu mon diplôme, en juillet de cette année, j'espère trouver un emploi le plus rapidement possible. Cela me rend extrêmement nerveuse compte tenu de la situation actuelle du marché du travail international.

Comment se passe la vie étudiante sur le campus en plein cœur de la crise sanitaire ?

Je ne vis pas sur le campus. Je vis en colocation dans un appartement avec deux autres filles qui sont très conscientes de la pandémie. Je leur en suis d'ailleurs très reconnaissante car nous avions une certaine dynamique. Cependant, je me trouve actuellement au Brésil. Je suis venue passer Noël avec ma famille. Je comptais retourner aux Pays-Bas le vendredi 29 janvier, mais avec l'interdiction de vol imposée par les Pays-Bas à l'Amérique du Sud, cela ne va pas être possible. Je ne sais donc pas quand je serai en mesure d'y retourner. J'avoue tout de même que je me sens mieux étant entourée de ma famille, même si c'est différent de ce à quoi je me suis habituée pendant ces 4 dernières années en vivant seule à l'étranger.

Comment la crise de COVID-19 a-t-elle marqué votre expérience de vie étudiante ?

J'ai l'impression d'avoir perdu toute une année. J'ai déménagé dans un nouveau pays où je ne connaissais personne, pour commencer un nouveau cours à un niveau académique différent. Je me suis à peine fait de nouveaux amis. Je n'ai même pas eu l'occasion de découvrir les beaux paysages que les Pays-Bas ont à offrir et ce ne sera probablement pas le cas de si tôt. Certes, j'aurais pu attendre de faire le master une fois que tout sera terminé, mais la situation est si incertaine qu'il est impossible de se prononcer sur le sujet. J'ai donc choisi de poursuivre mon chemin. J'avoue toutefois avoir de la chance de pouvoir poursuivre mes projets sans autant d'obstacles, contrairement à d'autres personnes. Néanmoins, c'est très frustrant.

Diriez-vous que les circonstances actuelles (par exemple, le confinement, la fermeture des bars et restaurants, etc.) vous aident à vous concentrer davantage sur vos études ?

Dans une certaine mesure, oui. Quand j'étais aux Pays-Bas, comme je n'avais pas d'amis ni de famille, je passais énormément de temps seule à étudier. En revanche, cette routine monotone a contribué à la détérioration de ma santé mentale. J'étudiais dix à quinze heures par jour, sans aucune interaction humaine. Des fois, je passais une semaine entière sans quitter ma maison. C'est donc une épée à double tranchant. En outre, étudier plus ne signifie pas forcément avoir de meilleures notes. J'ai tellement étudié que cela m'a épuisé, entraînant ainsi les pires notes que je n'avais jamais eu auparavant.

Comment la COVID-19 a-t-elle affecté votre vie personnelle ?

Je vis actuellement une relation à distance. Mon petit ami vit et étudie à Londres. Avant la crise, on arrivait à se voir assez souvent comme les Pays-Bas ne sont qu'à 40 minutes de vol du Royaume-Uni. Mais aujourd'hui, ce n'est pas possible, avec la quarantaine, les tests et les restrictions encore plus strictes. Cette situation a également contribué à la détérioration de ma santé mentale puisqu'il est ma seule famille en Europe. Je vis déjà si loin de mon pays. Je vis difficilement le fait de ne pas l'avoir près de moi.

Quels sont vos projets pour après l'obtention de votre maîtrise ?

J'espère pouvoir trouver un emploi rapidement. Je souhaite retourner au Royaume-Uni après mon master, mais je vais devoir trouver un emploi d'abord. C'est un sujet qui me préoccupe. J'ai commencé mon master juste après mon baccalauréat, donc je n'ai pas beaucoup d'expérience professionnelle, ce qui n'aide certainement pas. J'aurais préféré étudier et travailler simultanément en ce moment, mais c'est impossible puisque je suis bloquée au Brésil.

Que pensez-vous de l'avenir et de la vie avec ou après la COVID-19 ?

Tout cela m'inquiète. J'ai l'impression que la crise de COVID-19 a emporté les meilleurs moments de ma vie. Je n'ai pas eu droit à une cérémonie de remise de diplôme ; je n'ai pas pu dire au revoir à mes amis au Royaume-Uni ; j'ai perdu l'expérience de mon master aux Pays-Bas; je ne peux pas voir mon petit ami; je ne peux ni voyager ni profiter de ma jeunesse. J'ai l'impression que le monde nous a oubliés parce que « nous sommes jeunes et que tout ira bien », mais je peux vous assurer que beaucoup de mes amis sont déprimés, angoissés ou se sentent seuls. Ne pas savoir quand tout cela prendra fin me pousse à me demander si toute ma jeunesse et les années pendant lesquelles j'étais censée découvrir qui je suis et ce que je veux faire, partiront en fumée. J'adorais aller aux concerts, aux cafés, observer les gens dans leur quotidien et les imiter. J'adorais voyager et faire la tournée des bars. Aujourd'hui, j'ai l'impression d'avoir perdu mes compétences en matière d'interaction sociale. J'ai peur de rencontrer des gens par peur qu'ils ne prennent pas soin d'eux-mêmes ou que je contamine les proches de quelqu'un. Je profitais d'une si grande liberté : je vivais seul, loin de chez moi et avais la possibilité d'explorer tant de nouvelles choses. J'étais excitée à l'idée de commencer ma carrière et de faire quelque chose qui me plaît. Aujourd'hui, il est à peine possible de trouver un stage non rémunéré. Si la société ne se tourne pas vers nous qui sommes dans la vingtaine, la prochaine génération de professionnels sera déficiente et difficile à gérer. Je souhaite que la vie redevienne normale pour que je puisse avoir des histoires à raconter à mes petits-enfants.