Expatriation : comment revenir au travail après une période d'absence ?

Vie pratique
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Publié le 2024-02-13 à 10:00 par Asaël Häzaq
Après plusieurs années passées loin du monde du travail, vous vous apprêtez à reprendre une activité. Par où commencer ? Comment se « remettre dans la course » ? Voici quelques conseils pratiques pour les expatriées.

Refaites le point sur votre situation

Avant de vous lancer à la chasse aux offres d'emploi, une (re) mise au point sur votre situation vous permettra de déterminer vos nouvelles aspirations et entamer les recherches correspondant à vos objectifs. C'est la « méthode de l'escalier » : chaque marche est une étape menant à votre objectif final, la reprise du travail. Plus l'objectif est grand, plus il faut y aller étape par étape, au risque de tomber dans la procrastination. Car devant l'ampleur de la tâche, on peut ne pas savoir par où commencer ou chercher à trop bien faire (et ne rien faire).

Êtes-vous mère expatriée, conjointe d'expat, expat en solo ? Pour quelle(s) raison(s) vous êtes-vous mise en pause ? Était-ce un choix ? Vous êtes-vous arrêtée pour une raison professionnelle ? À la naissance de vos enfants ? Avez-vous dû faire une pause pour une raison médicale (vous concernant ou concernant un proche) ? Ces mises au point sont votre point de départ. Elles posent le cadre tout en retraçant votre parcours dans les grandes lignes.

Cette mise au point faite, pensez plus concrètement à votre objectif final. Si le parcours est progressif, il vaut mieux dès le départ avec une vision claire de votre but, pour avancer sur le bon escalier. Par exemple, vous avez peut-être quitté un emploi que vous voudriez reprendre. Vous préférez peut-être tenter une reconversion professionnelle dans votre secteur d'activité ou un secteur totalement nouveau. Vous pouvez aussi créer votre entreprise. Ce sont autant de parcours qui n'activeront pas les mêmes leviers.

Déterminez les moyens pour atteindre votre objectif

Vous savez vers quelle activité professionnelle vous tourner. Il faut maintenant déterminer les moyens à mettre en œuvre pour le faire. Si vous comptez reprendre le travail que vous exerciez avant la longue pause, regardez comment il se pratique aujourd'hui, dans le pays d'accueil. Le pratiquiez-vous dans le pays d'immigration ou dans votre pays d'origine ? Renseignez-vous sur le marché de l'emploi : votre métier est-il en tension ? Les offres d'emploi sont-elles nombreuses, et facilement trouvables ? Vous sentez-vous opérationnelle tout de suite, ou une formation est-elle préférable ?

Des questions similaires se posent si vous envisagez de travailler dans un secteur nouveau ou de créer votre entreprise. Renseignez-vous sur la « santé » du secteur dans lequel vous souhaitez évoluer : entreprises qui recrutent, débouchés, salaires, etc. N'oubliez pas de vérifier si votre emploi est réglementé dans votre pays d'accueil. Dans ce cas, des qualifications et certifications spécifiques pourraient vous être demandées. Chaque pays fixe ses règles en la matière. Concernant la création d'entreprise, de nombreux États réservent des aides pour les créateurs étrangers (surtout si vous développez une activité dans un secteur porteur). Vérifiez les critères d'éligibilité ; pensez également au visa/à votre statut de résidente dans le pays d'accueil. Êtes-vous résidente permanente ? Pouvez-vous ouvrir l'entreprise de votre choix ? N'hésitez pas à faire appel à des conseillers juridiques du pays d'accueil.

Listez toutes vos expériences et réussites

On ne pense pas forcément à grimper sur cette marche à ce stade de la recherche. Pourtant, des félicitations en début de parcours motivent pour continuer l'ascension. Listez toutes vos réussites. Pas pour vous vanter et vous asseoir sur vos succès, mais plutôt pour avoir une vision claire de vos compétences. On perd souvent confiance en soi après une longue pause. Éloignée du monde professionnel, vous pouvez avoir l'impression de ne plus « être dans le coup ». Lister vos succès vous permettra de poser un autre regard sur le parcours accompli. Vous avez quitté votre pays, vous êtes intégrée à un nouveau pays, avez appris sa langue, son histoire, sa culture… Vous êtes peut-être engagée dans une association, pratiquez un sport, avez assuré l'éducation de vos enfants… Vous pouvez tirer des compétences techniques (hard skills) et psychosociales (soft skills) de toutes vos expériences.

Mettez votre CV à jour

Peur du trou dans le CV ? La liste de tous vos succès vous aide justement à dégager des compétences de vos activités. On rappelle que le « travail » ne désigne pas seulement une activité rémunérée. Éduquer les enfants est un travail, de même que s'engager dans une association, faire du soutien scolaire, présider une organisation, créer un jardin solidaire. Si vous êtes mère expatriée, vous êtes certainement devenue experte en gestion de crise et communication de crise, en management et en négociation, en gestion des stocks, en comptabilité, création de projets pédagogiques, sensibilisation au développement durable, etc. Des réflexions similaires s'appliquent selon votre situation.

De toutes ces compétences techniques, vous tirez des compétences psychosociales : capacité d'écoute, d'adaptation, art du compromis, créativité, empathie, négociation, flexibilité… Compétences très recherchées des entreprises. Vous ne savez pas comment nommer ces années passées loin du bureau ? Là encore, « professionnalisez » vos expériences durant votre longue pause : « Négociatrice pédagogique » « Responsable management familial » « Manager développement durable » « Coach santé et bien-être familial » « Gestionnaire administrative », etc.

Pensez à adapter votre CV, non seulement à l'entreprise visée, mais aussi à la culture du pays d'expatriation. CV avec ou sans photo, formulaire ou mise en page libre, CV atypiques, dans la langue du pays d'accueil, bilingue, etc. Soyez sûre d'envoyer votre CV dans le bon format. Ne faites pas l'impasse sur la lettre de motivation.

Réseautez

Inutile de vous inscrire sur tous les réseaux sociaux et tous les sites d'offres d'emploi de la planète. Il faut une cohérence entre votre secteur d'activité et votre recherche. Où se trouvent les offres d'emploi dans votre domaine ? Sont-elles sur le marché officiel ou informel du travail ? Les réseaux professionnels (à commencer par LinkedIn) se sont imposés comme une norme de référence. Ciblez les réseaux professionnels qui correspondent le plus à votre recherche. Par exemple, il existe peut-être des réseaux concentrés dans votre pays d'accueil. Inscrivez-vous également auprès des institutions pour l'emploi dans votre pays d'immigration. Ne zappez pas les rencontres physiques. Inscrivez-vous dans des groupes professionnels et réseautez. Fréquentez les forums pour l'emploi. C'est aussi une manière de retourner progressivement sur le marché du travail. Vous réutilisez le jargon professionnel, adoptez le look et l'attitude d'une professionnelle.

Pensez à réactiver vos réseaux informels : amis, anciens collègues, voisins, amis d'amis, etc. Vous êtes de retour sur le marché du travail. L'information doit se savoir. Réseautez. Allez travailler dans un bureau de coworking (chercher du travail est effectivement un travail). Même si vos collègues d'un jour sont dans des branches totalement différentes des autres, les côtoyer crée une émulation. Qu'il y ait réseautage ou non, vous êtes plongée dans le monde du travail.

Formez-vous

Vous sentez qu'il vous manque quelque chose ou souhaitez nourrir votre CV ? Vous avez besoin d'une qualification spécifique pour l'entreprise que vous souhaitez créer ou le nouvel emploi que vous souhaitez faire ? S'arrêter sur la « marche formation » est judicieux. Prenez le temps de bien choisir votre organisme de formation, en fonction de votre objectif. Souhaitez-vous raviver quelques souvenirs (en langue des affaires, par exemple), combler des lacunes (mais sans chercher à obtenir un diplôme) ou au contraire, obtenir un diplôme ou une certification ?

On assiste à un boom des formations et des organismes, notamment sur Internet. De nombreux professionnels se lancent aussi dans la formation en ligne. Vérifiez les compétences de l'organisme ou du professionnel que vous sollicitez avant inscription, surtout si vous cherchez à obtenir des qualifications reconnues dans votre pays d'accueil. S'il existe heureusement de nombreux acteurs de qualité, on trouve aussi des pseudo-professionnels davantage attirés par l'argent que par la délivrance de véritables savoirs. Privilégiez les institutions certifiées par l'État. Pensez également aux universités.

Soyez organisée

Vous êtes du genre organisée ? Ça tombe bien : votre reprise de travail passe par une bonne organisation indispensable. Soyez pro dès le départ, et archivez tout votre parcours : recherches effectuées, offres d'emploi auxquelles vous avez répondu, candidatures spontanées, contacts établis, évènements professionnels auxquels vous avez assisté, etc. Vous n'oublierez bien sûr pas d'indiquer les dates et réserverez des créneaux pour relancer vos interlocuteurs.

Des soucis d'organisation ? Des problèmes de procrastination ? Pensez à la matrice d'Eisenhower, et divisez vos tâches en 4 catégories :

  • urgent et important : les priorités des priorités, comme répondre à l'appel d'un recruteur;
  • important, mais pas urgent : les tâches à planifier (aller à un forum sur l'emploi qui a lieu dans une semaine, aller en cours...) ;
  • urgent, mais pas important : tâches à déléguer (aider un ami, par exemple), car elles risquent d'empiéter sur les tâches importantes. La tâche est importante pour l'ami, mais pas pour vous ;
  • ni urgent ni important : à limiter ou à rayer de la liste (loisirs).

Les tâches urgentes demandent une réaction spontanée (il faut répondre dans l'immédiat). Les tâches importantes se pensent sur le long terme. Ce sont les tâches importantes que vous devez privilégier. Mais souvent, on remet l'important au lendemain (procrastination) et on se laisse déborder par des urgences qui n'en sont pas vraiment. Aider vos amis et proches est une bonne chose, à condition que leur emploi du temps ne grignote pas le vôtre. Votre expatriation ne doit pas être une série de « sacrifices ». Concernant les loisirs, il ne s'agit bien sûr pas de les rayer de votre liste, mais plutôt de leur accorder une juste place. Si vos temps de détente décalent vos activités importantes, il y a un déséquilibre.

Reprendre le travail après une longue pause : les conseils en plus

Pensez à faire de la veille : lisez des articles sur votre secteur d'activité. Si vous êtes en création d'entreprise, allez voir sur le terrain, observez, parlez avec d'autres créateurs.

Parlez de votre projet à vos proches. Que vous ayez choisi ou non de vous expatrier, vous êtes à présent cheffe de votre projet professionnel. Si vous êtes en couple, c'est à votre conjoint de vous soutenir. Idem si vous avez des enfants en âge d'être autonomes.

Donnez-vous des dates butoirs réalistes. Il ne s'agit pas de vous mettre la pression, mais d'être cohérente avec votre objectif. Si vous envisagez de reprendre des études, par exemple, combien d'années vous faudra-t-il pour être diplômée, pour reprendre le travail ?

N'hésitez pas à vous faire aider. Il existe certainement des organismes d'aide à la reprise d'emploi dans votre pays d'accueil. Certaines structures ciblent spécifiquement les femmes, davantage confrontées aux difficultés du marché de l'emploi (sexisme, salaires inférieurs, politique du pays d'accueil…). Retenez l'essentiel : il est tout à fait possible de reprendre le travail après une longue pause. La reprise d'emploi est un parcours. Personne ne saute de la première à la 30e marche. Avancez pas à pas et félicitez-vous à chaque réussite.