Défis de l'immigration : quelles perspectives pour s'installer au Royaume-Uni ?

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Publié le 2024-01-10 à 10:00 par Asaël Häzaq
Les candidats à l'expatriation devront-ils faire une croix sur leur rêve anglais ? À entendre les dernières déclarations du gouvernement, il faut s'attendre à de nouvelles restrictions cette année. Analyse.

Immigration : le nouveau tour de vis du gouvernement Sunak

Nouveau coup dur pour les candidats à l'expatriation. Le gouvernement britannique ne se remet pas des derniers chiffres publiés par son Office national des statistiques (ONS) : avec une migration nette évaluée à 745 000 en 2022, le pays bas des records. Jusqu'à fin juin 2023, l'Office national des statistiques (ONS) a compté 1 180 000 immigrants comptant rester sur le territoire au moins un an, et environ 508 000 départs. L'immigration nette baisse donc sensiblement, pour s'établir à 672 000 fin 2023.

L'exécutif se serait tout de même bien passé de ces chiffres. La baisse migratoire est faible ; on est loin de la promesse du Brexit. C'est pourtant sur cette base que nombre de Britanniques ont voté pour la sortie de l'Union européenne (UE). Rishi Sunak lui-même faisait campagne pour le Brexit, et continue de soutenir la mesure. Il considère néanmoins que le niveau d'immigration est « trop élevé ».

Le système de visa à points pour tous, acté dès la sortie du Royaume-Uni de l'UE, était pensé pour mieux réguler l'arrivée des expatriés. Le gouvernement ajoutera de nouvelles mesures dès le printemps 2024 pour limiter les nouvelles arrivées. Pour rappel, le système de visa à point a vu le jour en 2008, mais ne s'adressait qu'aux expatriés non européens. Le gouvernement conservateur a étendu sa portée à tous les ressortissants étrangers dès le Brexit.

Nouvelles règles pour réduire l'immigration

Parmi les nouvelles règles de 2024 figure l'obligation d'avoir une offre d'emploi et un salaire élevé pour demander un visa de travail. La surtaxe de santé subira une nouvelle hausse, et les employeurs ne pourront plus payer les étrangers sous le seuil minimum.

Offre d'emploi et salaire minimum

Jusqu'alors, les étrangers devaient obtenir un salaire minimum d'au moins 26 200 livres par an. Cette année, ils devront gagner au moins 38 700 livres, soit près de 50 % de plus. La mesure ne concerne pas les professions de la santé et des services sociaux. Ces secteurs subissent néanmoins d'autres restrictions : ils ne pourront plus faire venir leur famille (visa de personne à charge).

Étudiants et personnes à charge

Les étudiants sont dans le viseur du gouvernement. Malgré les appels à la tempérance des universités, l'exécutif reste décidé à leur retirer le droit d'emmener leur famille, sauf exception. Fin septembre 2023, les autorités ont délivré 486 107 visas étudiants, et 152 980 visas de personnes à charge. Par « personne à charge », il faut entendre, le ou la conjoint(e), le ou la partenaire civil(e), et les enfants de moins de 18 ans. Dès le printemps 2024, les étudiants ne pourront plus emmener leur famille. Seuls les étudiants en 3e cycle « programme de recherche » conserveront ce droit. Les autres étrangers devront payer plus pour faire venir leur famille. Ils devront gagner au moins 38 700 livres annuels pour prétendre au visa familial, contre 18 600 actuellement. En 2023, environ 70 000 personnes sont venues au Royaume-Uni grâce à ce visa (dernier chiffre en juin 2023). Le gouvernement souhaite en réduire le nombre.

Visa à points

Le système de visa à point sera durci, pour filtrer encore plus les candidats. Tous devront gagner les 50 points initiaux (sur 70) grâce à leur niveau d'anglais et à leur offre d'emploi dépassant le niveau de compétence minimum. Ils obtiendront les 20 points restant grâce à leur salaire (selon sa conformité au nouveau seuil), leur poste (figurant ou non dans la liste des métiers en tension) et leurs diplômes (détention ou non d'un doctorat jugé « pertinent »).

Hausse de l'IHS

Promesse tenue. En juillet 2023, le gouvernement Sunak annonce qu'il augmentera l'IHS (Immigration Health Surcharge), la surtaxe annuelle permettant aux étrangers d'accéder aux soins de santé. En hausse constante depuis sa création en 2015, elle atteint 1035 livres en 2024, au lieu de 624 livres en 2023, et 200 livres en 2015.

Métiers en tension et salaire minimum

Jusqu'alors, les employeurs pouvaient payer les étrangers occupant des emplois sous tension 80 % au taux habituel en vigueur. Les travaillistes dénonçaient cette situation, qu'ils assimilaient à du « travail discount » permettant aux employeurs de payer les étrangers moins cher que prévu. Par ricochet, ils devenaient également plus rentables (pour les employeurs) que les travailleurs britanniques. La mesure prendra fin au printemps 2024. Le gouvernement compte aussi réduire le nombre des métiers en tension. Ces métiers bénéficiaient de règles d'immigration plus souples.

Évolution de la migration nette au Royaume-Uni

En 2012, la politique du gouvernement conservateur Cameron fait tomber l'immigration nette à 161 000, un bas historique jamais observé depuis les années 2000. L'objectif de l'époque est de durcir encore plus la politique migratoire pour atteindre un solde inférieur à 100 000. Des spots publicitaires présentent un Royaume-Uni peu reluisant pour dissuader les candidats à l'expatriation. Mais la migration nette repart progressivement à la hausse : 208 000 en 2013, 249 000 en 2017. (chiffres : Statista)

La migration nette continue de monter après 2016, date du référendum sur le Brexit. Mais les immigrants européens sont moins nombreux à tenter l'aventure britannique. On compterait en 2019 environ 70 000 nouveaux immigrants européens, contre plus de 200 000 immigrants non européens. Après l'exception Covid (la migration nette passe sous la barre des 100 000), les chiffres repartent à la hausse : 504 000 entre juin 2021 et juin 2022, soit + 331 000 personnes comparativement à l'année précédente (chiffres : ONS).

Pourtant, le Royaume-Uni a besoin de cette main-d'œuvre étrangère. Son économique repose en partie sur l'immigration. D'après l'OCDE, en 2020, le taux d'emploi des personnes nées à l'étranger atteint 75,5 %. C'est plus que la moyenne de l'OCDE (67,3%), et légèrement plus que celle des personnes nées au Royaume-Uni (74,6%). Le gouvernement conservateur reste conscient qu'il ne peut se passer de l'immigration. Mais il aspire à toujours plus de contrôle. Aux étrangers qualifiés, entrepreneurs et diplômés, Rishi Sunak déroule le tapis rouge.

Expatriation au Royaume-Uni : quelles opportunités ?

« Si vous êtes un créateur, un entrepreneur, un chercheur, sachez que le système de visas le plus compétitif pour les talents internationaux hautement qualifiés se trouve ici, au Royaume-Uni ». Le discours Sunak, prononcé le 27 novembre 2023, lors du Global Investment Summit, est clair. Le Premier ministre reconnaît que nombre d'entreprises innovantes britanniques ont été créées par des étrangers. Pour séduire les talents, il présente le Royaume-Uni comme « le meilleur pays au monde pour investir et entreprendre ».

Oui à l'immigration, donc, mais à une immigration très qualifiée. Sunak tient à son système de visa « ultra-compétitif » pour sélectionner les meilleurs profils. Il met en avant le High Potential Individual (HPI) visa réservé aux diplômés des 50 meilleures universités du monde. Visa qu'il présente comme « unique au monde ». Pour rappel, ce visa permet notamment de venir étudier, travailler et vivre avec sa famille au Royaume-Uni pendant 2 ans.

Le discours de Sunak parviendra-t-il à séduire les talents étrangers ? Quelle immigration de demain au Royaume-Uni, et quelques opportunités pour les futurs expatriés ? Si l'on s'en tient aux dernières mesures du gouvernement, il faut s'attendre à des limitations significatives concernant les offres d'emploi. La baisse du nombre de métiers en tension impactera, et les travailleurs étrangers, et les entreprises en difficulté. Celles-ci accueillent d'ailleurs très diversement les nouvelles mesures du gouvernement. Elles rappellent que les pénuries de main-d'œuvre pèsent directement sur la croissance.

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