La pause carrière professionnelle : une nouvelle tendance chez les expatriés en quête de sens

Vie pratique
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Publié le 2023-05-15 à 13:00 par Asaël Häzaq
L'idée fait de plus en plus son chemin depuis la crise sanitaire. Un arrêt qui, pour beaucoup, a agi comme un révélateur. Est-il possible de faire une pause dans sa carrière professionnelle ? L'idée se formalise et se concrétise de plus en plus chez des expatriés pour qui la vie professionnelle s'inscrit dans un cadre bien plus large. Une quête de sens qui fait beaucoup parler, et qui fait débat. Pourquoi faire une pause dans sa carrière internationale pose-t-il question ? De quelles options dispose-t-on pour faire une pause dans sa carrière quand on travaille à l'étranger ?

Repenser son projet d'expatriation

Vaste sujet que celui de la pause dans sa carrière professionnelle. Que l'on travaille dans son pays ou à l'étranger, les avis divergent. « Impensable » s'exclament encore certains, qui pointent les risques d'être mis sur la touche lors de son retour. Ceci serait d'autant plus vrai à l'étranger, où la bataille est potentiellement plus rude pour monter les échelons professionnels. Pour d'autres, au contraire, la pause dans la carrière est une bonne façon de repenser son expatriation. Et par « repenser », il ne s'agit pas de remettre en doute sa carrière, mais plutôt de prendre du recul.

On imagine souvent que repenser son projet d'expatriation suppose que quelque chose ne va pas. Si l'on fait une pause dans cet état d'esprit, elle a effectivement peu de chances d'être bénéfique. Si le travail ne plaît plus, si l'expatriation se passe mal, faire une pause de quelques semaines ou de quelques mois ne réglera pas le problème. Car ici, il y a justement un problème à résoudre. Or, faire une pause dans sa carrière professionnelle ne devrait pas supposer l'existence d'un problème. C'est du moins ce que soutiennent les partisans de la pause, pour qui le break doit être positif. On se repose pour mieux se relancer. On repense son projet d'expatriation, non pas parce qu'il y a un problème, mais pour se fixer de nouveaux objectifs à réaliser.

Quelles options pour faire une pause dans sa carrière à l'étranger ?

Attention au contrat, au visa, au permis de travail, au titre de séjour. À l'étranger, ce sont ces documents qui donnent le cadre du séjour à l'étranger. Or, les visas de travail sont généralement liés au fait de travailler. Aux États-Unis, par exemple, impossible de rester indéfiniment sans activité avec un visa type H 1-B. Pour faire une pause dans sa carrière, l'idéal est que l'entreprise l'ait prévu. Elles sentent de plus en plus le vent tourner en ce sens, et prennent en compte les nouvelles aspirations des salariés. Mais on ne parle ici que des grands groupes et des start-ups. C'est cet « esprit start-up » qui pousse des entreprises à créer des congés spéciaux pour les salariés désirant un break de quelques mois.

Les autres options dépendent de ce qui est permis dans le pays d'expatriation : rupture conventionnelle, année sabbatique rémunérée, congé sans solde, démission, fin du contrat à durée déterminée… De fait, un détour par le Code du travail du pays d'accueil s'impose. Il faut également veiller à bien relire son contrat, et ne pas hésiter à solliciter un professionnel. Pourra-t-on toucher le chômage ? Existe-t-il une assurance chômage pour les expatriés ? En effet, tous les pays ne le proposent pas. Les Émirats arabes unis, par exemple, n'ont instauré le système qu'en 2022.

Trouver le bon moment pour souffler

Partir alors qu'on vient de décrocher son premier poste à l'étranger et partir après 5 ans d'immigration, ce n'est pas la même chose. On déconseille de faire une pause durant sa première expérience de salarié expatrié. Il ne viendrait pas à l'idée de faire un break durant sa première expérience professionnelle dans son pays d'accueil (certains contrats, comme le CDD, ne le permettent tout simplement pas). De même, faire une pause lors de sa première expérience à l'étranger revient à la casser. Les conséquences peuvent être lourdes, car la position est encore fragile : salarié expatrié, avec peut-être beaucoup de connaissances théoriques, mais peu de connaissances pratiques, et encore moins d'expérience et de réseau.

Que dit la culture du pays d'accueil sur la pause dans la carrière professionnelle ? Est-ce une pratique connue ou non ? À l'étranger, toutes ces questions prennent encore plus d'importance. La position même de salarié étranger est parfois un peu plus précaire. Le temps d'adaptation est souvent plus long ; le temps de mise en confiance réciproque aussi. Il faut bien mesurer les chances de faire une pause (ou non) et en discuter bien en amont avec des personnes de confiance, qu'elles soient de l'entreprise ou non, avant de solliciter sa hiérarchie. Comment s'organisera le retour ? L'entreprise sera-t-elle encline à réintroduire un étranger qui a filé durant des mois au lieu de se former ? Quelle image donnera-t-on à ses supérieurs ? Dans tous les cas, mieux vaut attendre de faire sa première expérience à l'étranger avant d'envisager une pause.

Une pause riche ?

La pause professionnelle à l'étranger : oui, mais pas pour tout le monde. C'est bien chez les travailleurs qualifiés et très qualifiés qu'elle est valorisée. Après l'heure du développement personnel (qui a explosé lors des confinements), c'est l'heure du temps pour soi. Les soft skills ont décidément le vent en poupe, au point que des recruteurs recherchent justement ces expatriés qui ont osé faire une pause dans leur carrière. Pour ces recruteurs, c'est le signe d'une plus grande maturité et ouverture d'esprit. Les États recherchent justement ces hauts diplômés ; la course pour attirer les talents internationaux n'a jamais été aussi serrée.

Mais cela reste un luxe de hauts diplômés. C'est chez eux que l'on constate une réflexion sur la pause dans la carrière professionnelle. Ils travaillent dans de grandes entreprises ou des start-ups, occupent des postes bien rémunérés, recherchés par les grandes puissances. Ils travaillent dans la banque, la finance, les ressources humaines, le conseil, les technologies de l'information et de la communication… Pour eux, oui, la pause dans la carrière professionnelle peut être une richesse. Les autres ne se posent même pas la question. Leur activité ne le permet pas. Difficile de faire une pause en travaillant dans une petite entreprise, dans une usine, une boulangerie. Ou alors, il faudrait revoir toute l'organisation du travail, pour permettre à l'un de partir. Une situation délicate qui peut être mal vécue par celui qui part momentanément, et par ceux qui restent.

Faire une pause dans sa carrière quand on travaille à l'étranger

Peut-on faire une pause dans sa carrière professionnelle à l'étranger ? En principe, oui, mais en pratique, les avis divergent toujours autant.

C'est non

Les tenants du non font appel aux souvenirs. Le candidat à la pause doit se souvenir de tout ce qu'il a investi pour immigrer dans son pays d'accueil. Du choix du pays à la formation interculturelle, en passant par l'apprentissage de la langue et les démarches administratives… Un investissement en temps et en argent pour un but. Ce but a-t-il été atteint ? Travailler à l'étranger était-il le seul objectif de l'expatrié ? Les partisans du non rappellent que le travail à l'étranger n'est que la première marche d'objectifs qui devraient être bien plus grands (obtenir une promotion, créer sa propre entreprise, etc.) Il faut donc se poser les bonnes questions : quelle est la situation du candidat à la pause ? Est-il à son poste depuis longtemps ou non ? Apprécie-t-il son travail ou non ? Est-il seul, en couple, avec des enfants ? A-t-il des amis ? Si l'on part, pourra-t-on vivre de ses économies ? Combien de temps ? Touchera-t-on le chômage ? Combien de temps ?

La pause, signe d'un problème ?

Pour les défenseurs du « non», faire un break en expatriation est forcément le signe que quelque chose ne va pas. La pause est une fuite. Fuir n'est pas toujours mauvais, mais en l'occurrence, il s'agit ici d'un mauvais choix, car les problèmes seront toujours là au retour. Si quelque chose ne va pas au travail, il faut identifier le problème et trouver une solution. La pause n'est pas une solution.

Et même lorsque tout va bien, gare à l'optimisme démesuré. Certains sont sûrs de retrouver leur poste, ou un autre poste. Ils ont un métier recherché. Ils imaginent même une autre expatriation, pour de nouvelles aventures. Pourquoi pas. Cependant, les mois passés à tout faire sauf travailler seront des mois que d'autres talents étrangers auront investi pour monter en compétence. L'expatrié explorateur reviendra peut-être la tête remplie d'émotions nouvelles, mais avec des compétences techniques obsolètes. C'est encore plus vrai s'il travaille dans des secteurs où les normes et technologies évoluent vite (TIC, la robotique, l'informatique, la santé, etc.)

Les candidats à la pause, parfois traumatisés par les crises à répétition, comprennent qu'ils n'auront pas droit à la retraite. Ils veulent vivre leur jeunesse avec ses objectifs professionnels, mais aussi ses vacances et moments de détente. Pourquoi pas. Mais là encore, partir peut s'avérer risqué, surtout si cela devient un mode de vie. Dans ce cas, mieux vaut réfléchir à l'organisation du travail dans le pays étranger. Peut-être qu'il est temps de quitter le salariat pour passer à la création d'entreprise. Attention alors à bien choisir son secteur, car le temps pourra être encore plus court qu'auparavant.

C'est oui

Les partisans du oui estiment qu'il est dangereux de tout monnayer. « Temps perdu, temps gagné »… le temps passe, qu'on soit en activité ou non. L'homme n'est pas une machine. Il n'a pas à rentabiliser chaque seconde écoulée. Prenant l'exemple du congé parental, ils interrogent. Va-t-on l'interdire aux parents, au motif qu'ils risqueraient de perdre en compétence ? On comprend bien que les parents aient besoin d'un congé pour élever leurs enfants (on a certes encore du chemin à faire pour les pères). On devrait aussi comprendre qu'un salarié, qu'il soit ou non à l'étranger, puisse faire une pause dans son activité.

Défenseurs du « oui » et du « non » s'accordent sur une chose : on ne devrait pas faire une pause parce qu'on n'aime pas son travail. Si l'expatriation se passe mal, il faut questionner les choses qui ne vont pas et trouver une solution. Une pause temporaire risque d'être une pause subie et non voulue. Au lieu de se reposer, l'expatrié vivra dans le stress du retour dans l'entreprise.

Une pause positive

Au contraire, la pause dans la carrière à l'étranger devrait être positive. On se repose avec une mission accomplie, et surtout, après avoir bien préparé les conditions de la pause avec sa direction. La pause dans la carrière est un temps de réflexion et de mise dans ses situations nouvelles. On prend le temps de voyager dans le pays d'accueil, de parfaire sa connaissance de la langue, d'apprendre des dialectes, de faire la cuisine, de pratiquer un sport, de socialiser… L'heure n'est donc pas au 100% oisiveté, y compris dans le domaine professionnel. Car ne plus être dans l'entreprise ne signifie pas être déconnecté de l'entreprise. Au contraire, la pause est un moment de prise de hauteur et de recul. On visualise mieux ce qu'il nous faut pour mieux travailler. On peut profiter de la pause pour entreprise une formation, pour se spécialiser dans un domaine, étudier d'autres manières de faire, impulser un nouveau rythme à sa carrière, réseauter, fréquenter des séminaires…

Mais attention : il ne s'agit pas de remplir son temps de pause par des activités « comme au travail ». On ne remplacera pas 40 heures de travail par 40 heures de formation/réseautage/sport. Les défenseurs du oui recommandent d'être plus à son écoute pour connaître ses réels besoins. Flâner n'est pas une perte de temps. Il ne faut pas diaboliser la pause, mais, au contraire, voir ses bénéfices. Les défenseurs du « oui » ne sont cependant pas naïfs et rappellent qu'une telle entreprise n'est possible que si l'on en a les moyens financiers. D'où leur insistance sur l'importance d'une bonne préparation.

Pause dans sa carrière à l'étranger : comment l'expliquer ?

Là encore, les avis divergent. Pour certains, mieux vaut être honnête et expliquer le « trou » dans le CV. Pour d'autres, l'employeur n'a pas à connaître tous les détails de sa vie. Il faut englober la pause dans une histoire qui explique le parcours professionnel. L'employeur ne doit pas prendre l'expatrié pour un rêveur, un naïf, ou quelqu'un sur qui il ne faudrait pas compter.

Quelle que soit la décision prise, il convient d'être d'abord clair avec soi, pour pouvoir l'être avec les autres. Il faut aussi garder à l'esprit que le départ changera sa vie, et changera aussi la situation lors du retour : les collègues auront évolué, la vie ne sera plus la même dans l'entreprise (si l'on reste dans la même entreprise). Une pause de quelques semaines n'a pas non plus le même impact qu'une pause de plusieurs mois. D'où, encore une fois, l'importance de se poser les bonnes questions pour bien envisager ses possibilités. Faire une pause dans sa carrière quand on travaille à l'étranger, c'est possible, à condition d'être bien préparé.