Travail à distance : Questions juridiques et bonnes pratiques pour les expatriés

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Publié le 2023-05-02 à 13:00 par Ameerah Arjanee
Le travail à distance a gagné en popularité depuis la pandémie. Il n'empêche que les salariés qui souhaitent travailler à distance ne savent pas toujours comment en faire la demande. Existe-t-il des droits du travail qui fixent des règles pour le travail à distance ? Si vous envisagez de travailler à distance depuis l'étranger en tant qu'expatrié, quels sont les éléments que votre employeur et vous devez prendre en considération ? 

Élaboration de nouvelles lois depuis 2020 pour réglementer le télétravail

Lorsque la pandémie de Covid-19 a soudainement contraint des millions de personnes à travers le monde à travailler à distance depuis leur domicile au début de l'année 2020, il existait peu de lois spécifiques sur le travail pour réglementer ce type de travail. De nombreux pays, de l'Argentine à l'île Maurice en passant par la Grèce et l'Australie, ont depuis lors adopté de nouvelles lois sur le travail afin d'offrir aux entreprises et aux travailleurs un cadre juridique plus clair pour cette « nouvelle normalité » du travail.

Malheureusement, certains pays n'ont toujours pas mis à jour leur législation en la matière. Les États-Unis, par exemple, n'ont pas modifié leur « Telework Enhancement Act » depuis sa création par Barack Obama en 2010. La loi canadienne ne comporte pas non plus de réglementation spécifique pour le travail à distance, mais défend simplement le fait que les travailleurs à distance ont les mêmes droits que les travailleurs sur place.  

Mais qu'en est-il des pays qui ont effectivement créé ou modifié des lois sur le travail à distance en 2020-2022 ? Qu'ont-ils ajouté ? L'Angola, l'Argentine, l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg, la Norvège, le Pérou, la Russie, la Slovaquie, la Turquie et l'Ukraine font partie des pays qui exigent désormais un accord écrit signé entre l'employeur et l'employé avant que ce dernier ne puisse commencer à travailler à distance. Dans le même ordre d'idées, depuis fin 2022, la Belgique exige des entreprises de plus de 20 salariés qu'elles rédigent une liste générale de règles concernant le travail à distance : règles concernant leur droit à la déconnexion en dehors des heures de travail, à l'utilisation d'outils numériques, entre autres. 

Dans ces pays, un accord verbal ne suffit donc plus. Un accord écrit garantit que les droits du travailleur à distance soient respectés et qu'il puisse porter plainte auprès des autorités compétentes s'ils ne sont pas respectés. Certains pays sont allés plus loin en exigeant même des entreprises qu'elles envoient une liste de tous leurs employés à distance au ministère du Travail du pays. C'est le cas de l'Argentine, du Chili et de l'Italie. 

Dans certains de ces pays, les employeurs sont désormais légalement tenus d'expliquer les motifs de leur refus par écrit. En Australie, par exemple, l'employeur doit fournir une lettre expliquant les raisons professionnelles du refus de la demande de télétravail d'un salarié dans les 21 jours suivant la réception de cette demande. Le salarié a alors le droit d'utiliser cette lettre pour faire appel de la décision auprès de la « Fair Work Commission » (FWC) du gouvernement, et il y a de fortes chances que les pouvoirs d'arbitrage de la FWC puissent renverser le refus de l'entreprise. 

Comment faire votre demande de travail à distance en tant qu'expatrié ? 

Tout d'abord, il convient de vérifier la législation relative au travail à distance dans votre pays. Dans certains pays, votre employeur ne peut légalement pas refuser votre demande si vous êtes enceinte, si vous avez des problèmes de santé (par exemple, un handicap), si vous avez des enfants en bas âge ou si vous vous occupez de parents âgés. En Australie, depuis 2022, même les salariées victimes de violences domestiques sont autorisées à travailler à domicile. Mais si vous n'y avez pas automatiquement droit et si vous souhaitez tout de même travailler à distance depuis l'étranger en tant qu'expatrié, vous devrez présenter des arguments solides à votre employeur. 

La partie la plus délicate du travail à distance depuis l'étranger concerne les impôts. Votre employeur vérifiera si cela convient à la succursale de son entreprise dans le pays étranger ciblé et si vos deux pays ont conclu une convention de double imposition. Il est possible que vous ayez à remplir deux déclarations d'impôts, mais vous bénéficierez également de déductions sur ce que vous avez déjà payé dans l'un des deux pays. Vous devriez également discuter de la manière dont votre salaire et vos avantages seront ajustés si vous travaillez à distance dans un pays où le coût de la vie peut être très différent. Votre employeur pourrait refuser votre demande de travailler à partir d'un autre pays si l'adaptation est trop compliquée ou trop coûteuse pour lui.

Bien entendu, vous aurez besoin d'un visa de nomade numérique ou d'un autre type de permis de travail pour travailler à distance depuis un pays étranger. Gardez en tête qu'il est illégal de travailler avec un visa de touriste. De nombreux pays ont créé des visas de nomade numérique à la suite du boom postpandémique du travail à distance. Parmi les pays qui proposent ces visas taillés sur mesure en 2023, on compte l'Afrique du Sud, l'Espagne, la Colombie, le Costa Rica, la Croatie, l'île Maurice, la Nouvelle-Zélande, le Portugal ou encore Taïwan.

Le respect de la sécurité des données demeure une autre question épineuse dans le cadre du travail à distance depuis l'étranger. Votre employeur sera tenu de respecter les lois sur les données du pays dans lequel vous allez travailler en tant que travailleur nomade. Par exemple, les employeurs non européens devront se conformer au règlement général sur la protection des données de l'UE si vous souhaitez travailler à distance depuis un État membre de l'Union. Les autorités du pays d'accueil peuvent également être en mesure d'accéder aux données de l'entreprise sur vos appareils, notamment en cas d'enquête policière. Votre entreprise sécurisera probablement vos appareils de travail, y installera un VPN et mettra en place une authentification multifactorielle afin de rendre les données de l'entreprise les moins vulnérables possible aux cyberattaques dans un autre pays.

Votre employeur peut également être tenu de procéder à une évaluation de la sécurité du lieu où vous allez travailler. Il peut s'agir de la maison ou de l'espace de travail que vous louez dans un pays étranger.

Qu'en est-il du droit du travail non lié à la fiscalité, comme celui qui régit les congés payés et les congés de maladie ou les jours fériés ? Cela dépendra du contrat de travail à distance que vous avez conclu avec votre employeur. Certains préféreront vous faire conserver les mêmes droits que dans votre pays de provenance, tandis que d'autres vous permettront de suivre les coutumes locales de votre pays d'expatriation. Bien entendu, cela reste une question que vous pouvez négocier avec votre employeur.