Mobilité internationale : la redistribution des cartes à l'ère postpandémique

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Publié le 2023-04-17 à 10:00 par Asaël Häzaq
Depuis la reprise après les confinements de 2020, on ne cesse d'évoquer la pénurie de main-d'œuvre qui frappe le monde. États-Unis, Canada, Australie, Japon, Union européenne… Les pays bataillent pour attirer et faire rester les talents étrangers. Mais quelles sont les places les plus en vue actuellement ? Quels sont les secteurs qui recrutent le plus les talents étrangers ? Quelles politiques les États mettent-ils en place pour attirer les talents étrangers ?

Où s'expatrier en 2023 ?

Cap au Danemark. Le pays arrive en tête des meilleures destinations où travailler à l'étranger. Le modèle danois, basé sur une flexisécurité de l'emploi, séduit. Le faible taux de chômage et l'économie dynamique rendent le Danemark ultra-compétitif sur le marché de l'emploi. Les TIC, l'ingénierie, la finance, la médecine, la logistique et la science font partie des secteurs porteurs, et qui recrutent des talents internationaux. De grands groupes tels que Microsoft, Novo Nordisk (géant des soins de santé), ou la société de transport Maersk (la plus grande entreprise du Danemark) font partie des principaux pourvoyeurs d'emplois.

Derrière le géant danois, Hong Kong et l'Australie occupent respectivement la deuxième et la troisième place. Bien que traversée par des crises, la cité-État de Hong Kong veut rester un centre financier mondial. HSBC, City Bank ou Standard Chartered Bank contribuent à la croissance de l'État. Mais Hong Kong mise aussi sur la réalité virtuelle, le digital et le management. En Australie aussi, on fait le pari de l'innovation. Google, Amazon, Myob (multinationale australienne créatrice de logiciels comptables pour les entreprises) et IBM font partie des principales entreprises employant des talents étrangers.

Le Luxembourg, les Émirats arabes unis, les Pays-Bas, le Canada, la France, l'Allemagne et la Corée du Sud sont les 9 autres pays où il fait bon s'expatrier. Ces États misent aussi sur les nouvelles technologies, l'ingénierie, la santé, la science et l'innovation pour attirer des talents internationaux.

De nouvelles lois pour faciliter le recrutement des travailleurs étrangers

Impossible cependant de déconnecter le travail du milieu dans lequel il baigne. Alors que les frontières de l'imposant voisin chinois se rouvrent, Hong Kong s'inquiète. Les expatriés aussi. Ceux qui ont quitté la cité-État ne comptent pas revenir. Ceux qui arrivent composent avec la nouvelle Hong Kong et une présence chinoise de plus en plus marquée. D'autres classements préfèrent relever les États qui simplifient les démarches de demandes de visa de travail. Ici, l'Irlande, le Canada et la Malaisie se démarquent.

Les États qui modifient leur politique migratoire pour recruter davantage de travailleurs étrangers

Le Canada reste l'un des pays favoris des expatriés. Sa politique de l'immigration est perçue comme positive. Le ministre de l'Immigration Sean Freaser a présenté un Plan ministériel d'immigration 2023-2024 toujours aussi ambitieux concernant l'immigration. Le pays prévoit ainsi d'accueillir « 410 000 et 505 000 nouveaux résidents permanents en 2023, entre 430 000 et 542 500 en 2024 et de 442 500 à 550 000 en 2025. »

L'Allemagne recrute. L'État s'inspire justement du modèle canadien pour proposer une réforme de l'immigration qu'il veut novatrice. Son nouveau plan d'immigration permettra notamment l'embauche de quelque 60 000 travailleurs non européens par an. La nouvelle loi prévoit 3 voies d'immigration. La voie du diplôme reconnu en Allemagne, avec un contrat de travail. La voie de l'expérience professionnelle d'au moins 2 ans. La troisième voie, présentée sous la forme d'une « opportunity card », est la plus novatrice. Basée sur un système points inspiré du Canada, elle permettrait aux talents étrangers de venir chercher du travail en Allemagne, et même d'effectuer des périodes d'essai.

Le Danemark aussi assouplit sa politique migratoire pour attirer davantage de talents étrangers. Démarches d'embauche facilitées pour les employeurs, procédure d'acquisition du permis de travail accéléré, emplois supplémentaires inclus dans la liste des métiers ouverts aux étrangers, abaissement de l'exigence du salaire minimum… Le 23 mars, le gouvernement propose une série d'amendements pensés pour booster l'attractivité danoise auprès des étrangers qualifiés. Les nouvelles règles sont entrées en vigueur le 1er avril. Le manque de main-d'œuvre pénalise les entreprises danoises. En 2022, 42 % d'entre elles ont dû renoncer à recruter, faute de candidats.

L'Italie recrute aussi des travailleurs étrangers non européens. Contrairement à ce que laissait entendre Georgia Meloni, la réalité du terrain montre des secteurs agricoles, touristiques et industriels désarmés devant le manque de main-d'œuvre étrangère. L'État relève à 82 000 le quota de travailleurs étrangers autorisés à candidater. Dès la mise en ligne de la plateforme, c'est la saturation. En à peine un jour, les services italiens reçoivent plus de 240 000 candidatures.

Attirer les talents étrangers : un enjeu majeur pour les États

À force de n'insister que sur les pénuries de main-d'œuvre, on pourrait croire qu'il ne s'agit que d'une variable à ajuster. Même l'Italie reconnaît que le problème ne se réglera pas avec des ajustements à la marge. Les associations d'agriculteurs italiens estiment qu'il manque toujours 100 000 travailleurs étrangers. L'opposition appelle à une réelle politique d'accueil, et non d'exploitation des travailleurs immigrés.

Le problème dépasse largement la sphère purement économique, ou plutôt, englobe tout ce qui permet à un État de vivre. En effet, il n'y a pas de croissance sans humains. Et les individus manquent cruellement dans certaines régions du monde. Derrière la course aux États pour fixer les talents étrangers se joue le combat pour préserver la démographie, voire, dans l'idéal, l'augmenter.

L'immigration au secours de la démographie

Le Canada dépend depuis longtemps de l'immigration pour soutenir sa démographie. Le Japon a perdu près de 800 000 habitants en 2022. Seule solution pour contrer le phénomène : accélérer le recours à l'immigration. Selon l'Agence japonaise de coopération internationale, la deuxième puissance mondiale aura besoin de 6,74 millions de travailleurs étrangers d'ici 2040. La situation est prise très au sérieux par le gouvernement Kishida. Car un Japon dépeuplé est un Japon plus faible sur la scène internationale. Le risque est que la Chine continue d'étendre son influence sur l'Asie du Sud-Est.

La situation du Japon éclipse étrangement celle des autres États, qui ne sont pourtant pas forcément en meilleure posture. En 2022, le taux de fécondité en Corée du Sud atteint un bas historique, avec en moyenne 0,79 enfant par femme. Pour rappel, il faut un taux de 2,1 pour considérer le pays comme stable démographiquement. Si l'Italie enregistre un meilleur taux (1,2 enfant par femme), elle reste prise dans la spirale du déclin démographique. L'Allemagne a connu un mini « baby boom » en 2021, avec un taux de natalité de 1,58 %. Un chiffre en hausse pour la première fois depuis 2017. Ces « bébés confinement » ont été conçus pendant les premiers confinements. À l'époque, la population est encore confiante, et pense que le virus passera.

Plus de bébés, plus d'étudiants internationaux, plus de travailleurs étrangers. Pour s'attirer les faveurs des talents étrangers, le Danemark n'oublie pas la jeunesse. Pour encourager les étudiants à rester au Danemark après l'obtention de leur diplôme, la réforme de l'immigration leur octroiera automatiquement une période de recherche d'emploi de 3 ans (contre 2 ans dans la précédente loi), sans besoin de demander un permis de séjour.

Innovation et richesse culturelle

Les échanges permettent l'émergence de nouvelles idées. Et les idées, c'est de l'argent. Les start-ups l'ont bien compris, et se lancent dans une bataille mondiale pour capter l'attention des meilleurs étrangers qualifiés. Experts dans leur domaine, on les dit plus autonomes, créatifs et productifs. Davantage au fait de la situation internationale, les travailleurs étrangers sont un canal indispensable pour que les idées circulent. Ils sont aussi des ambassadeurs de leur pays, et peuvent, à leur niveau, faciliter les connexions entre leur État d'accueil et leur pays d'origine.

Les différentes annonces des États sont autant d'appels aux candidats à l'expatriation. Reste à faire son choix entre tous les pays, en se rappelant que le travail ne fait pas tout, et qu'il existe une vie en dehors du travail. L'Allemagne l'a bien compris, et se lance dans une nouvelle campagne de communication auprès des candidats à l'expatriation. Pour les attirer et surtout les retenir, le pays met en avant la richesse de ses cités cosmopolites. Berlin, Munich, Cologne, ou Leipzig font ainsi partie des villes les plus festives d'Allemagne.