Réunification familiale : la nouvelle stratégie des pays du Moyen-Orient 

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Publié le 2023-03-17 à 13:00 par Asaël Häzaq
Durant les premiers mois de la pandémie de Covid, l'on se demandait si l'expatriation n'avait pas vécu ses derniers moments. Force est de constater qu'elle est toujours là, et revient même renforcée. Les États, frappés par des pénuries de main-d'œuvre inédites, bataillent pour attirer les talents étrangers. Du Japon au Royaume-Uni, en passant par l'Australie, l'Allemagne ou le Canada, nombre d'États rivalisent de solutions plus ou moins nouvelles pour augmenter leur attractivité. Au Moyen-Orient, on tire la carte familiale pour attirer les étrangers qualifiés. Décryptage.

Quand Oman facilite la réunification familiale

Pour la Royal Oman Police (ROP), c'est une stratégie gagnant-gagnant. La ROP vient d'abaisser drastiquement le salaire minimum requis pour les expatriés souhaitant obtenir un visa familial. L'étranger à l'origine de la demande devra désormais gagner au moins 390 dollars par mois. C'est moitié moins que le revenu minimal demandé jusqu'alors. L'étranger demandeur (sponsor) devra bien entendu s'assurer de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille.

La ROP explique cette baisse inédite par sa volonté de booster l'économie omanaise. Le calcul est simple : faciliter l'obtention du visa familial permettra à davantage de talents étrangers d'en faire la demande. Assouplir les règles la réunification familiale rend l'État plus attractif, et encourage des talents étrangers à s'installer sur le territoire, y compris ceux qui ne pensaient peut-être pas à Oman.

En février 2023, l'État compte un peu plus de 4,9 millions d'habitants, dont 42,2 % d'expatriés. En concurrence directe avec les Émirats arabes unis, le Qatar ou l'Arabie saoudite, Oman veut renforcer sa position, et au Moyen-Orient, et sur la scène internationale. C'est en 2011 qu'est apparue la première mesure liant salaire minimum et demande de visa familial. L'État poursuit sa politique de simplification, certain qu'elle contribuera à attirer encore plus de talents étrangers et à dynamiser l'économie.

Réunification familiale : une stratégie pour attirer davantage de talents étrangers ?

Un bon emploi et un bon salaire seuls ne suffisent pas toujours à retenir durablement les talents étrangers. La vie ne se résume pas au travail, et la famille garde une importance considérable dans tout projet de vie. De fait, les États facilitant la réunification familiale gagnent des points considérables auprès des expatriés. Les pays du Moyen-Orient l'ont bien compris, et dévoilent leurs plans pour attirer les familles, surtout celles aux meilleurs potentiels.

Aux Émirats arabes unis, l'expatrié qui souhaite faire venir sa famille doit gagner au moins au moins 4 000 dirhams des Émirats arabes unis (AED), soit environ 1090 dollars (USD). Il s'assure d'avoir un logement et les revenus lui permettant d'accueillir sa famille. De leur côté, les membres de la famille présenteront un certificat médical prouvant qu'ils sont « médicalement aptes » à immigrer aux Émirats arabes unis ; certificat qui devra être validé par les autorités émiraties.

Le visa familial des Émirats coûte environ 1 300 dollars. Les frais sont bien moitié moins chers en Arabie saoudite (approximativement 2 000 riyals saoudiens pour un visa familial permanent, soit un peu plus de 530 dollars). Les employés du gouvernement bénéficient d'une exonération de frais. L'expatrié demandeur devra gagner au moins 3 500 riyals saoudiens par mois, soit environ 930 dollars. La demande de visa permanent est accessible pour 200 professions spécifiques dont : femme ou homme d'affaires, gestionnaire de compte, comptable, auditeur financier, responsable de banque, d'administration, spécialiste en agriculture, contrôleur aérien, chimiste, directeur de cinéma, de théâtre, avocat, médecin...

Au Qatar, on parle de visa de résidence familiale. Un visa plus cher à obtenir que celui de l'Arabie saoudite ou des Émirats arabes unis. Depuis février, l'expatrié sponsor devra au moins gagner 15 000 riyals qatariens (environ 4 100 dollars) contre 10 000 riyals qatariens jusqu'alors (environ 2 700 dollars). Comme pour l'Arabie saoudite, ce visa de résidence familiale est accessible aux professions spécialisées et/ou techniques. Les chauffeurs, livreurs, techniciens de surface et autres métiers peu qualifiés ne sont pas éligibles à la demande de visa.

Moyen-Orient : la course pour attirer les talents étrangers

Bahreïn, Oman, Qatar, Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Israël, et même le Koweït… Nombre de pays du Moyen-Orient rivalisent pour attirer les talents étrangers.

Les Émirats arabes unis (EAU) profitent de leur position géographique pour s'imposer comme l'un des pays les plus favorables aux investissements directs étrangers (IDE). En témoigne l'essor de Ras Al Khaimah (RAK) et sa zone économique « RAKEZ », l'une des principales zones d'investissements aux EAU, qui connaît une croissance fulgurante grâce aux investissements étrangers. Santé, transports, énergie, alimentation, automobile… Le rayonnement de RAKEZ touche tous les secteurs et attire un nombre croissant de talents étrangers. En 2021, les IDE ont rapporté plus de 20 milliards de dollars aux Émirats.

L'Arabie saoudite mise sur les mêmes leviers. En 2022, les entreprises publiques et privées d'Arabie saoudite ont engrangé un peu plus de 22 milliards d'investissements étrangers, contre à peine 2 milliards en 2021. L'Arabie saoudite change de cap pour devenir elle aussi un pôle d'investissement stratégique et accroître son influence. D'autres puissances du Moyen-Orient optent pour des politiques similaires.

Mais dans les mêmes temps, les mesures de nationalisation des emplois sont toujours présentes. Le Koweït en est l'une des illustrations les plus emblématiques, avec un processus de koweïtisation des emplois durs, qui, en 2020, voulait réduire de moitié sa population étrangère. Les autres États ont également leurs programmes : omanisation, saoudisation ou qatarisation des emplois.

Si les puissances du Moyen-Orient investissent dans la réunification familiale, elles ciblent des expatriés qualifiés, d'où les conditions de revenus et/ou d'emplois exercés. En clair, oui aux talents internationaux, investisseurs et autres riches expatriés.