Comment gérer sa carrière en tant qu'expatrié ?

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Publié le 2022-08-29 à 10:00 par Asaël Häzaq
Canada, États-Unis, Australie, Suisse, Finlande, Japon, France… Depuis l'an dernier, les embauches internationales ont repris des couleurs. Les États recrutent des talents étrangers et le font savoir. Pourquoi partir travailler à l'étranger et comment gérer sa carrière ? Comment évoluer professionnellement en tant qu'expatrié ?

Pourquoi partir travailler à l'étranger ?

Atouts sur le plan professionnel

En berne au plus fort de la crise sanitaire, le recrutement des étrangers est de nouveau plébiscité par les États en manque de main-d'œuvre. Au Japon, la pénurie dure depuis le milieu des années 90. Aggravée par la Covid-19, elle met le pays devant une urgence économique et sociale. Selon l'Agence japonaise de coopération internationale et la Banque de développement du Japon, le pays aura besoin de 4,2 millions de travailleurs étrangers d'ici à 2030. Ils sont 1,7 million aujourd'hui. Avis aux candidats à l'expatriation désirant faire carrière au Japon.

L'immigration professionnelle est un véritable accélérateur de carrière. La mention d'une expérience à l'étranger valorise le CV et traduit une autonomie, des compétences d'adaptation, d'apprentissage, d'intégration… Autant d'atouts essentiels dans le monde du travail. L'expatrié peut travailler en équipe, s'adapter aux contraintes, se remettre en question. Il est autonome et force de proposition, réactif et motivé. L'expatrié a également une vision plus large, plus originale. Travailler à l'étranger lui a ouvert les portes d'un réseau professionnel international. Réseau qui peut lui permettre de booster davantage sa carrière, d'acquérir une promotion, ou d'évoluer professionnellement (changer de voie, créer sa propre entreprise…).

Atouts sur le plan personnel

Sur le plan personnel, l'immigration professionnelle dope l'estime de soi et la confiance en soi. Plus autonome, on est plus apte à relever des challenges. On améliore ses hard skills et ses softs skills. La communication est elle aussi plus fluide. Travailler à l'étranger oblige à apprendre la langue du pays et à s'améliorer en anglais. Au final, on gagne en compétences côté langues étrangères, un atout pour évoluer dans la sphère professionnelle comme au quotidien. Travailler à l'étranger fait mûrir. Hors de sa zone de confort, on est poussé à aller vers les autres, à apprendre différemment, à intégrer les codes du pays. Autant de processus qui valoriseront le CV. Un cercle vertueux, en somme, qui rend le profil des expatriés attractif aux yeux des recruteurs.

Faire carrière à l'étranger

Même en cette période inflationniste, le seul niveau de salaire ne suffit pas à arrêter le choix du pays d'expatriation. Plusieurs autres paramètres tout aussi importants que le salaire entrent en compte.

Trouver un premier emploi à l'étranger

Le pays manque-t-il de main-d'œuvre dans le secteur que vous visez ? (Si le secteur est bouché, vous pourriez avoir encore plus de difficultés à trouver qu'un local). Quelle est sa situation sociopolitique ? Est-il une terre historique d'immigration, comme le Canada, la France ou les États-Unis ? Quelle est la législation du pays en matière d'immigration et d'accueil des étrangers ? Depuis la Covid, par exemple, les nouvelles lois singapouriennes favorisent l'embauche des locaux au détriment des étrangers. À Hong Kong, c'est la mainmise toujours plus pesante de la Chine qui douche les ambitions de nombreux étrangers. Taïwan voit se rapprocher l'ombre de Xi Jinping. Dans les pays du Golfe, l'omanisation ou la saoudisation de l'économie vont encore plus loin que les lois singapouriennes.

Ces données objectives concernant le futur pays d'accueil sont à mettre en parallèle avec des données propres à chaque expatrié : cadre de vie, balance vie professionnelle/ vie familiale, urbanisation, bruit, transports, accessibilité...

Parler salaire

Il faut tout de même parler salaire. Selon une étude de William Russel, spécialiste de l'assurance maladie à l'international, mieux vaut travailler en Suisse. Les salaires suisses sont 2 à 3 fois supérieurs au niveau des autres pays de l'OCDE. Ainsi, un enseignant en Suisse gagne 3 fois plus que s'il exerce la même profession en France (environ 76 000 euros annuels côté suisse, 23 000 euros annuels côté français). C'est 2 fois plus pour l'ingénieur. Ingénieurs également mieux payés aux États-Unis qu'en France. Même constat pour les chercheurs. Les officiers de police ont plutôt intérêt à faire cap au pays du Soleil levant. Le Japon les paie près de 45 000 euros annuels. C'est 84 000 euros en Suisse, et 5 800 euros au Mexique. Pour les développeurs, mieux vaut viser les États-Unis. Ils gagneront environ 95 000 euros annuels, contre un peu plus de 42 000 en France, et 5600 en Turquie.

Toujours selon la même étude, la Pologne, la Hongrie, la Turquie, le Costa Rica ou le Chili font partie des pays de l'OCDE les plus abordables. Leurs niveaux de salaires sont plus faibles, mais leur coût de la vie aussi. Une personne venant d'un pays plus riche, comme la Suisse, aurait potentiellement de meilleurs revenus. En Suisse, les salaires sont plus élevés, mais le coût de la vie aussi.

Travailler à l'étranger : évaluer pression fiscale

Les études sur les niveaux de salaires n'évaluent cependant pas l'impact des taxes et de l'imposition. Or, ils jouent un grand rôle dans le calcul du reste à vivre. Le Danemark, la France et la Belgique sont les champions de l'imposition. L'impôt danois peut monter jusqu'à 60 % des revenus. La pression fiscale représente 45,9 % du PIB. C'est 45,3 % en France, et 44,13 % en Belgique. La pression fiscale descend à 34,4 % au Canada, 31,4 % au Japon et 25,5 % aux États-Unis. En Suisse, elle n'est que de 8 %.

Évolution d'une carrière à l'étranger

Pour bien démarrer une carrière à l'étranger, il faut donc jouer sur deux tableaux.

D'un côté, l'évaluation du pays d'expatriation : secteurs d'emploi sous tension, salaire estimé, taxes, impôt, coût de la vie, inflation, régime politique, stabilité politique, taux de chômage, politique d'accueil des étrangers… De l'autre, l'évaluation du candidat à l'expatriation : compétences techniques et sociales, études, expériences professionnelles, connaissance de langues étrangères, facilités d'apprentissage…

Pour évoluer professionnellement, il faut d'abord être prêt à partir de la base. Certains expatriés arrivent encore à l'étranger en terrain conquis. Même pour un poste à responsabilité, il faut être prêt à se faire aider, à découvrir et assimiler la culture d'entreprise, à accepter d'être moins performant au début de son expatriation. Tout comme l'étranger observe les locaux, il est aussi observé par eux. Faire une bonne première impression et garder un esprit ouvert et humble favorisera une évolution de carrière positive.

L'évolution professionnelle pourra prendre autant de temps que dans le pays d'origine. Il faudra d'abord vérifier que l'expatrié a bien assimilé les codes sociaux de son entreprise et du monde du travail de son pays d'accueil. Parler la langue du pays est indispensable. L'anglais ne suffit pas. Se former aux outils utilisés par l'entreprise est aussi capital, de même que comprendre comment l'on grimpe les échelons. Demande-t-on un entretien avec son supérieur ? A-t-on des évaluations régulières pour juger d'une potentielle promotion ? Gagne-t-on des bonus à l'ancienneté ou au mérite ? Chaque pays a sa culture d'entreprise. C'est cette culture qu'il convient d'assimiler pour ne pas commettre d'impair.

Expatrié et expatrié

On a tendance à employer le mot « expatrié » pour parler de toutes les personnes qui partent vivre à l'étranger. Mais au sens juridique (sens strict), l'expatrié est celui qui part dans le cadre d'un contrat d'expatriation. Il négocie avec son employeur un contrat qui précise les conditions de sa période d'activité à l'étranger. En général, elle ne dure que quelques années, après quoi l'étranger retourne dans son entreprise. Durant le temps de son expatriation, il dépend du contrat local, conclu avec le pays d'accueil. Le contrat d'expatriation est différent du contrat de détachement, qui permet à un salarié d'aller effectuer une mission à l'étranger, mais tout en restant sous la protection de son entreprise.

Moins populaire, le terme « immigré » est pourtant celui qui correspond à la majorité des profils « expats ». Ce sont des individus qui partent d'eux-mêmes vivre à l'étranger.

Salarié expatrié : comment négocier une promotion ?

Les salariés qui partent dans le cadre d'un contrat d'expatriation négocient salaire et primes avant le départ. En effet, le contrat d'expatriation comprend non seulement le salaire, mais aussi tout ce qui est indispensable à la vie dans le pays étranger. Il peut inclure des bonus, des primes (comme la prime « coût de la vie ») pour garantir à l'expatrié un bon niveau de revenu dans le pays d'accueil.

Les travailleurs qui ne partent pas dans le cadre d'un contrat d'expatriation négocient leur promotion comme le ferait un local. Ils ont d'ailleurs été embauchés sous contrat local. Connaître la culture d'entreprise s'avère donc indispensable pour négocier une promotion. Aux États-Unis, par exemple, la Grande démission (grande vague de démissions qui frappe le pays depuis 2021) a placé les salariés en position de force. Ils se rassemblent pour négocier des salaires à la hausse. Ils n'hésitent plus à démissionner pour trouver mieux ailleurs. Si le mouvement s'est un peu essoufflé cette année, il est toujours présent. D'autres pays augmentent les salaires des métiers touchés par la pénurie (serveurs, chauffeurs…).

Gérer sa carrière à l'étranger : les conseils en plus

Le travail ne fait pas tout. Pour gérer votre carrière à l'étranger, soyez curieux et découvrez votre pays d'accueil. Le mode de vie, la culture, les normes dans l'entreprise. Tout ne sera pas forcément écrit. Observer vos collègues et supérieurs vous en dira long sur les relations de travail. Vous pourrez mieux vous positionner pour négocier une future promotion ou évolution de carrière.

Parlez la langue de votre pays d'accueil. On entend encore trop souvent dire que l'anglais suffit. Or, il est naïf de croire que vous trouverez toujours quelqu'un à qui parler en anglais où que vous alliez dans le monde. Apprenez la langue de votre pays d'accueil, quand bien même votre langue de travail serait l'anglais. Apprendre la langue, c'est aussi partager la culture du pays. Cela marque votre motivation et votre envie d'évoluer.

Continuez de vous former. Votre entreprise à l'étranger propose-t-elle des formations en interne ? Comment font vos collègues ? Renseignez-vous et gagnez en compétence pour booster votre carrière.

Faites comme les locaux. Vivez local, consommez local. Inscrivez-vous dans un club de sport, un club culturel… À première vue, ces activités n'ont rien à voir avec le travail, et pourtant. Tout comme vous aviez une vie en dehors du travail dans votre pays d'origine, construisez une vie en dehors du travail dans votre pays d'accueil. Cela impactera positivement votre travail. Vous pouvez aussi allier l'utile à l'agréable en optant pour des activités prisées par les réseaux professionnels que vous souhaitez intégrer.

Préparez-vous psychologiquement. Sollicitez vos proches. Suivez un coaching expatriation. Parlez de votre projet. Ne restez pas seul. Gardez votre motivation et avancez à votre rythme.