Immobilier en Espagne : ce qui change pour les expats en 2022

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Publié le 2021-10-08 à 10:00 par Asaël Häzaq
Comme dans bien d'autres domaines, l'on parle de situation « avant » et « post » Covid. La pandémie a changé la vision des particuliers et des entreprises. En Espagne comme ailleurs, un nouvel exode a conduit des milliers d'individus à déménager en périphérie des grandes villes, ou, si le budget le permet, à investir dans une résidence secondaire. Prise de conscience, ou crainte de nouveaux confinements, les nouveaux acquéreurs entendent profiter autrement de la vie. Mais la réforme fiscale votée en juillet dernier par le gouvernement espagnol pourrait bien changer la donne.

Ce qui change en 2022

On l'appelle la loi 11/2021 relative aux mesures de prévention et de lutte contre la fraude fiscale. Derrière ce titre à rallonge, cette loi transpose une directive européenne de juillet 2016, directive qui établit des règles contre l'évasion fiscale. La loi espagnole - qui entrera en vigueur dès le 1e janvier 2022 - vise à intégrer les mesures européennes, et ambitionne de renforcer le contrôle fiscal pour faciliter la lutte contre la fraude. C'est dans ce cadre que s'inscrivent les nouvelles mesures fiscales espagnoles. La loi précise : « En particulier, les efforts devraient porter sur le contrôle des contribuables disposant d'un patrimoine important, ainsi que dans leur environnement social et familial, afin de favoriser le bon accomplissement de leurs obligations fiscales en créant une unité centrale de coordination de ces actions de contrôle ».

Principal changement de la réforme fiscale : une nouvelle méthode de calcul, qui s'appliquera sur l'ensemble des biens immobiliers, y compris les successions ou donations. Cette nouvelle méthode de calcul s'appuie sur un nouvel outil : « la valeur de référence ». Elle est déterminée par la Direction Générale du Cadastre espagnol, lequel « analysera les prix de toutes les ventes de biens immobiliers qui sont effectuées devant un notaire, sur la base des caractéristiques cadastrales de chaque propriété ». La valeur de référence impacte directement les impôts; elle touche l'immobilier ancien (Impôt sur la Transition Patrimoniale - ITP), l'impôt sur le Patrimoine (impôt sur la fortune), la succession, et la donation. Si la valeur de référence dépasse celle de l'acquisition, l'impôt concerné augmentera. Mauvaise nouvelle pour les futurs acquéreurs, à l'heure où le marché se remet d'une année 2020 en demi-teinte.

État des lieux du marché espagnol

Florissant depuis 2013, le marché immobilier espagnol enregistre des hausses régulières. La plus importante, en 2018, fait grimper les prix à 7%. L'embellie se fait particulièrement sentir dans les cités prisées des touristes et immigrés : Valence, Barcelone, et Madrid, l'une des villes les plus chères d'Europe. 2019 marque le début d'un ralentissement. Les prix stagnent. La croissance ralentit. Un ralentissement dû en partie à la crise politique secouant alors la Catalogne. Crise qui affecte bientôt tout le pays : précarité de l'emploi, chômage, difficultés d'insertion... beaucoup de jeunes espagnols sont dans l'incapacité de devenir propriétaires, et dénoncent les dérives du marché immobilier. 

La crise sanitaire frappe un secteur déjà en difficulté. C'est le journal El País qui alerte, dès avril 2020. Les prix de l'immobilier enregistrent des chutes records : -6% entre février 2019 et février 2020. Les appartements sont plus touchés que les maisons : -7,4% de ventes par rapport à 2019, contre -0,7% pour les maisons individuelles. L'ancien subit de lourdes pertes, comparativement au neuf : -6,3% pour les logements anciens, contre -2,4% pour le neuf. La pandémie a stoppé l'activité, et du pays, et du monde. Le traumatisme du premier confinement (mars 2020) et des suivants ont profondément marqué les Espagnols et les étrangers souhaitant investir. Les deux catégories adoptent des positions similaires : fuir les quartiers de centre-ville, quitter les appartements pour s'établir en périphérie, dans des maisons individuelles, ou du moins, des logements avec balcon. Le marché de l'immobilier repart sensiblement à la hausse courant 2020. 2021 confirme la tendance. En un an (avril 2020-2021), le prix des maisons individuelles a grimpé de 6%. En parallèle, le prix des appartements, lui, baisse sensiblement : -0,5%. La baisse touche surtout les petits logements ; les vastes appartements et/ou ceux comprenant un balcon sont moins affectés (chiffres : agence immobilière Arkadia). La Covid-19 a changé les attentes des acquéreurs. L'espace habitable, le quartier et la proximité avec la nature sont d'une importance capitale. La chute des prix des petits logements s'explique aussi par la faible mobilité étudiante. Studios et autres deux-pièces étaient majoritairement loués à des étudiants. Le coronavirus et les divers confinements ont considérablement freiné, sinon arrêté la mobilité étudiante. La réouverture progressive des frontières et la forte croissance du PIB (6,8% cette année, 6,6% attendus en 2022 selon l'OCDE) redynamisent tous les secteurs, y compris celui de l'immobilier. L'Espagne devrait retrouver son niveau d'avant Covid dès 2022.

Immobilier espagnol : un marché qui attire toujours autant

Pays touristique, l'Espagne est aussi prisée pour son parc immobilier. Et la pandémie n'a fait qu'accroître l'attractivité du pays, surtout du point de vue des investisseurs étrangers et des candidats à l'expatriation. La côte méditerranéenne et l'Andalousie sont toujours aussi recherchées. C'est que le pays a de nombreux atouts : le soleil quasi permanent, la mer, un art de vivre, et un coût de la vie globalement inférieur à ceux des autres puissances européennes. L'Espagne est aussi idéalement située : voisine directe du Portugal et de la France, à quelques heures du Royaume-Uni, de l'Italie, de l'Allemagne et de l'Afrique du Nord.

Les nouvelles mesures fiscales vont-elles décourager les acquéreurs ?

D'aucuns se pressent pour finaliser leurs ventes avant 2022. Les autres comptent miser sur le neuf, moins impacté par les mesures que l'ancien. Il reste cependant évident que l'administration fiscale ressort grande gagnante de ce nouveau mode de calcul. Mauvais calcul, estiment les observateurs, craignant une baisse des investissements étrangers. Ils jugent, de plus que la mesure ne reflète pas la valeur réelle du bien. Travaux engagés, rénovation, bruit ambiant, état global du quartier... autant d'éléments non pris en compte dans le calcul de la valeur de référence, qui impactent pourtant le prix réel du bien. Un logement mal isolé au rez-de-chaussée d'un immeuble n'aura pas le même prix qu'un même logement à l'étage, rénové et isolé selon les nouvelles normes environnementales. Les deux biens risquent pourtant d'obtenir la même valeur de référence.

Les locaux, eux, attendent de voir les effets de ces mesures. Dans leur viseur : les investisseurs étrangers, responsables, selon eux, de la montée des prix de l'immobilier. Avec la pandémie, les locaux ont retrouvé l'âme même de leurs quartiers. Les sites touristiques (Madrid, Barcelone, Séville...), particulièrement surpeuplés, se sont vidés, laissant aux habitants la possibilité de réinvestir enfin leurs quartiers. S'ils saluent le retour de la croissance, les locaux exigent un encadrement plus strict des procédures de ventes immobilières, surtout lorsqu'elles concernent les résidences secondaires.

Pour le gouvernement espagnol, c'est un nouveau défi : préserver le cadre de vie des locaux (tout aussi prisé par les touristes et les expatriés) et leur permettre d'accéder à la propriété, tout en favorisant l'investissement étranger. Si la hausse des prix semble incontestable, le gouvernement préfère communiquer sur la sécurité : plus de sécurité dans les transactions immobilières, plus de contrôles, plus de transparence, pour une plus grande tranquillité de l'acheteur. 2022 dira comment les acquéreurs prendront ces nouvelles mesures fiscales.